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Zep, Booba, Renaud… Comment les artistes parlent de la menace terroriste

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- - Capture d'écran YouTube / Zep Glénat 2017

De nombreuses chansons et albums de BD sortis récemment évoquent frontalement les attentats.

Les attentats parisiens de janvier et de novembre 2015, commis entre autres dans les locaux d’un journal satirique et dans une salle de concert, ont frappé de plein fouet la société française. A travers des films, des chansons et des BD, les artistes ont réagi. Les plus réactifs ont été les victimes directes, comme Luz (Catharsis), Catherine Meurisse (La Légèreté) ou Fred Dewilde (Mon Bataclan). En livrant des témoignages dessinés de leurs expériences, ils ont tenté d'exorciser leur douleur.

La musique a elle aussi été très réactive. Dès avril 2015, dans Les Meilleurs, Booba a évoqué l’attentat de Charlie Hebdo: "Ai-je une gueule à m’appeler Charlie? Réponds-moi franchement. T’as mal parlé, tu t’es fait plomber. C’est ça la rue, c’est ça les tranchées". En avril 2016, Renaud a rendu hommage aux victimes de l’Hyper-Casher dans une chanson du même nom. Et dans J’ai embrassé un flic, il raconte aussi sa marche du 11 janvier. Tout comme Johnny Hallyday dans Un dimanche de janvier.

Nekfeu (Le Bruit de ma ville), Patricia Kaas (Le Jour et l’heure), mais aussi Vincent Delerm (Je ne veux pas mourir ce soir), Louane (Un Automne à Paris), Saez (Les Enfants paradis) et Benjamin Biolay (Happy Hours) ont également raconté en chanson la France meurtrie par les attentats.

Le cinéma est plus frileux

Le cinéma, moins réactif car plus difficile à mettre en place, est resté plus frileux sur la question. Ce sont principalement des comédies populaires, comme Pattaya, La Loi de la Jungle ou Raid Dingue, qui ont parlé de la menace terroriste, mais d’une manière indirecte, via notamment quelques blagues sur l’état d’urgence. Si Bertrand Bonello parle quant à lui frontalement de terrorisme dans Nocturama, le film a néanmoins été conçu au début des années 2010. Hollywood prépare en revanche un film sur les attentats du 13 novembre. 

Extrait du tome 23 de L’Élève Ducobu
Extrait du tome 23 de L’Élève Ducobu © Zidrou / Godi / Le Lombard 2017

"Les filles à l’école, les terroristes à la casserole"

La BD est l’art qui a parlé le plus rapidement et le plus frontalement des attentats. Après plusieurs carnets intimes en 2015, Joann Sfar a évoqué le 13 novembre dans Fin de la parenthèse (2016). Dans un album sorti en août, L'élève Ducobu s’insurge contre les terroristes qui empêchent les filles de se rendre à l’école en Afghanistan: "Les filles à l’école, les terroristes à la casserole". Interrogé par BFMTV, le scénariste Zidrou, créateur de Ducobu, se défend d’avoir voulu créer des histoires à portée éducative: "Derrière mes histoires, comme dans toute narration, il y a des sujets graves, mais on est dans un registre divertissant. Je ne cherche à éduquer personne".

Zep, le créateur de Titeuf, a lui aussi évoqué terrorisme et plan Vigipirate dans A fond le slip!, quinzième tome des aventures du garnement à la houppette blonde. "J’avais déjà abordé ces thèmes dans mon blog. Cela m’intéressait de le faire cette fois avec le point de vue de Titeuf, d’un enfant", a-t-il raconté à BFMTV fin août, "Je pense qu’à l’âge de Titeuf, il n’y a pas de sujets graves ou légers. Les enfants parlent avec le même intérêt d’un attentat et des spaghettis qu’il y aura à la cantine. Reprendre ces événements par le biais de l’enfance, c’est aussi une manière d’accepter que l’on ne comprend pas tout."

Extrait d'Un monde un peu meilleur de Lewis Trondheim
Extrait d'Un monde un peu meilleur de Lewis Trondheim © Lewis Trondheim / L'Association

"C’est bien de parler de djihadisme. On vit dedans depuis 2001"

Le dessinateur Lewis Trondheim a eu la même intuition que Zep. Pour mieux parler de la menace terroriste, il s'est intéressé à la manière dont les médias parlent des attentats. Dans Un monde un peu meilleur, nouvelle aventure de son personnage culte Lapinot, une banale rixe dans un bar est interprétée par les médias comme une prise d’otage par des terroristes islamistes. Rapidement, le GIGN intervient, les caméras des chaînes d’info continue se bousculent sur place: la scène devient un cirque.

"Je voulais me moquer des médias qui parlent souvent trop vite, sans réfléchir, à cause de la course aux scoops", explique Trondheim. "C’est bien de parler de djihadisme. On vit dedans depuis 2001. Mais ce n’est pas le centre du livre. Il fallait que j’évoque la question, mais sans la pousser trop loin et sans en faire des tonnes". La séquence s’étend sur quelques pages seulement, puis l’histoire reprend son cours: la menace est reléguée à l’arrière plan. Si Trondheim estime que la menace djihadiste "n’est pas un sujet compliqué en soi", il concède qu’il est "difficile de ne pas heurter des convictions religieuses en partant d’un point de vue d’athée, qui est le mien".

Extrait du prochain album de Canardo de Sokal
Extrait du prochain album de Canardo de Sokal © Sokal / Casterman / 2018

"On ne risque rien à se moquer d’Emmanuel Macron"

En janvier 2018, Sokal, le créateur de Canardo, évoquera lui aussi frontalement le djihadisme. "Comme souvent dans Canardo, je m’inspire de la réalité", précise-t-il à BFMTV. Selon lui, "la réactivité est l’une des caractéristiques de la BD". Dans le 25ème album des aventures du privé palmé, Sokal a "essayé de comprendre ce qui pouvait bien faire venir au djihad des jeunes".

Comme Zep, Zidrou ou Trondheim, il a privilégié l’humour. Dans une scène, un personnage déclare: "Si on en croit les gazettes, le djihadiste est assez collet monté". "Ce n’est pas parce que c’est une situation dramatique que l’on ne peut pas faire de l’humour avec", martèle Sokal. "Il y a un moment donné où il faut se foutre de leur gueule aussi. C’est vrai qu’ils sont un peu psychorigide. Les méchants ont aussi quelque chose de ridicule".

A-t-il peur des conséquences que pourrait avoir sa BD? "Si l’on commence à avoir peur des djihadistes, on va mal. C’est facile de se moquer de François Hollande ou d’Emmanuel Macron: on ne risque rien. Et je pense que les terroristes ont d’autres chats à fouetter que de s’occuper de Canardo".

Jérôme Lachasse