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Musique

Fianso: "Je compose avec une réalité qui m'entoure"

Le rappeur Fianso

Le rappeur Fianso - Joel Saget - AFP

Le rappeur, convoqué mardi devant le tribunal correctionnel de Bobigny après le tournage sauvage d'un clip, s'est confié au sujet de son album Bandit Saleté, de ses textes et des citées dites "mal famées", où sont filmées ses vidéos.

Fianso, qui comparaît mardi devant le tribunal pour un de ses clips, a consacré son premier album aux "bandits", "ceux qui ont l'instinct de survie, dans le légal comme dans l'illégal", explique-t-il dans un entretien. Dans cet album brut mais dansant, Bandit saleté, sorti le 12 mai, le rappeur de 33 ans scande avec son débit mitraillette leur vie dans les quartiers. Les mots sont durs, mais ses morceaux, arrangés comme des tubes pop, font des ravages sur les ondes et surtout sur Youtube. 

"Acheter des balles et vider l'chargeur ça détend, je suis pas devenu un loup pour finir en chien", rappe Fianso dans son titre Toka, dont il a tourné le clip sur l'autoroute A3 pour y boire un café. Une performance saluée sur les réseaux sociaux, mais pour laquelle il a été placé en garde à vue et doit comparaître mardi devant le tribunal correctionnel de Bobigny.

Les armes à la main, les poings serrés, le rappeur aux vestes en cuir et au crâne semi-rasé décrit la recherche désespérée d'argent pour briller, et une solidarité virile alors qu'autour de lui tout est chaos. Le quotidien est fait d'allers-retours en prison, d'ados "calibrés" qui n'ont "plus rien à perdre", mais aussi de fantasmes inavouables avec une chanson dédiée à Marion Maréchal Le Pen. "Quand ton coeur sera atteint, je t'apprends à parler rebeu (arabe)", promet-il à la jeune députée FN sortante.

"Ca ne véhicule pas 100% de valeurs positives mais je compose avec une réalité qui m'entoure", explique Fianso.

Célébrer la diversité

Après une dizaine d'années sur la scène rap, le rappeur a percé en 2016 en publiant une rafale de clips tournés dans toute la France, jusqu'à un par semaine, et postés sur les réseaux sociaux dans sa série #JesuispasséchezSo. 

Son équipe pose ses caméras dans les cités réputées les plus mal famées de France, de Marseille à Bobigny, pour ce qu'il décrit comme des "performances" avec fumigènes et dérapages contrôlés, et crée l'émeute au gré de concerts organisés dans des MJC.

Avec cette tournée, Fianso a voulu célébrer la "diversité" de ces quartiers, qu'il a parfois l'impression de "découvrir à la télé" sous un jour sombre, alors qu'il y a grandi. 

Le rappeur a été en pointe après la mort d'Adama Traoré en 2016, soutenant la famille du jeune homme décédé lors de son arrestation par les gendarmes, multipliant les appels au calme et demandant justice. Mais ce père de deux enfants qui se revendique musulman ne veut pas apparaître comme engagé:

"D'autres présents sur le terrain depuis des années le font bien mieux que moi", explique-t-il, citant notamment l'association d'insertion Speranza, en Seine-Saint-Denis.

Une carrière qui a mis du temps à décoller

Ce grand tour des cités a eu pour effet de lui faire un nom sur la scène rap: son tube Tout l'monde s'en fout a dépassé les 40 millions de vues en cinq mois sur Youtube, et Fianso a signé avec Universal.

"Ca a mis du temps à marcher pour moi", reconnaît le rappeur d'origine algérienne qui a grandi et vit en Seine-Saint-Denis, à quelques centaines de mètres de son père et de sa mère. 

Auteur de chansons pour Khaled ou Kery James, patron d'un label, propriétaire de studios d'enregistrement, investisseur immobilier, Fianso explique avoir enchaîné "tous les postes", comme dans une équipe de football. 

"Je n'ai pas seulement envie d'être celui qui met le but, j'ai envie de connaître le coach, le défenseur et même celui qui a fabriqué le ballon", explique-t-il.

Le rappeur se décrit comme un "débrouillard" entouré d'une équipe, soudée, d'amis de longue date: il enregistre le lundi sur des sons produits par ses musiciens, tourne le clip le mercredi, le publie au plus tard quelques jours après, explique-t-il.

"Pendant toutes ces années, j'étais dans l'imagerie du rappeur lambda: j'ai tenté les meufs dans les clips, la grosse voiture, le single mignon qui peut passer sur Skyrock. Mais dès que j'ai enlevé tout le clinquant, que je me suis montré moi, ça a pété", conclut Fianso.

Nawal Bonnefoy avec AFP