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Cinq questions pour comprendre Love Is Blind, la télé-réalité phénomène de Netflix

Une candidate de "Love is Blind"

Une candidate de "Love is Blind" - Netflix

Drôle, tendre, agaçante parfois, cette émission de rencontre déchaîne les passions sur les réseaux sociaux. Retour sur ce nouveau phénomène - avec des indices sur ce qui vous attend. Mais sans spoilers.

Après trois semaines d'un suspense intolérable, les questions de millions de téléspectateurs ont trouvé leurs réponses: Damian a-t-il dit "Je le veux"? Jessica s'est-elle faite à l'idée que Barnett ne l'aimera jamais? Ce nigaud de Mark a-t-il fini par ouvrir les yeux? Si vous n'avez aucune idée de qui sont ces gens et que vous ignorez quels sont leurs problèmes, vous êtes passés à côté du phénomène télévisuel qui alimente les réseaux sociaux depuis près d'un mois: Love Is Blind, une émission de télé-réalité américaine made in Netflix.

Le géant du streaming a mis en ligne le dixième et dernier épisode de cette émission de rencontres jeudi matin, après avoir dévoilé la saison au compte-goutte au cours du mois de février. Le principe est le suivant: 30 célibataires se rencontrent et discutent sans jamais se voir. Les rendez-vous ont lieu dans des "capsules", de petits salons séparés par des parois opaques. Les candidats tissent des liens affectifs au fil de ces conversations à l'aveugle, jusqu'à tomber amoureux et à prendre l'engagement de leur vie: ils ne quittent les capsules qu'après s'être fiancés. 

La rencontre en chair et en os n'a lieu qu'après les fiançailles. Commence alors la deuxième partie de l'aventure: il reste un mois aux six couples formés pour apprendre à se connaître, se découvrir l'un et l'autre, rencontrer leurs beaux-parents, cohabiter, avant la cérémonie de mariage. Tous emménagent dans la même résidence, pour favoriser drames, jalousies et triangles amoureux, chers aux spectateurs des émissions de télé-réalité.

Love is Blind était la série la plus regardée de la plateforme ces dernières semaines, et un simple coup d'oeil au hashtag #LoveIsBlind sur Twitter rend compte de l'ampleur du phénomène: ils sont des millions, partout dans le monde, a échanger sur le programme. La presse anglophone - dont les très sérieux Time Magazine, Guardian et Variety - multiplie les articles. Avant que vous ne plongiez à votre tour dans ce Tournez manèges de l'ère Instagram, voici quelques questions qui vous traverseront forcément l'esprit en regardant l'émission. 

"Ça va pas un peu vite, là?"

Impossible de ne pas être éberlué par la vitesse à laquelle les candidats décident de s'engager pour la vie. Au bout de trois rendez-vous à l'aveugle, les participants se font des déclarations à vous tirer les larmes - qu'eux ne retiennent pas - et se promettent un amour éternel. "Jamais dans ma vie je n'ai pu m'ouvrir comme je me suis ouvert à elle", confie par exemple Mark au sujet de Jessica, qu'il n'a jamais vue. 

Certaines scènes dans les capsules sont spectaculaires. Les demandes en mariage se font à genoux, la voix tremblante, le visage ruisselant de larmes. Ils sont alors dans le jeu depuis moins de 10 jours et ne se sont toujours pas retrouvés face à face. 

Qui sont ces gens et comment peuvent-ils envisager une vie aux côtés d'un parfait étranger? D'abord, en buvant: dans Love Is Blind, les verres de vin peuvent être remplis à toute heure de la journée.

Ensuite, en recevant le traitement traditionnel que les producteurs de télé-réalité réservent à leurs cobayes. En janvier 2019, Morgane Enselme a secoué la toile en racontant l'envers du décor de ce genre d'émissions. Cette ancienne candidate de Secret Story 5, enfin libérée de sa clause de confidentialité, y dévoilait notamment les effets de l'isolement sur la psyché des candidats: toutes les émotions sont décuplées.

"L'amour a-t-il besoin d'être aveugle si tout le monde est trop beau?"

Comme l'indique le titre du programme - et comme le répètent à l'envi le duo de présentateurs - Love Is Blind a pour ambition de répondre à la question "L'amour est-il aveugle?". C'est tout l'enjeu du concept: les liens tissés entre les participants avant de s'être vus vont-ils survivre à l'épreuve du physique? L'interrogation aurait sûrement plus de poids si les candidats défiaient un peu plus les normes. 

Car bien qu'ils ne le sachent pas au moment des fiançailles, ils ne s'exposent à aucune déception. Le casting ressemble à la population d'une plage californienne: les femmes sont athlétiques, les hommes sont couverts de muscles et les dents parfaitement alignées éblouissent de blancheur. 

On ne saura donc jamais si l'amour véritable se joue de l'enveloppe charnelle. Si Love is Blind répond à une question, c'est plutôt la suivante: jusqu'à quel point peut-on se persuader qu'on est amoureux d'un étranger quand les caméras nous mettent la pression?

"Mais pourquoi ça me plaît, en fait?"

Arrivera un moment où vous peinerez, forcément, à déterminer la satisfaction que vous tirez de ce visionnage. Car Love Is Blind n'a rien de révolutionnaire. Avant elle, de très nombreuses émissions de télévision ont mis en scène des rencontres à l'aveugle, de Tournez manège! à L'amour est aveugle en passant par C'est mon choix. Depuis quatre ans, M6 organise des mariages entre des inconnus dans Mariés au premier regard

Pourtant, Love is Blind passionne bien au-delà du cercle des amateurs du genre. Parce que l'émission présente tous les éléments qui font le sel d'une bonne émission de télé-réalité tout en évitant (globalement) de tomber dans le trash. Oubliez les Ch'tis et autres Marseillais: ici, personne ne se bat, personne ne s'insulte et tout le monde s'exprime avec une grammaire correcte. De quoi fédérer amateurs et néophytes autour d'un même programme. 

Love is Blind surprend aussi par l'authenticité de certaines scènes. Comme lorsque l'un des candidats, au bord des larmes, avoue à sa fiancée que sa participation au jeu pourrait lui faire perdre son emploi et dévoile ses difficultés à se montrer vulnérable. Ou qu'un autre se retrouve totalement désarçonné en découvrant que sa conjointe est criblée de dettes. Les émotions semblent toujours sincères et les participants sont constamment rappelés aux contingences matérielles du quotidien. Un ancrage dans la réalité totalement absent des autres productions du genre, qui permet au téléspectateur de s'identifier aux protagonistes. On croirait presque à un documentaire sur la vie de couple. Presque. 

"Elle est sérieuse là Jessica?" 

Beverly Hills avait Brenda. Newport Beach avait Marissa. Love is Blind a Jessica. Cette commerciale de 34 ans est au centre de l'une des intrigues principales... et des réactions des internautes. Parce que c'est la candidate agaçante que tout le monde adore détester. Forts de l'impudeur que la télé-réalité autorise à son public, ils sont nombreux sur Twitter à pointer du doigt son penchant immodéré pour l'alcool, ses ivresses répétées et les situations embarrassantes qu'elles génèrent, ainsi que les montagnes russes qu'elle fait subir à son partenaire (on ne vous dit rien). 

Une séquence, en particulier, a déchaîné les internautes. Celle où Jessica partage son (énième) verre de vin avec sa chienne, Payton, qui lape goulûment le récipient avant que Jessica ne le porte à nouveau à sa bouche. Les réactions ont été telles qu'elle a dû s'en expliquer dans la presse: "Je n'avais jamais fait ça; je ne le ferai plus", assure-t-elle à Entertainment Weekly. Je crois que j'étais simplement très mal à l'aise. Je ne sais même pas pourquoi j'ai fait ça."

"Mais il payent ou pas?" 

Escapade romantique à Cancun, robe de mariée, alliance: la production ne lésine sur aucune dépense. C'est en tout cas ce qu'on croit, jusqu'à ce qu'une des candidates demande à son fiancé de l'aider à payer les retouches de sa tenue.

Les participants de Love is Blind doivent-ils mettre la main au portefeuille pour financer un mariage grandiose avec un(e) étranger(e)? La réponse à cette question se trouve quelque part dans les contrats signés par les candidats. 

Love is Blind est avant tout un piège. Un traquenard dans lequel on se lance pour passer le temps et auquel on finit par consacrer quatre heures d'affilée. On sait que ce n'est que de la télé-réalité, mais on ne peut pas s'en empêcher: on rit, on pleure, on tremble avec eux. Jamais l'expression "plaisir coupable" n'aura été si adaptée. 

Benjamin Pierret