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Victoires de la Musique et rap: l'heure de la réconciliation?

Le groupe 1995 remporte un prix aux Victoires de la Musique dans la catégorie Musique urbaine en 2014

Le groupe 1995 remporte un prix aux Victoires de la Musique dans la catégorie Musique urbaine en 2014 - Bertrand Guay - AFP

Entre le rap et les Victoires de la musique, c'est une longue histoire pavée d'incompréhension, mais qui s'améliore au fil des années.

Les Victoires de la musique s'apprêtent à célébrer ce vendredi la musique française dans toute sa diversité. Cette année un peu plus que les autres, puisque le hip hop, jusqu'ici relativement boudé, occupe une belle place à travers les nominations d'Orelsan, Soprano, MC Solaar, Gaël Faye, Big Flo & Oli ou encore Lomepal.

A eux tous, ils pourraient glaner six des douze Victoires mises en jeu à la Seine Musicale à Boulogne-Billancourt. Une façon de reconnaître enfin le courant musical le plus écouté sur les plateformes de streaming et qui domine aussi les ventes d'albums. Une façon aussi de réparer un peu les errances du passé. Les changements incessants de dénomination pour une catégorie assez mal considérée et pas toujours très bien comprise.

Mal considérée

"Ils ont toujours eu du mal avec cette musique, confirme Fred Musa, animateur de l'émission Planète Rap sur Skyrock. Un coup, ils donnent la Victoire à Manau, alors que NTM et Solaar étaient nommés. Même le groupe Manau était gêné. Je me souviendrai toujours de cette image où ils arrivent sur scène, un peu perdu et l'air de se dire 'on a envie de la redonner à NTM ou à Solaar'".

Cette année-là, en 1999, la catégorie s'intitulait "Album Rap ou groove de l'année". Face à Manau étaient nommés NTM et MC Solaar, mais aussi Stomy Bugsy et Ärsenik.

Catégorie mutante

Puis le reggae a rejoint cette catégorie mutante, en 2000 et 2001, qui a récompensé 113 et Pierpoljak. De 2002 à 2004, exit le reggae, place au hip hop. En 2005, la rubrique fourre-tout accueille désormais le R'n'B... 2006 est l'année du grand melting-pot: rap, ragga, hip hop et R'n'B intègrent la famille. La fin de ce grand tâtonnement arrive en 2007. Depuis ce millésime, le rap appartient aux "musiques urbaines".

"Il y a eu une époque (en 2011, NDLR) où les Victoires étaient divisées en diffusion, se souvient Fred Musa. Une partie était diffusée sur France 4 et une partie sur France 2. Ils avaient mis le rap sur France 4, le plus tard possible".

"C'est une honte que le service public, qui se présente en étendard de la diversité, ne présente pas une cérémonie dédiée aux musiques urbaines. Il y a bien des Victoires de la musique classiques. Pourquoi cette musique qui est la plus populaire en France n'y aurait pas droit?", regrette l'animateur.

"Une forme de lassitude"

Ce traitement a fini par décourager les musiciens. Fred Musa évoque ainsi "une forme de lassitude" de la part des artistes de hip hop, constamment snobés. "Il y a un truc à recoller entre cette musique et la télé".

Il est certes arrivé aux rappeurs de recevoir les honneurs aux Victoires dans d'autres catégories que celle qui leur était réservée. En 1995, MC Solaar a ainsi été le premier à être désigné Interprète masculin de l'année. Abd Al Malik et Stromae ont connu pareille consécration en 2008 et 2014. Lorsque la Victoire du groupe de l'année existait encore, IAM la remporta en 1995. Et ce trois ans après... MC Solaar, également lauréat et qui rappait pourtant bien seul.

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"C'est un vieux monde"

Si les Victoires ont beaucoup évolué (dans le bon sens) en matière de rap, on déplore encore quelques oubliés, comme Niska ou Booba, gros vendeurs cette année. Ou le belge Damso.

"Son absence est certainement regrettable, a reconnu le directeur des Victoires, Gilles Désangles dans le Parisien. Mais les Victoires expriment le désir des professionnels, et non celui du public comme c’est le cas le reste de l’année. Peu nous importe le nombre de ventes d’untel ou d’untel".

Aujourd'hui, les rappeurs ont moins besoin des médias pour remplir les salles et vendre des albums. Ils balancent leurs morceaux sur les réseaux sociaux et YouTube, et obtiennent un retour direct de leurs fans. Ont-ils vraiment besoin des Victoires de la musique. A l'image de Vald qui a lâché sur France Info: "J'en ai rien à foutre des Victoires de la Musique (...) c'est un vieux monde".

"Il ne faut pas se leurrer, la radio et la télévision permettent de toucher d'un seul coup des milliers, voire des millions de personnes, ce n'est jamais négligeable", nuance Fred Musa pour qui une bonne prestation aux Victoires de la musique apporte une visibilité et se traduit aussitôt sur les sites de streaming". 

Magali Rangin