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Tchernobyl: ce que les témoins de la catastrophe pensent de la série

La série Chernobyl.

La série Chernobyl. - HBO

La série de HBO sur la catastrophe nucléaire de Tchernobyl déchaîne les passions. Mais qu'en est-il de son exactitude historique?

Chernobyl, produit de HBO, en plus d'être la série la mieux notée par les téléspectateurs, a des retentissements sur le tourisme local. 

Si certains en Russie ont salué le réalisme de l'oeuvre, d'autres l'ont accusé d'exagérer le rôle néfaste des autorités soviétiques. Qu'en est-il vraiment? Pour en savoir plus sur l'exactitude des faits historiques, l'AFP est allé à la rencontre de témoins de la catastrophe.

"Je ne me suis jamais senti comme un héros"

A commencer par Olexiï Ananenko. Dans la série américaine, il est salué comme l'un des hommes ayant évité une catastrophe encore plus grave lors du pire accident nucléaire de l'Histoire. Habitant aujourd'hui dans un modeste deux-pièces en périphérie de Kiev, Olexiï Ananenko assure pourtant ne pas être un "héros".

"Je ne me suis jamais senti comme un héros. C'était mon boulot", confie cet homme de 59 ans, ancien ingénieur qui a risqué sa vie en 1986 dans la centrale accidentée de Tchernobyl, qui se trouve à une centaine de kilomètres au nord de son logement.

Dans l'un des épisodes les plus dramatiques, la mini-série produite par la chaîne HBO raconte l'histoire de Olexiï Ananenko et de deux autres ingénieurs, Valeri Bespalov et Boris Baranov, qui sont descendus sous le coeur brûlant du réacteur de Tchernobyl pour vider un réservoir d'eau situé à trois mètres de profondeur. 

Equipements de plongée et de petits masques

A l'écran, les trois hommes, conscients du danger imminent, se portent volontaires pour cette mission afin d'éviter les "millions" de morts que provoquerait une deuxième explosion, à même d'être déclenchée par le contact du combustible nucléaire avec l'eau du réservoir. 

En réalité, si les craintes d'une deuxième explosion existaient bel et bien, son ampleur potentielle n'était pas claire. Et les trois "kamikazes" ont simplement obéi aux ordres, sans avoir clairement été informés sur les risques qu'ils encouraient. 

"On m'a ordonné de m'y rendre, alors je suis allé", se souvient Olexiï Ananenko, dont les cheveux bruns et les yeux marron contrastent avec la crinière blonde de l'Islandais Baltasar Breki Samper, qui l'incarne dans la série. "Je n'avais pas peur", poursuit-il.

Protégés seulement par des équipements de plongée et de petits masques, les trois hommes ont arpenté les couloirs partiellement inondés sous le réacteur. A l'aide de torches électriques, ils sont parvenus à trouver dans le noir les verrous du réservoir et à les ouvrir rapidement.

"C'était magnifique"

"J'ai aussitôt entendu le bruit qui signifiait que l'eau a commencé à se vider. C'était magnifique!", raconte M. Ananenko.

En regardant la même scène à l'écran de son ordinateur, il ne peut pas s'empêcher de noter les divergences. "Cela, on l'a pas eu", lance-t-il en montrant du doigt les ballons des plongeurs. "Et on marchait plus vite. Pourquoi? Si tu es lent, la dose (de radiation absorbée) sera plus élevée". 

Malgré deux dosimètres sur lui, M. Ananenko ne sait pas quel niveau de radiation son corps a absorbé. Il n'a pas retenu le chiffre affiché : "Cela veut dire qu'il n'était pas très élevé", estime-t-il.

Contre toute attente, il n'a pas souffert de graves problèmes de santé immédiatement après sa mission et a continué à travailler dans le secteur nucléaire jusqu'en 2017, quand un accident l'a plongé dans un coma d'un mois et affecté sa mémoire, le forçant à prendre sa retraite.

Décoré de médailles soviétique et ukrainienne, plein de vie et robuste malgré tout, Olexiï Ananenko ne touche aujourd'hui que quelque 370 euros de retraite. 

Olexiï Breous, ancien technicien du réacteur numéro quatre accidenté, dit pour sa part avoir eu une impression "globalement positive" de la mini-série, même s'il émet lui aussi des critiques.

"En réalité, ils étaient très résolus"

"Les spécialistes du nucléaire sont montrés comme des gens ayant peur de leur chefs, de tout. Mais en réalité, ils étaient très résolus, aucun technicien n'a pris la fuite après l'explosion. Au contraire, de nouveaux gens venaient à l'aide", raconte-t-il, à Prypiat, ville fantôme depuis son évacuation, située près de la centrale.

Après la catastrophe, "il a fallu courir dans des locaux sans lumière et à moitié détruits pour sauver des collègues blessés, les porter jusqu'aux médecins" et lutter contre les incendies, se souvient-il.

Responsable du Parti communiste à la centrale au moment de la catastrophe, devenu ensuite son directeur, Serguiï Parachine critique les scènes tournées dans un bunker souterrain qui accueillait des réunions de dirigeants de la centrale.

"En réalité, les spécialistes tentaient de comprendre quoi faire et dans la série, ils ne font que rejeter les informations", assure-t-il à l'intérieur de cette salle, rénovée depuis.

avec AFP