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Vald: portrait d'un rappeur virtuose et tourmenté

Valentin Le Du, plus connu sous le nom de Vald, sort son deuxième album, "Xeu".

Valentin Le Du, plus connu sous le nom de Vald, sort son deuxième album, "Xeu". - Stéphane de Sakutin - AFP

Vald sort son deuxième album studio Xeu, ce vendredi 2 février. Rencontre avec un rappeur désespéré, mais joyeux.

Le garçon est poli, on le savait depuis son morceau Bonjour (16 millions de vues du YouTube), mais il est aussi gentil, et fort affable. Pas qu’on en eût douté, mais les paroles de ses chansons laissaient présager plus d’âpreté. Et ses interviews télé et radio, une certaine désinvolture amusée. Valentin Le Du, plus connu sous le nom de Vald, 25 ans, sort ce 2 février son deuxième album studio, XEU. Et il est tout sauf âpre et désinvolte.

Aux antipodes de la caricature de rappeur exhibée chez Thierry Ardisson dans Salut les Terriens!, en septembre dernier, le rappeur se livre avec franchise et humour, déballe au bout de quelques minutes d’interview ses angoisses existentielles, répond à tout sans détour.

"L’argent ça démolit l’coeur"

En as de l’assonance, Vald pratique un rap souvent second degré, et presque toujours rattrapé par le "bif". Ses morceaux sont pavés de monnaie. Car là réside le nerf de la verve valdienne: dans les "lovés", l’oseille, le fric. Dès Primitif, première chanson de son nouvel album, il lance: "L'argent ça démolit l’coeur /Quand ça manque ça démolit l'cul".

Il explique: "La peur primale dans tout ça, c’est la peur de manquer d’argent. Mes parents (son père est ouvrier, sa mère secrétaire, NDLR) ont toujours eu peur de manquer d’argent. Et encore aujourd’hui. C’est le mal de notre monde". Pour lui, "tous les parents du siècle ont insufflé ça à leurs enfants. Il faut avoir des bons diplômes pour avoir un bon métier pour avoir de l’argent, sinon t’auras pas de vie, tu pourras pas faire ci, tu pourras pas faire ça. On est élevés dans la peur d'en manquer. Et chez moi ça a bien marché".

Interdite aux moins de 18 ans

Après une enfance à Aulnay-sous-Bois en Seine-Saint-Denis, avec peu d’argent donc, il fait des études - un semestre de médecine et une licence maths-informatique, puis une école d’ingénieur du son - pour rassurer les parents. Lui aurait voulu faire du dessin ou du théâtre. Il exerce aussi une pléiade de petits boulots, bosse sur les chantiers avec son père, vend au rayon quincaillerie d'un magasin de bricolage.

Comme pour beaucoup d’autres rappeurs, c’est le producteur Tefa (qui a révélé Diam's, produit Kery James, et plus récemment, lancé Fianso et Chilla) qui jouera le rôle de bonne fée. Découvert en 2012 après les mixtapes NQNTMQMQMB et Cours de rattrapage diffusées sur le Web, Vald se consacre alors entièrement au rap. Il choque avec Autiste, en 2014. Explose avec Bonjour en 2015. Il fait tourner des acteurs porno dans le clip de Selfie, pendant rap du Fais-moi mal, Johnny de Boris Vian. La vidéo existe en trois versions, dont une pornographique, interdite au moins de 18 ans.

Dans ses clips comme dans ses textes, le trublion blond s’amuse visiblement et triture une prose nerveuse voire énervée avec une étonnante facilité. Le processus créatif commence avec "une prod qui m’excite assez pour faire une phrase" puis en vient une autre "qui ressemble à cette phrase". Cette virtuosité avec les mots relève pour lui d'une "espèce de légitimité. Quand tout s’imbrique parfaitement, ça veut dire que je suis un rappeur, que je sais ce que je fais. Que je suis bon dans ce que je fais".

"C’est le moment où je déculpabilise d’être en vie"

Sur la dureté des textes et la violence véhiculée, par le rap en général et sa musique en particulier, il analyse: "plus que le genre, ce sont des codes générationnels. Il revendique également un rap "dur", "sale", "rugueux", qui s'effrite".

"Quand je fais du rap, j’ai tendance à vouloir que ce soit dur, un peu violent. C’est ça que j’aime écouter. Quand la musique est trop classieuse, trop propre, trop bien faite, je ne m’y retrouve pas. Quand les instru sont trop belles, quand le mec rappe trop bien, qu’il dit trop des belles choses, que ça tombe parfaitement, on perd un truc".

Vald fait danser les festivaliers et pratique un rap ultra festif. "Je suis très amené à parler de fêtes, parce que c’est là que j’écoute la musique. Pour moi la musique est très liée à la célébration, à la perte de soi". Il considère la musique comme "une bénédiction", la scène "une catharsis". "C'est le moment où je déculpabilise d’être en vie, où je me dis 'ça y est, je fais quelque chose de bien pour tout le monde'".

Chacun de ses titres creuse à peu près le même sillon, explore les mêmes obsessions. "Peu importe la manière dont on le dit, on dit tout le temps la même chose. Je ne parle que d’amour et de peur. De la peur découle la haine, la frustration, l’angoisse, le stress. Je vise l’amour", prophétise-t-il en maître Yoda du rap. Peur et amour, sont pour lui "les deux pôles” de la vie". "J’ai peur de souffrir, peur de manquer d’amour", livre-t-il.

Ado boutonneux

Il vit toujours à Aulnay-sous-bois, séparé de la mère de son petit garçon de trois ans, Charles. Trouve difficile de vivre en couple en faisant du rap. "C’est insupportable et puis ça ne marche jamais, c’est que des prises de tête". S’il envisage de quitter la Seine-Saint-Denis, ce n’est pas par goût du luxe, mais parce qu’il aspire à une vie plus calme et à un peu plus d’anonymat.

Chez Vald, le côté troll facétieux cohabite avec une face beaucoup plus sombre façonnée par le doute et le sentiment d’imposture. C'est un désespéré optimiste. "J’ai vraiment l’impression de faire de la musique de désespéré. Et en même temps pleine d’espoir". Il dit ne pas s’aimer, a un peu tâté du psy. "On ne nous apprend pas à nous aimer nous-mêmes et à s’aimer les uns les autres", regrette-t-il. Dans Réflexions basses, titre de son nouvel album, Vald chante: "Faudrait quand même qu’un jour, j’arrive à bien m’aimer (...) Mais quand j’me déteste c’est pas d’l’humilité/Non c’est que mes démons se sont multipliés /J’suis mal dans ma peau comme un ado boutonneux".

Côté culte, il s’est bricolé une religion personnelle, autour d’un dieu bienveillant, inspiré du best-seller new age de Neale Donald Walsh Conversation avec Dieu. "Mon dieu n’est pas vengeur. Mon dieu ne m’oblige pas à manger du poisson le vendredi", plaisante-t-il.

Vald ne vote pas et dit s’intéresser peu à l’actualité et à la politique. Il ne veut pas "participer à ce grand cirque". Ses textes et son discours sont pourtant truffés de messages politiques. Il voudrait que les gens soient moins confits dans la peur, moins prisonniers du système capitaliste. "J'ai envie d'insuffler une envie d'insoumission à ceux qui m'écoutent", expliquait-il au moment de la sortie de son premier album, Agartha (vendu à plus de 100.000 exemplaires), il y a un an. Il persiste: "On n’est pas là pour regarder nos enfants et les laisser être des esclaves du système".

Le premier clip extrait de son album Xeu, Désaccordé, mis en ligne il y a une semaine, approche les 4 millions de vues. Et ses prochains concerts aux Etoiles, à la Maroquinerie et au Nouveau Casino ont rapidement affiché complet. De quoi calmer un peu les angoisses de Vald.

Magali Rangin