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Doc Gynéco fête les 20 ans de Première consultation

Doc Gynéco, le 5 avril 2016, à Paris.

Doc Gynéco, le 5 avril 2016, à Paris. - Martin Bureau - AFP

Il y a vingt ans, Doc Gynéco déboulait sur la scène rap avec Première consultation. Bien avant PNL, Nekfeu ou Orelsan. Pourquoi ce premier album blindé de tubes a-t-il tant marqué l'histoire du rap?

Vingt ans que ce grand gars nonchalant nous a susurré pour la première fois à l'oreille, les paroles salaces de Viens voir le docteur. C'était sa Première consultation, et on ne s'en est jamais vraiment remis. Lui non plus d'ailleurs.

Avec son air indolent et débonnaire, Doc Gynéco a chamboulé le rap. Pas moins. A l'occasion des vingt ans de l'album, écoulé à l'époque à plus d'un million d'exemplaires et qui ressort aujourd'hui en version collector avec des inédits, petite piqûre de rappel à l'usage de ceux qui pensent que le rap français a été inventé par Big Flo et Oli.

D'où vient-il?

Bruno Beausir est né à Clichy-sous-bois de parents d'origine guadeloupéenne - mère assistante sociale, père parti à l'adolescence du garçon. Mais c'est Porte de la Chapelle qu'il a poussé, entre les seringues et les prostituées, comme il l'a tant raconté et chanté. "Les seringues mortes se ramassent à la pelle/Sur les trottoirs de la rue La Chapelle", dans Né ici. Ou "À chacun sa banlieue, la mienne, je l'aime, Et elle s'appelle le 18ème", dans Dans ma rue.

"C'est un piège, ce quartier, si tu commences à fréquenter les différents prolétaires tu vas pas t'en sortir", évoquait-il au micro d'Augustin Trapenard, sur France Inter en mars dernier, décrivant "les gens qui font des paris, les gens qui se prostituent, les gens qui travaillent au noir".

C'est là qu'il rencontre Stomy Bugsy et Passi, qui fondent avec Hamed Daye, Kenzy, DJ Guetch et Bouboule, le Ministère A.M.E.R. Doc Gynéco, qui a découvert le hip hop, en est un satellite plutôt qu'un membre actif.

Pourquoi ça marchait ?

Si les rappeurs de l'époque le trouvent trop "variété", et jugent Doc Gynéco "naze", les critiques musicaux et le public sont enthousiastes. 

Olivier Cachin le classe en 2012 "meilleur album de rap français" dans Les Inrocks et le décrit comme une "potion magique à base de rap influencé west coast, chanson française, nostalgie de l’enfance et escapades sexuelles".

Dans Next, Sabrina Champenois le présente, en février dernier, comme "l’un des meilleurs albums de rap français, l'une des pierres angulaires de l’âge d’or d’une génération désormais au stade de la musique patrimoniale". La force de Première consultation, ce sont ses textes, bien sûr, ciselés et pleins d'humour, mais aussi les mélodies, et des thèmes universels et populaires.

L'album n'a pourtant pas démarré sous les meilleurs auspices. Il peine à décoller et ce sont les polémiques qui le lancent. La Licra le poursuit pour avoir employé le mot "youpin" dans la chanson Dans ma rue.

M6 boycotte le clip de Nirvana, qui évoque le suicide. ("Je vais me foutre en l'air comme Patrick Dewaere/ Me droguer aux aspirines, façon Marilyn/ Hooo..... faut que je me supprime/ Comme Bérégovoy/ Aussi vite que Senna, je veux atteindre le nirvana"). Et Vanessa Paradis apprécie peu l'hommage dans Vanessa. ("Pourquoi tu veux pas sortir avec moi Vanessa ah ah ah Lenny, c'est fini, il t'a pris la tête").

Et après?

La vie de Doc Gynéco ne s'arrête pas à Première consultation. Mais après un tel succès, le chanteur explique avoir "explosé en plein vol". Trop de succès, trop d'argent. "Il faut avoir la chance d'avoir eu l'éducation ou les tuyaux nécessaires pour s'en sortir, dès que tu reçois un succès comme ça, parce que c'est très difficile à gérer, évoquait-t-il sur France Inter. 

"L'aspect financier de mon premier disque m'a échappé, je n'en ai pas profité, mais j'ai rencontré des gens, appris beaucoup de choses, le cinéma, les musées, la culture", raconte-t-il encore à l'AFP.

En terme de créativité, l'après est également difficile à vivre. "Artistiquement, t'arrives pas à te dépasser. T'es comme les gens qui sautent à la perche. T'as une barre que tu dois dépasser et c'est toi qui l'a mise cette barre".

Ce qui suit contribue pourtant à bâtir la légende Doc Gynéco. Il y a Tapie, Angot, Sarkozy, le fisc, la téléréalité...

Avec Bernard Tapie il enregistre un duo (C'est beau la vie), sur l'album Liaisons dangereuses, en 1998. Le premier des cinq albums qui ont suivi Première consultation. "J'ai aimé qu'il sorte de prison, j'ai pas toujours fait attention à tout ce qui concernait les gens que je fréquentais (...) J'aime les gens qui sont fragilisés, j'ai envie d'aider". "Des fois je me goure dans mes choix, c'est pas facile d'être un visionnaire", assume-t-il avec bonhommie.

De Christine Angot, il est l'amant. Elle en a écrit un livre, Le marché des amants, en 2008, dans lequel elle raconte leur relation par le menu. ''Ce que j'aime chez Christine, c'est son côté araignée, veuve noire... On m'a demandé pourquoi je ne m'étais pas plaint, mais c'est ce que j'aime chez elle. C'est comme ça qu'elle nourrit son art: elle mange ses amants'', confie-t-il à Next.

"J'assume toujours tout", glisse-t-il au micro de Boomerang, sur France Inter. Ce qu'il regrette, pourtant, c'est d'avoir soutenu le candidat Sarkozy en 2007. "Je me disais que Sarkozy pourrait jouer le rôle du grand frère auprès des jeunes des cités, qu'il leur ferait du bien en étant dur avec eux. Mais il n'a pas fait le boulot et je suis passé pour un idiot", explique-t-il à l'AFP.

Pourquoi ça marche toujours?

Première consultation est plébiscité par la jeune garde du rap, Nekfeu en tête. "Première consultation, pour moi, c'est un des plus gros classiques du rap français", a ainsi déclaré le jeune rappeur sur Skyrock, en juin dernier, lors de l'émission Planète Rap à laquelle il avait d'ailleurs convié Doc Gynéco. Black M, l'auteur de Sur ma route a même fait une reprise de Dans ma rue.

Les billets pour les deux dates qu'il fera à l'Olympia en mai prochain (les 25 et 26), se sont vendus en quelques heures.

Evidemment les références de Première consultation ont pris un sacré coup de vieux. Que ce soit les séries qui ont fait les riches heures de AB Production ("Tu seras Hélène et je serai tous les garçons/Je serai l'abeille qui va lécher ton miel/Je te ferai ton premier baiser"), ou les footballeurs évoqués dans Passement de jambe, les Basile Boli, et autres Karl-Heinz Rummenigge, Bebeto... Mais le reste n'a finalement pas pris une ride.

Aujourd'hui Doc Gynéco le résume assez bien: "Cet album, il est du domaine public, il ne m'appartient plus"

Magali Rangin