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Dix ans après, Alexandre Astier raconte les coulisses de la fin de Kaamelott

Alexandre Astier

Alexandre Astier - Joel Saget - AFP

L'acteur et réalisateur revient sur les deux dernières saisons, plus sombres et plus réalistes, de sa série culte. Il évoque également la fin abrupte de Kaamelott, prélude au film qui doit sortir en 2020.

Dans un an, le 14 octobre 2020, sortira le très attendu film Kaamelott. Alexandre Astier, qui prépare cet épique long-métrage depuis une dizaine d'années, y retrouvera son rôle du roi Arthur, entouré de sa troupe de la série télévisée qui a fait le bonheur de M6 entre 2005 et 2009. 

Il y a dix ans, le 31 octobre 2009, était diffusé Dies Irae, le dernier épisode de la série, apportant une fin abrupte et ouverte à un livre VI résolument plus sombre. À l'occasion de cet anniversaire, Alexandre Astier revient sur cette fameuse fin et évoque le tournant plus sombre et plus réaliste des deux dernières saisons de sa série culte.

(Les propos d’Alexandre Astier ont été recueillis en octobre 2018, à l’occasion de la sortie vidéo de l’intégrale de la série. Le film n’avait pas été encore annoncé). 

Le dernier épisode a été diffusé le 31 octobre 2009, mais le tout dernier plan de la série a été tourné il y a onze ans, le 14 août 2008. Quel était-il? Quels souvenirs avez-vous de ce moment?

Le tout dernier plan tourné de Kaamelott, c'est quand [Arthur] est dans le lit. Il est couché dans cette vieille maison, abandonné. Il y a des plantes autour de lui. Je me souviens d'une fin très abrupte. Je ne suis pas sentimental pour ces trucs-là. Quand ça s'arrête, ça s'arrête. On va faire autre chose. On a donc rangé nos affaires, puis on est partis. 

Pourquoi la série se termine-t-elle sur une musique de Raymond Lefèvre composée pour Jo avec Louis de Funès? 

J'adore ce compositeur et j'ai toujours trouvé cette musique classe. Je l'écoutais pour imaginer une fin. J'aimais beaucoup les arrangements de ce morceau, notamment ceux de la version que j'ai utilisée, qui n'est pas celle du film. Comme je savais que je voulais dédier la série à de Funès, cette musique était parfaite.

Avec cette musique et le message "Bientôt Arthur sera de nouveau un héros" qui apparaît à l'écran, on a presque l'impression d'être dans un film d'exploitation des années 1970. 

Peut-être. Ce qui me plaisait, c'était que ce mec-là soit un héros alors que c'est un clodo. Il a une barbe jusque-là, il est tout pâle, tout malade, tout seul dans une maison. J'avais envie de dire aux spectateurs qu'il va peut-être redevenir un héros, mais que ça ne va pas être facile. 

C'était malin en tout cas ce "bientôt" à la fin ...

C'est vrai. J'ai été très prudent (rires).

Comme dans la fin des Soprano, celle de Kaamelott est un peu abrupte.

Elle est belle la fin [des Soprano]. Je l'ai vue six fois. Elle énerve. C'est vraiment brillant. 

Elle vous a inspiré? 

Non, mais ça a éveillé quelque chose en moi que j'ignorais. Quelle est la véritable lecture que l'on peut avoir des personnages des Soprano? C'est qu'ils ne cesseront jamais d'être paranoïaques. Parce qu'ils vivent dans la violence, ils n'auront jamais la paix. Qu'il y ait un mec qui rentre dans ce diner, un mec qui en sort, un mec qui s'assoit derrière eux, qu'il y ait un coup de flingue qui puisse arriver de partout ou pas, peu importe. Ce qui compte, c'est que ce repas en famille devant ces beignets d'oignon ne sera jamais vraiment tranquille, parce que c'est la vie qu'ils ont choisie. Je le vois comme ça, comme une morale. Pour moi, c'est une fin. 

On peut se dire la même chose pour Kaamelott: la suite, on la connaît, c'est la légende arthurienne.

C'est très bizarre, parce que j'ai l'impression que l'on peut raconter cette histoire à sa façon sans que la légende arthurienne ne soit jamais mise à mal. Ces histoires ne font que nourrir le mythe. Ce n'est pas jamais iconoclaste. On ne peut pas ne pas respecter cette légende, même si on fait les cons avec. 
Alexandre Astier dans Kaamelott
Alexandre Astier dans Kaamelott © M6 Vidéo

Lors de cette scène finale, le format de l'image change et on passe au cinémascope. C'était pour annoncer …

… la suite de la saga [en film] - parce qu'il y avait déjà des BD qui racontaient Kaamelott, mais qui ne font pas progresser l'histoire car elles s'inscrivent dans le livre I.

Dans cette scène, comme dans le reste des livres V et IV, vous utilisez beaucoup de ralentis. Pourquoi? 

Parce que j'aime ça. Sincèrement. Je crois à ça, à la démultiplication du temps. Nous sommes des animaux qui voyons 24 images par seconde. Nous sommes les seuls. Il y a plein d'animaux qui voient plus vite ou plus lentement que nous. C'est juste une manière de voir: le cinéma peut ralentir un moment pour permettre de mieux l'apprécier. 

Un peu avant cette scène, Arthur dit craindre d'être vu par les enfants avec ses cicatrices au poignet. Pourquoi?

Parce qu'Arthur est l'inverse de moi. Je pense qu'il est très important, surtout dans une époque comme aujourd'hui où il y a des idées de performance, de montrer aux enfants un héros qui se décourage. En tant qu'auteur, ça me plait. Arthur a peur de ne pas être un héros pour les enfants. Sauf que je montre aux enfants que le héros n'a pas envie de se montrer ainsi aux enfants. J'ai envie de faire dire aux enfants qui regardent Kaamelott qu'il a le droit d'être triste. 

C'est important de dissocier l'auteur du personnage? 

Ils ne sont pas hyper dissociés. C'est un truc que je vais puiser chez moi. Par contre, c'est toujours poliment recomposé, remodelé. Je ne me confonds pas [avec Arthur]. C'est un dédoublement. 

Vous avez quels souvenirs du tournage du Livre VI à Cinecittà?

Je n'aime pas trop tourner à l'étranger. J'ai tourné à Prague, en Espagne… Je n'ai pas trop aimé, car en comédie, c'est assez dur d'avoir une équipe technique qui ne parle pas notre langue, qui ne sait pas de quoi on parle. Une comédie, c'est fait pour être montré à des spectateurs. Quand on filme, on n'a pas de spectateur. Les seuls qui peuvent se marrer, c'est notre équipe. Il y a une connivence. Quand les mecs ne parlent pas notre langue, c'est difficile de tourner, vraiment. Mais en Italie, j'ai un très bon souvenir. Ce qui m'a marqué le plus à Cinecittà, au-delà de la fierté d'y être, c'est que ce décor-là est fou. Notamment le quartier pauvre qui a servi aussi pour la série Rome. Quand on pose la caméra quelque part, il y a toujours au moins trois enchevêtrements de plan. Il n'y a jamais une absence de ligne de fuite. On sent que ça a été étudié par un mec de scène. Il y a un truc très fort. 
Alexandre Astier dans Kaamelott livre VI
Alexandre Astier dans Kaamelott livre VI © M6 Vidéo

Le sexe et la violence occupent une place prédominante dans les fictions qui se déroulent dans un Moyen-Âge réinventé, comme Game of Thrones. Ce n'est pas le cas de Kaamelott.

C'est parce que je n'y crois pas. Je ne suis pas cet auteur-là. Je ne veux pas l'être. J'ai vu des scènes... notamment dans Rome. Ils ont une scène où ça fomente: "On va faire ça… Tu vas payer machin… On assassine bidule…" Et tout ça devient une scène de cul. Ils se disent la même chose que s'ils étaient autour d'une table et ils baisent. Pour moi, c'est tout l'inverse de ce qu'il faut faire. Les personnages qui disent ce qui arrange l'auteur, je le repère tout de suite, ça ne marche jamais. En plus de ça, je n'aime pas les scènes de sexe - et j'en ai fait… 

C'est la première scène du livre VI. 

Oui, mais c'est Rome. Je ne voulais pas montrer le stupre spécialement, mais banaliser le sexe romain. C'est toujours banalisé. Arthur entre dans une fête et on lui dit: "t'as plutôt envie de manger ou de baiser?" Ce n'est pas plus que ça. C'est son arrivée en Bretagne qui me plaisait, la codification et la sophistication des choses en Bretagne. Pour moi, dans mon Kaamelott, c'est les Romains qui ont inventé le fait d'offrir des fleurs. En Bretagne, les fleurs, ça se mange. Ils ne comprennent pas d'où ça vient. 

La fin de cette période romaine est très émouvante.

C'est très agréable à jouer en plus. J'ai des pointures en face. Tchéky, ça envoie. Valeria Cavalli, c'est quelque chose. C'est une Italienne. J'avais les deux en face. L'une qui sait, l'autre qui ne sait pas… Ce sont des acteurs qui passent au-dessus de ce que vous écrivez. 

Vous avez souvent employé des acteurs de cette trempe, comme Pierre Mondy qui joue César dans le Livre VI.

Ce sont des gens de langage. On pourrait croire que Karyo est un acteur viscéral. Mais non. Pour moi, c'est aussi un acteur de langage. Mondy était de l'école des mecs qui savent qu'une réplique, il faut que ça sonne. Si ça sonne pas, ce n'est pas de la musique. Si ce n'est pas de la musique, ce n'est pas un film et ça n'a rien à faire-là.

Il y a une musicalité dans vos dialogues.

C'est pour ça que c'est très paradoxal. Je les emmerde un peu, les gens: je leur file le texte au dernier moment, mais par contre je ne veux pas qu'ils changent un mot. (rires).
Coffred DVD Kaamelott : Les Six Livres
Coffred DVD Kaamelott : Les Six Livres © M6 Vidéo

Il y a une phrase à la fin du livre VI qui résume un des enjeux de la série: "Des chefs comme ça, il n'y en a jamais. Mais tu sais ce qu'ils ont tous en commun? [Ils] ne se battent que pour la dignité des faibles."

Ce n'est pas une citation, mais c'est très proche de ce qu'a dit Che Guevara. Très honnêtement, je trouve que c'est toujours la dernière chose que l'on peut dire de quelqu'un. Moi qui ne suis pas politisé, qui ne suis ni de droite ni de gauche, et qui s'en fous un peu, le dernier test, c'est: est-ce que les faibles ont été protégés. On peut se demander ça pour tous les chefs de toutes les périodes. Je trouve que c'est une bonne ligne. C'est naïf, mais ce n'est pas si con que ça. 

Depuis la fin de la série, "On en a gros" a été utilisé dans des manifestations.

J'ai vu! (rires). Dieu sait pourtant que ceux qui disent "on en a gros" dans la série ne savent pas pourquoi ils en ont gros. Ils sont loin de revendiquer quelque chose de clair sur lequel on peut prendre exemple...

Vous faites une révélation très drôle dans un documentaire présent dans l'intégrale de la série: votre mère a volé un caillou sur le site supposé du vrai château de Camelot, vous l'a donné et vous ne le reposerez que lorsque l'œuvre, et donc les films, seront terminés. Où est le caillou? 

Chez moi. Il est posé quelque part. 

Il est posé en apparence? 

Il est dans un chez moi qui n'est pas chez moi-chez moi, mais dans un endroit où je garde des trucs et où je travaille parfois. C'est un peu plus isolé. Il est là. Il a de la mousse. 

Et il sera reposé à Camelot? 

Quand ce sera fini, oui. Je ferai un petit Instagram (rires). Promis, ce ne sera pas secret. 
Jérôme Lachasse