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Laurent Bon: le discret producteur de Quotidien sort de l'ombre

Laurent Bon est producteur de "Quotidien" et "Stupéfiant!" avec sa société de production Bangumi.

Laurent Bon est producteur de "Quotidien" et "Stupéfiant!" avec sa société de production Bangumi. - Christophe Chevalin - TMC

Bolloré, Quotidien, Yann Barthès, Le Petit Journal, TF1, les politiques, la présidentielle de 2017... Une fois n'est pas coutume, le producteur Laurent Bon s'est épanché sur ces différents sujets au détour d'un entretien. Un exploit pour cet homme volontairement (très) rare en interview...

C'est l'homme de l'ombre par excellence. Celui qui a construit le succès de Yann Barthès à la télévision. Mais pas seulement. A 48 ans, le producteur Laurent Bon s'est fait un nom dans le monde du PAF, notamment avec sa société Bangumi, créée avec Yann Barthès. Celui qui a produit par le passé des émissions comme +Clair, Le Grand Journal, Le Petit Journal ou Le Supplément sur Canal+ se retrouve aujourd'hui derrière Quotidien sur TMC ou encore le magazine culturel Stupéfiant! avec Léa Salamé sur France 2.

Laurent Bon collectionne les succès à la télévision depuis plusieurs années. Pourtant, le grand public ne connaît quasiment pas son nom, ni son visage. Une discrétion assumée et recherchée comme l'explique le producteur dans un entretien accordé à Télérama. "Je me suis rendu compte à quel point c'était confortable de ne pas être sur la ­photo, assure-t-il. Je pouvais travailler librement, sans aucune pression extérieure. Après, c'est un truc entre moi et moi. Je n'ai pas envie d'être fiché, j'aime l'idée de ne pas être reconnu."

Le "piège" Bolloré, sa méfiance des "grandes gueules"

Toutefois, rester dans l'ombre peut avoir certains revers comme en témoigne Laurent Bon: "Ne pas parler suscite des interrogations déplacées - il a des choses à cacher ou à se reprocher - et donne lieu, dans la presse, à des portraits dans lesquels je ne me reconnais pas, surtout quand ils vont jusqu'à me présenter comme un nouveau Raël à la tête d'une entreprise sectaire!" Exceptionnellement, le producteur a donc accepté de prendre la parole pour mettre les choses au clair. Et évoquer de nombreux sujets. Tour d'horizon.

> Bolloré, Le Petit Journal et son départ de Canal+

"On était pris dans un piège: ne pas parler de Bolloré, c'était paraî­tre se censurer; en parler, c'était risquer de se faire récupérer. (...) On peut nous reprocher de ne pas avoir été assez virulents dans la critique, mais j'étais contre le fait de prendre l'antenne en otage. Si on n'est pas content, on s'en va; c'est ce que nous avons fait."

> L'arrivée sur TMC

"Il nous a fallu trois jours pour comprendre le caractère sophistiqué de cette offre, pour réaliser que c'était la solution de la liberté: une case bien exposée, avec toute latitude éditoriale et la possibilité de grandir en se frottant à une machine telle que TF1. Il y avait quelque chose de neuf, de transgressif, c'était beaucoup plus qu'un simple transfert. Et, à l'arrivée, nous sommes aussi libres à TMC que nous l'étions à Canal+."

> Yann Barthès

"Contrairement à la plupart des animateurs entièrement centrés sur leur passage à l'antenne, lui consacre 90 % de son énergie à la préparation de l'émission. Le temps d'antenne n'est que le moment où il livre un travail réalisé en amont avec toute l'équipe. Les téléspectateurs savent recon­naître qu'il bosse et perçoivent chez lui une forme de sincérité. Et, comme il n'est dans aucun réseau, il n'a peur de se fâcher avec personne et assume tout, même les blagues de mauvais goût, pour peu qu'elles le fassent rire."

> Les qualités d'un bon animateur

"Moi je me méfie des grandes gueules. A l'antenne, j'aime bien les gens timides. Quand Maïtena Bira­ben est arrivée au Supplément, je lui ai juste donné un conseil: "Travaille ta timidité!"

> Cyrille Eldin, le nouveau présentateur du Petit Journal

"C'est quelqu'un que j'aime beaucoup, mais qu'il faut absolument 'éditer'. Pour Le Supplément, il tournait autant de séquences qu'aujourd'hui, sauf qu'on passait ensuite une semaine en salle de montage pour ne garder que les séquences significatives. Son Petit journal n'a rien à voir avec ce qu'on faisait. C'est même le contraire de ce qu'on faisait."

> Les difficultés d'arriver sur TF1

"Sur TF1, l'exercice est délicat. Ce n'est pas une télé qu'on sait faire pour l'instant. Mais ça va venir; moi, ça m'intéresse de savoir élaborer un programme pour le très grand public. Il est difficile de trouver un humour qui ne soit pas excluant, de concevoir du 'lol' qui ne concerne pas simplement le jeune urbain parisien, éduqué, CSP+, mais va parler à droite et à gauche, à Paris et en province, aux jeunes et aux vieux..."

> Le traitement de l'élection présidentielle en 2017 dans Quotidien

"Yann n'est pas un intervieweur professionnel, encore moins un intervieweur politique. Avec ses invités, il est plutôt sur le terrain de la conversation. Ça ne marche pas avec les élus. Nous en avons reçu, et à chaque fois le résultat a été épouvantable. Nous ne pouvons pas passer notre vie à démonter la communication, les éléments de langage utilisés par les hommes politiques et nous en faire le relais en les interviewant en plateau. C'est un constat d'échec, mais partagé par tous. On n'a plus trop envie de jouer à ce simulacre. Nous couvrirons l'élection présidentielle sur le terrain, à l'exception peut-être d'une émission spéciale très préparée, dans la dernière ligne droite."

> L'émission Quotidien dégrade-t-elle l'image des politiques ?

"C'est ce que beaucoup de politiques pensent. Nous avons eu, un jour, un échange un peu musclé avec l'équipe de Manuel Valls, qui nous reprochait de faire le lit de Le Pen. Mais, jusqu'à nouvel ordre, si le Front national et Marine Le Pen en sont là aujourd'hui, ce n'est pas notre responsabilité, mais plutôt celle de ceux qui dirigent ce pays depuis trente ans. Nous, nous ne manipulons rien. Si nos perches volent des sons, c'est toujours à vue, en public. On ne fait pas de paparazzades. Et si nous nous montrons caustiques sur la communication politique, c'est pour en finir avec ce ridicule théâtre de marionnettes."