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Primal: comment des Français ont conçu la série animée la plus attendue de 2019

Primal de Genndy Tartakovsky

Primal de Genndy Tartakovsky - Adult Swim

Le studio La Cachette, situé à Montmartre, a participé à la création de Primal, la nouvelle création de Genndy Tartakovsky, l’homme derrière Les Super Nanas, Samouraï Jack ou encore Hôtel Transylvanie.

C’est l’histoire d’un petit studio d’animation français qui a participé à la création de la série animée la plus attendue de l’année: Primal, la nouvelle création de Genndy Tartakovsky, l’homme derrière Les Super Nanas, Samouraï Jack, Star Wars Clone Wars ou encore Hôtel Transylvanie.

La chaîne Adult Swim diffusera ce mardi 8 octobre en France les cinq premiers épisodes de cette série muette, en attendant la suite prévue pour 2020. Alternant scènes de grande violence et séquences dramatiques et émouvantes, Primal raconte l’alliance un peu forcée entre un homme des cavernes et un T. Rex, unis par la perte de leur famille respective. 

Le pilote, qui a été présenté au festival d’animation d’Annecy en juin dernier, a suscité des réactions très enthousiastes. Pour Oussama Bouacheria, Julien Chheng et Ulysse Malassagne, co-fondateurs du studio La Cachette et anciens des Gobelins, ce fut une expérience inoubliable, l’aboutissement de longs mois de travail où ils ont même contribué à l’évolution graphique de Tartakovsky, qui adopte ici un style réaliste loin de l'abstraction et du cubisme de ses autres œuvres. Une belle reconnaissance pour ce petit studio montmartrois né "autour d’un poulet", se souvient Julien Chheng: 

"Après les Gobelins, on a fait nos armes dans différents studios en France et à l’étranger sur des longs-métrages. Un an et demi après, on a décidé de se réunir pour faire le bilan de cette première année d’expériences professionnelles. Ce jour-là, on a décidé de travailler ensemble dans un atelier que des amis nous confiaient."

"On était un peu à contre-courant"

En choisissant de baptiser leur studio La Cachette, la bande voulait assumer leur identité française, et insister sur le caractère artisanal de leur entreprise. "La Cachette fait penser à ces refuges de l’enfance: on s’y invente des histoires, on s’y sent bien", souligne Oussama Bouacheria.

Alors que les studios privilégient depuis le début des années 2000 la 3D, eux se distinguent par "un amour de l’animation 2D", poursuit-il: "On était un peu à contre-courant. Les studios continuaient à faire de la 2D, mais plutôt pour les publicités." "On a donc essayé de se positionner comme un studio qui fait de belles histoires en 2D, quitte à monter peu de projets", complète Ulysse Malassagne. 

Au début, La Cachette n’est qu’un collectif, animé par quatre personnages. Leur premier coup d’éclat est la bande-annonce pour la promotion de Kairos, une BD de Ulysse Malassagne: "On a mis un an pour la faire. On a auto-produit la vidéo avec l’idée que ce serait une carte de visite", précise ce dernier. Mise en ligne en 2013, la bande-annonce cartonne sur les réseaux sociaux, et attire l’attention des Etats-Unis. 

Pendant ce temps, Oussama Bouacheria, dont le dernier travail alimentaire avant La Cachette consistait à concevoir les storyboards de Mune, le Gardien de La Lune (2014), est contacté par les réalisateurs Benoît Philippon et Alexandre Heboyan. Charmés par le travail de son studio, ils leur confient des séquences 2D du long-métrage, soit six minutes d’animation. Il s’agit de leur premier travail officiel. 

Depuis, La Cachette se montre très sélectif dans ses choix. Le studio a travaillé six-sept mois sur un épisode de la série Love, Death & Robot de David Fincher et Tim Miller, diffusée sur Netflix. Début 2017, ils reçoivent par le biais du président de la chaîne américaine Cartoon Network une offre pour travailler avec Genndy Tartakovsky. Une rencontre est organisée à Annecy en juin. 

"Ça a été très frontal", se remémore Julien Chheng. "Il nous a montré trois images de ce qui allait devenir Primal. Il nous a dit que Genndy aimait notre travail, que la série n’aurait pas de dialogues, qu’elle se déroulerait pendant la préhistoire et qu’elle serait assez violente. Puis il nous a dit: ‘C’est son projet de coeur, vous êtes partant?’ Il nous a demandé cela avant de savoir si on était une vraie entreprise, combien d’employés on avait…" 
Primal, la nouvelle série de Genndy Tartakovsky
Primal, la nouvelle série de Genndy Tartakovsky © Adult Swim

"Une des séries de Tartakovsky où sa patte est la plus visible"

Si Primal est une série très personnelle, Genndy Tartakovsky a aussi accepté d’adopter un style en rupture avec ses autres séries, détaille Julien Chheng: "C’est un projet né d’un fantasme de Genndy de rendre hommage à l’univers pulp des années 1970-1980. Il nous a donné des images du personnage principal et du dinosaure, mais qui étaient encore des brouillons. On a affiné le style dans le pilote. On a fait évoluer les personnages pour arriver à un compromis de style qui nous convient pour pouvoir fabriquer confortablement la série." 

Une démarche inhabituelle, surtout sur une série aussi personnelle, précise Chorok Mouaddib, production manager: "Quand un producteur demande la fabrication d’une série, le style d’animation et les designs sont définis. Il n’y a pas de temps de recherche. La particularité de Primal est que le pilote a été la recherche. C’est le studio qui a proposé la façon de traiter l’animation, les règles des personnages principaux et de l’univers." Malgré cette rupture de ton, Primal "est un des projets de Genndy où sa patte est la plus visible", précise Julien Chheng. 

Tartakovsky était en effet présent à chaque étape de l’animation: "Genndy reçoit le fichier, dessine, nous le renvoie… Tout au long du processus, jusqu’à la version finale en couleur, Genndy est passé trois-quatre fois sur le ficher. Il a vraiment mis son coup de crayon à chaque étape. Il nous a dit que son travail sur Primal était beaucoup plus prenant que sur des longs métrages à gros budget comme Hôtel Transylvanie." Chorok Mouaddib conclut: "Des Américains viennent souvent travailler en France, mais avoir une collaboration artistique aussi forte avec un réalisateur porteur de projet est extrêmement rare." 

Jérôme Lachasse