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Gérard Depardieu, l'homme sans limites

L'enquête Depardieu, l'homme sans limites, diffusée ce lundi soir sur BFMTV, dresse un portrait sensible de l'acteur que les Français adorent détester.

"Ogre", "monstre sacré", "géant", les mots ne manquent pas pour décrire la personnalité hors normes de Gérard Depardieu. BFMTV dresse un portrait de l'acteur aux multiples facettes, dans une enquête inédite, diffusée ce lundi à 20h50. Acteur extraordinaire, ami des despotes, amoureux de la bonne chère, fêtard invétéré, père meurtri, collectionneur d'art... Gérard Depardieu est tout cela à la fois. Ce long format nous plonge dans la vie de l'acteur-globe-trotteur-homme d'affaire. Et dresse un portrait de celui qui représente si bien la France et qui a pourtant fini par la quitter.

L'exil belge de Cyrano de Bergerac

Son exil fiscal en 2012, et ses amitiés avec des dirigeants plus ou moins fréquentables ont fini par brouiller sa relation avec les Français.

L'acteur adulé de Cyrano de Bergerac est devenu celui qui a fui la France pour payer moins d'impôts. Avec son départ en Belgique, un fossé s’est creusé entre Gérard Depardieu et son pays natal, qui ne le comprend plus. En 2012, déjà, le départ de celui qui a incarné Obélix avait provoqué une onde de choc jusque dans les milieux politiques.

"Je vous rends mon passeport"

Le départ du pilier du cinéma français devient vite une affaire nationale. Le Premier ministre de l'époque, Jean-Marc Ayrault, va jusqu'à qualifier cet exil fiscal de "minable". Cette déclaration blesse profondément le citoyen Depardieu, qui répond dans une lettre ouverte publiée dans le Journal du Dimanche.

"Je vous rends mon passeport et ma sécurité sociale dont je ne me suis jamais servi (...) Qui êtes-vous pour me juger ainsi, je vous le demande Monsieur Ayrault (...) Malgré mes excès, mon appétit et mon amour de la vie, je suis un être libre Monsieur et je vais rester poli."

L’acteur va provoquer une nouvelle déflagration en devenant citoyen russe. La Russie représente aussi pour l’homme d’affaire Depardieu une nouvelle terre de business. Mais pas seulement. L’amoureux de Tolstoï et de Dostoïevski a trouvé dans le plus grand pays du monde un terrain de jeu à sa démesure. "Il ne peut qu’être fasciné par la culture russe...tous les excès", explique son ami Jean-Pierre Castaldi.

En janvier 2013, il obtient la citoyenneté russe. Son nouveau passeport lui est remis par Vladimir Poutine en personne, qu'il tutoie. Il choisit pour s'installer non pas Moscou ni Saint Pétersbourg mais un endroit improbable: Saransk, en Mordovie, à 650 kilomètres à l’est de la capitale.

Amitiés sulfureuses

Une région jusqu’à présent surtout connue pour ses nombreux camps de travail, qui datent de l’époque stalinienne. L’acteur y assouvit aussi son goût du frisson, de l’interdit aux côtés de dirigeants controversés. "Il est fasciné par la puissance, cette façon de mener sa vie... il est au delà de la morale", évoque son ami le comédien Michel Pilorgé. Entre Vladimir Poutine, Ramzan Kadyrov, président de la Tchétchénie accusé par les associations de défense des droits de l’homme de couvrir de nombreux enlèvements et assassinats, et le dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko, Depardieu collectionne les fréquentations sulfureuses. Jusqu'à son dernier voyage polémique, celui effectué dans la dictature nord-coréenne en septembre dernier.

Gérard Depardieu et Vladimir Poutine en 2013.
Gérard Depardieu et Vladimir Poutine en 2013. © MIKHAIL KLIMENTYEV - RIA-NOVOSTI -AFP

Pour comprendre qui est Gérard Depardieu, homme libre et infatigable voyageur, il faut remonter 70 ans en arrière et se rendre à Châteauroux, ville où il est né et où il a poussé au milieu de cinq frères et soeurs, sans interdits et dans la liberté la plus totale. 

"Le temps s’est arrêté là pour lui"

Son père, qu’on surnomme "le Dédé", est tôlier-formeur, il est analphabète. Sa mère, "la Lilette", est femme au foyer. La famille est pauvre. Étonnamment, chez celui qui est devenu un amoureux des mots, on ne se parle pas, comme le raconte Alain, le frère aîné de Gérard. 

Adolescent, déjà, Gérard Depardieu n’aime pas les frontières. A Châteauroux, il se sent à l’étroit et rêve d'ailleurs. Il possède aussi une intelligence de la situation et un sens de la provocation qu’il conservera toute sa vie. Et un talent inné pour le spectacle, qui va faire de lui un acteur de génie devenu aujourd’hui un ogre du 7ème art... qui ne se donne plus la peine d'apprendre ses textes. Comme le raconte Bernard Blier, qu'il connaît depuis Les Valseuses en 1974 et avec qui il vient de tourner son dernier film Convoi exceptionnel

"Il a une oreillette... ça marche très bien, il a la flemme d’apprendre", confie Blier.

Une technique qui lui permet de tourner entre cinq et sept longs métrages par an. Des superproductions aux films d’auteur comme Mammouth, pour lesquels il accepte de petits cachets.

Trop plein d'appétit

Derrière l'acteur boulimique se cache un homme d'affaires avisé. S'il ne se considère pas comme un chef d’entreprise, Gérard Depardieu est pourtant à la tête d’une petite PME qui emploierait environ 80 salariés. Le montant de sa fortune est difficile à évaluer précisément, elle se compte en plusieurs dizaines de millions d’euros. Cet argent amassé lui permet d’assouvir ses passions, de s'acheter vignobles et restaurants. Son amour de la bonne chère guide sa vie. Il acquiert une épicerie, une poissonnerie, lance son émission culinaire A pleines dents.

Mais cet appétit pantagruélique, cette faim de voyages, de films, d'activités, cache des blessures intimes. Le 17 octobre 2008, Gérard Depardieu a enterré son fils aîné Guillaume, mort d’une pneumonie foudroyante à l’âge de 37 ans. Guillaume, acteur et musicien talentueux, a eu des rapports souvent conflictuels avec ce père trop absent. "Le temps s’est arrêté là pour lui", assure son ami Jean-Pierre Castaldi.

Aujourd'hui, l'ogre Depardieu, à la silhouette plus massive que jamais, au caractère de plus en plus éruptif - il s'est brouillé avec certains de ses amis, redoute et fuit les médias - laisse réserve encore des surprises. En ce début d’automne, il s'est produit au Cirque d’Hiver à Paris. Il y a chanté Barbara, l’une des grandes rencontres de sa vie, et enchanté les spectateurs. Sur scène, loin des caméras, le géant délicat déploie toute sa sensibilité pour interpréter les plus belles chansons de la Dame en noir.

Gérard Depardieu et Barbara en 1986.
Gérard Depardieu et Barbara en 1986. © Dominique Aubert - AFP
Magali Rangin et Fabrice Babin