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Le Transperceneige, la série post-apocalyptique qui fait écho à la crise sanitaire

Le Transperceneige

Le Transperceneige - Casterman

La BD qui raconte le destin des derniers survivants de l’humanité confinés dans un train continue de séduire des fans. Alors qu’un nouveau tome paraît début juin, une adaptation en série débarque sur Netflix.

C’est l'histoire d'un train dans lequel l’humanité vit confinée et s’entretue pour survivre. Le Transperceneige, dont notre réalité se rapproche dangereusement, a été imaginé à la fin des années 1970 par le scénariste Jacques Lob, le co-créateur de Superdupont. Dessiné depuis 1983 par Jean-Marc Rochette, la BD est devenue culte au terme d’un parcours chaotique ponctué par plusieurs morts et de multiples échecs éditoriaux. 

Oublié dans les années 2000, elle a fini par ressusciter en 2013 grâce à une spectaculaire adaptation signée Bong Joon-ho, le réalisateur oscarisé de Parasite. Un succès qui a donné naissance à une suite, Terminus, et à un préquel, Extinctions, dont le deuxième tome sort le 3 juin... une semaine après la mise en ligne sur Netflix d’une série dérivée. Diffusé le 17 mai aux Etats-Unis sur la chaîne TNT, le premier épisode a été visionné par plus de 3,3 millions de téléspectateurs - soit la meilleure audience qu'une série du câble américain en 2020. Pas mal pour une BD française longtemps introuvable en librairie. 

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"Plus l’histoire est simple, meilleure elle est", analyse Jean-Marc Rochette, qui a hérité du Transperceneige après la mort du dessinateur d’origine, Alexis, et a poursuivi l’aventure après la disparition, en 1990, de Jacques Lob: "Jacques est mort à 58 ans en laissant cette histoire géniale désormais universellement connue. Je me suis démerdé pour la faire vivre en choisissant des scénaristes [Benjamin Legrand, puis Olivier Bocquet et maintenant Matz, NDLR]. J’ai maintenu le feu, j’ai soufflé sur les braises..." 

Chapeautée par Graeme Manson et portée par Jennifer Connelly et Daveed Diggs, la série TV se déroule sept ans après l'apocalypse glaciaire, et restitue les thématiques principales de la BD: la lutte des classes, l’injustice sociale et les dérives du pouvoir. Rochette, qui a été sollicité par les producteurs, se dit très satisfait du résultat final et loue en particulier le design du train, très fidèle au sien: "Je sais qu'ils ont travaillé avec la BD. On retrouve dans la série certaines images, notamment celle du train qui n'est qu'un point dans l'étendue glacée."

En découvrant les premiers épisodes sur Netflix, le dessinateur a eu "la chair de poule": "J'aime beaucoup, un vrai spectacle populaire de qualité, bravo à toute l'équipe de tournage, great job! Je me suis laissé prendre", a-t-il écrit sur son compte Facebook. "La lutte des classes est bien au rendez-vous, par moment ça m'a mis la chair de poule."

Une BD universelle et prophétique

Modeste, le dessinateur a pourtant imposé un univers graphique puissant et évocateur dont s'inspire aujourd’hui la série télé. Si Le Transperceneige a traversé les âges - et suscite l'intérêt du cinéma et de la télévision - c’est grâce à ses thématiques universelles et ses capacités prophétiques. Plus le temps passe, plus la BD devient d’actualité. Il suffit pour s’en rendre compte de lire Extinctions, où l’humanité a la choix entre mourir de froid et se confiner dans le Transperceneige, puis d’ouvrir un quotidien pour constater les similitudes avec cette fiction écrite l’année dernière. 

Lorsque le deuxième tome d'Extinctions débute, l’apocalypse glaciaire a déjà commencé. Malgré le froid et les bandes armées qui sévissent, un père et son fils tentent de rejoindre le Transperceneige. Plus les températures chutent, plus le dessin de Rochette devient sombre et dur. Au cours de leur périple, le père et le fils rencontrent d’autres survivants dans une cave. Chacun a le visage marqué, déformé par le froid - on peine à reconnaître que ce sont des humains: "Pour moi, ce sont des dessins de camps de concentration", commente Rochette. 

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Le dessinateur se laisse guider par l’histoire. Le Transperceneige est très dur "et le dessin, il faut qu’il suive", dit-il. Le père découvre une grange où sont entreposés des corps écorchés d’hommes et de femmes. Les images de ces carcasses, d’un ton violacé, sont d’une violence saisissante: "Je les aurais peut-être fait en blanc, pour qu’ils soient gelés, mais Isabelle Merlet, ma coloriste, a eu une excellente idée: on a l’impression qu’ils sont encore frais." 

Le froid devient de plus en plus intense. Les personnages, pour se protéger, doivent s’emmitoufler dans de larges couvertures, qui recouvrent complètement leur visage. Ils disparaissent alors complètement: "À la fin ils deviennent des fantômes. On ne sait plus qui parle. Ils sont complètement indifférenciés. Ils n’ont plus que des fentes au niveau du visage. C'est exactement ça, notre société: il y a quelques stars dont on parle et le reste, ce sont des anonymes, comme le montre le décompte quotidien des morts. On n’existe plus." 

La France détruite par les centrales nucléaires

Tandis que certains se prennent pour Dieu en décidant qui peut monter à bord du Transperceneige, l'humanité s’entretue pour tenter sa chance à chaque arrêt, de New Delhi à Moscou. Rochette peint des scènes de foules en délire. 

Des images qui peuvent rappeler - toutes proportions gardées - l’ambiance des semaines précédentes: "La fameuse image des mecs qui font la queue pour aller au McDo pourrait être dans Le Transperceneige, c’est presque un gag, mais on ne l’aurait pas fait", s’amuse le dessinateur, tout à fait conscient du miroir que sa BD offre à notre société. 

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Au cours de son périple, le Transperceneige traverse de nombreux pays et passe par la France, où il ne reste plus rien à part... Notre-Dame: "Ça ne sert à rien de s’arrêter”, dit un des personnages. "La France, dans Le Transperceneige, a fait exactement ce qu’elle a fait ces dernières semaines pour le Covid-19: elle a fait tout faux", lance Rochette, avant de rappeler: 

"Dans le premier tome d’Extinctions, toutes les centrales étaient sur le point de péter et le président de la République française [qui ressemble à Macron] assure que notre système de sécurité est le meilleur du monde et que nous n’avons rien à craindre. Résultat: quand le Transperceneige traverse la France, il ne reste plus rien. Soixante centrales nucléaires qui pètent, c’est beaucoup..."

Le dernier tome de la série, prévu pour l’année prochaine, raccrochera les wagons avec l’album original de 1983 et "sera pire", prévient Rochette: "On verra comment une société relativement égalitaire va se retrouver scindée par ses contradictions, entre les riches à l’avant du train et les pauvres à l’arrière."

La série TV, "un vrai spectacle populaire de qualité"

Des thématiques que l'on retrouve en attendant dans la série TV. Chapeautée par Graeme Manson et portée par Jennifer Connelly et Daveed Diggs, elle n'est pas un remake du film de Bong Joon-ho et se déroule sept ans après l'apocalypse glaciaire. Elle restitue les thématiques principales de la BD, comme la lutte des classes et les dérives du pouvoir.

Rochette, qui a été sollicité par les producteurs, se dit très satisfait du résultat final et loue en particulier le design du train, très fidèle au sien: "Je sais qu'ils ont travaillé avec la BD. On retrouve dans la série certaines images, notamment celle du train qui n'est qu'un point dans l'étendue glacée."

En découvrant les premiers épisodes, qui sont dévoilés chaque lundi sur Netflix, le dessinateur a été impressionné: "J'aime beaucoup, un vrai spectacle populaire de qualité, bravo à toute l'équipe de tournage, great job! Je me suis laissé prendre", a-t-il écrit sur son compte Facebook. "La lutte des classes est bien au rendez-vous, par moment ça m'a mis la chair de poule."

Jérôme Lachasse