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Malgré Skam, Dix pour cent ou PBLV, les fictions françaises en retard sur la question du genre

Dans "Plus belle la vie", la jeune Clara devient Antoine.

Dans "Plus belle la vie", la jeune Clara devient Antoine. - France 3

Les militants LGBT+ demandent maintenant aux créateurs de fictions télévisées françaises des personnages LGBT+ plus complexes, moins stéréotypés, au centre de séries qui durent plusieurs saisons.

Antoine dans Plus belle la vie, Alexia dans Skam, Louis(e) sur TF1... Les fictions télé ont multiplié les personnages homosexuels ou transgenres ces dernières années, mais peinent encore à normaliser les sexualités non hétéro.

Selon l'auteure du livre Sex and the series Iris Brey, la France a "15 ans de retard" sur ce sujet, au coeur d'un débat jeudi au festival de La Rochelle, où le petit monde de la fiction télévisée se retrouve à la fin de l'été.

"Toutes les personnes qui ont du pouvoir dans la production n'ont pas les outils théoriques pour saisir ce thème", contrairement à ce qui se passe dans les pays anglo-saxons, regrette cette critique de séries.

Des personnages LGBT+ plus complexes et moins stéréotypés

A la télévision américaine, le premier personnage gay remonte à 1972, et la série chorale lesbienne The L Word a marqué les esprits à partir de 2004. En France, il n'y a toujours pas de série semblable, souligne Iris Brey.

"On est souvent sur des personnages secondaires", a reconnu Anne Holmes, directrice de la fiction à France Télévisions. "Et on ne voit pas souvent des personnages LGBT+ faisant partie d'une institution: des professeurs, des juges...".

Les critères objectifs manquent: si le CSA publie chaque année un baromètre de la diversité, il n'intègre pas encore la représentation des LGBT+. Leur indexation "repose sur un faisceau d'indices (perception, auto-désignation, etc.), ce qui ne permet pas d'indexer facilement l'orientation sexuelle", souligne le Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Les militants LGBT+ demandent maintenant des personnages LGBT+ plus complexes, moins stéréotypés, au centre de séries qui durent plusieurs saisons. Peut-être à l'image d'Andréa Martel dans Dix pour cent, lesbienne sans que ce soit le sujet principal de la série amirale de France 2. 

En quête de normalisation

Plus belle la vie a aussi introduit depuis plusieurs mois une transition, celle de la jeune Clara en Antoine. Pour le producteur de la série, Sébastien Charbit, PBLV n'est pas "militante" mais veut "provoquer le débat entre les générations". Elle s'intéresse notamment aux proches, dans ce cas le père d'Antoine, "qui ne savent pas réagir face à cette situation".

"On partait de loin", a souligné Jean-Baptiste Marteau, journaliste trentenaire et cofondateur de l'association LGBT+ de France Télévisions. Dans sa jeunesse, un téléfilm de France 2 avec Eva Darlan, Juste une question d'amour, l'avait "aidé" à accepter sa sexualité.

Ces fictions sociétales, qui font partie des "missions du service public", déclenchent parfois des ruisseaux de haine sur les réseaux sociaux, a regretté Anne Holmes ("on paie une redevance pour que vous mettiez les pédés en avant!", avait grogné un téléspectateur). La dirigeante insiste de son côté sur la nécessité d'"encadrer" ces thèmes avec des documentaires et des débats.

"Ça part de la meilleure intention"

Dans le téléfilm Louis(e), où Claire Nebout incarne un père de famille devenu femme, ce sont aussi certains militants LGBT+ qui ont grondé, regrettant notamment le choix de cette actrice née dans le corps d'une femme, à la place d'une transgenre. Dans Vernon Subutex (Canal+), le second rôle de la fascinante Marcia est joué par Ines Rau, trans dans son rôle, mannequin trans dans sa vie.

"Ça part de la meilleure intention", a souligné Sullivan Le Postec, créateur de la websérie Les engagés, sur des militants LGBT+ lyonnais. "Mais tant qu'on n'aura pas mille de ces personnages, le poids restera énorme sur chaque auteur. On ne peut résoudre cette question qu'avec une multiplicité, une vraie diversité de personnages". 

Dans les fictions diffusées sur internet, la donne a changé. Leur public âgé de 15 à 25 ans "est traversé par ces questions sur le rapport au corps", selon Sened Dhab, directeur de la fiction numérique chez France Télévisions. "Mais il est passé outre les interrogations sur ces sexualités, ce n'est plus un sujet pour une série. L'idée est de les normaliser". 

N.B. avec AFP