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Kit de survie: c'est quoi la génération Balavoine?

Il y a trente ans, le 14 janvier, on apprenait la disparition de Daniel Balavoine, dans un accident d'hélicoptère au Mali. Retour sur la vie du chanteur qui bousculait la société et dont la mort a marqué les jeunes des années 80.

C'était un jour de janvier. On venait d'apprendre que l'hélicoptère qui transportait Daniel Balavoine, Thierry Sabine et trois autres personnes s'était écrasé contre une dune quelque part dans le désert malien, près de Tombouctou, le long du fleuve Niger.

Tout le monde connaît Daniel Balavoine. Même la génération Hanouna, biberonnée à M. Pokora, n'a pu échapper aux multiples reprises de ses tubes. Emmanuel Moire, Zaz, Jenifer, ont tous récemment interprété avec plus ou moins de bonheur les grands succès du chanteur sur l'album Balavoine(s). Mais combien savent qui était Balavoine et ce qu'il représentait à l'époque? L'idole d'une génération qui riait aux sketchs de Coluche - mort cinq mois plus tard - et portait des bandanas comme Renaud. Petite séance de rattrapage à l'attention de ceux qui n'avaient pas 12 ans en 1986.

> D'où venait-il?

Daniel Balavoine était un petit gars de la classe moyenne né en Normandie (à Alençon) et poussé dans le sud-ouest, à Pau. C'est là qu'il vit ses premières révoltes. Lycéen, il participe à mai 68, rêve de musique et de politique. "Il avait l’illusion de croire que seule la politique pouvait changer le monde", raconte sa soeur Claire, interrogée sur Europe 1. Il se lance finalement dans la musique, galère quelques années. Et puis soudain, c'est le succès, en 1978 avec Starmania. Choisi pour son timbre de voix si particulier, il incarne Johnny Rockfort dans l'opéra-rock de Michel Berger, aux côtés de France Gall et Diane Dufresne.

> Pourquoi ça marchait?

Forcément, on a enjolivé le souvenir. Forcément, "les morts sont tous des braves types". Forcément, la nostalgie. Mais oui, Daniel Balavoine a écrit de véritable tubes indémodables. Il y a L'Aziza, bien sûr, l'un des plus gros succès de 1985, mais aussi Aimer est plus fort que d'être aimé, Tous les cris les SOS, Sauver l'amour, Le chanteur, Je ne suis pas héros (écrit pour Johnny Hallyday), Mon fils ma bataille, La vie ne m'apprend rien... Des tubes répartis sur six albums studios, enregistrés de 1978 à 1985 (deux autres sont sortis auparavant, mais qui n'ont pas rencontré le succès).

Et puis, même s'il était plutôt rangé dans la case des artistes de variété, à son grand dam, lui qui se rêvait rockeur, il a été pionnier de la musique électronique en France. Pour Didier Varrod, qui a signé Le roman de Daniel Balavoine, en 2006, la chanson qui exprime le mieux cette modernité est Vivre ou survivre. "L'arrivée des ordinateurs et des logiciels de composition est une révolution dont Balavoine sera l'un des théoriciens. Une chanson illustre particulièrement cette immersion dans un son hybride où rock et musique électronique sont pour la première fois mixés à parité", écrit-il dans son livre. 

> La génération Balavoine, c'est quoi?

"Celles qui ont vu trois fois Rain Man/ Celles qui ont pleuré Balavoine/Celles qui ont envoyé du riz/ En Éthiopie, en Somalie", chantait Vincent Delerm en 2004. La génération Balavoine est celle qui a épinglé au revers du blouson la petite main "Touche pas à mon pote", qui a appris à l'école les paroles de la chanson pour l'Ethiopie, du band aid à la française mené par Jean-Jacques Goldman. Qui a vécu le 10 mai 1981 (l'élection de François Mitterrand), et vu naître les Restos du coeur (en 1985). Qui a assisté à l'émergence du Front national, à la montée du chômage et du phénomène des banlieues.

Chanteur populaire, Daniel Balavoine séduit les jeunes de l'époque par son engagement, ses prises de positions. "C'était quelqu'un de très timide, disait de lui son ami Michel Berger en 1988, évoquant ses colères. "Et puis tout d'un coup ça partait, on ne pouvait absolument plus rien faire". On se souvient évidemment de son intervention vigoureuse, en 1980, face à François Mitterrand, alors premier secrétaire du parti socialiste, sur le plateau d'Antenne 2.

"La jeunesse se désespère", lance-t-il, blouson de cuir et cheveux longs. "Elle ne croit plus en la politique française. Le désespoir est mobilisateur et lorsqu'il devient mobilisateur, il est dangereux et ça entraîne le terrorisme, la bande à Baader [une organisation terroriste allemande d'extrême gauche active dans les années 70 et 80] et bien des choses".

> Pourquoi il est devenu un mythe

Mais il y a eu aussi, son retentissant "J'emmerde tous les pouvoirs". C'était en 1983, sur le plateau de 7 sur 7. Il y évoquait son frère, militaire basé à Beyrouth: "On lui dit qu'il va là-bas pour la paix et ça ce sont des mensonges. Il va là-bas pour des enfoirés des pouvoirs qui ont créé les guerres où qu'elles soient pour des idéologies et des religions. Et tout ça c'est de la saloperie". Pacifiste, il chante Pour la femme veuve qui s'éveille, "pour toutes les femmes veuves, d'hommes qui ont fait la guerre", mais aussi Petit homme mort au combat. Et L'Aziza reste évidemment un grand hymne contre le racisme. 

Il était dans "la provocation constructive", disait de lui Michel Berger, au lendemain de sa mort. "Ses chansons, il n'y avait pas un panneau indicatif avec 'attention chanson à texte', (...) mais quand vous entendez les mots, c'est des chansons engagées bien sûr", ajoutait Jean-Jacques Goldman.

Comme l'écrit Didier Varrod dans son livre Génération Balavoine: "La mort de Daniel Balavoine porte en elle une dimension politique. Le chanteur incarne alors la lutte contre le racisme, devenu réalité quotidienne. C'est véritablement la fin de l'état de grâce provoqué par la victoire de la gauche en 1981".

Balavoine suivait cette année-là le Paris-Dakar, pour distribuer des pompes d'irrigation dans la région, touchée par la sécheresse. Disparu en pleine gloire et avec de grands projets en tête. De quoi faire naître le mythe. D'autant que les circonstances de sa mort, aux côtés de Thierry Sabine, le fondateur du Paris-Dakar restent floues. La nuit et une tempête de sable avaient surpris l'hélicoptère dans lequel ils se trouvaient. Alors qu'ils s'étaient posés et attendaient une voiture venue les chercher, ils ont redécollé. Accident, piqûre de scorpion, morsure de serpent... On n'a jamais su réellement ce qui les avait poussé à décoller. 

Magali Rangin
https://twitter.com/Radegonde Magali Rangin Cheffe de service culture et people BFMTV