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A quoi ressemblait le premier concert de Johnny à l'Olympia?

Johnny Hallyday sur la scène de l'Olympia en décembre 1962.

Johnny Hallyday sur la scène de l'Olympia en décembre 1962. - AFP

Alors que l'Olympia s'apprête à faire revivre aux fans de Johnny, quelques-uns des 266 concerts qu'il a donnés dans cette salle, revenons sur son tout premier concert en 1961.

Le 21 septembre 1961, Johnny Hallyday est un peu mort de trac. "Je suis calme extérieurement, mais très nerveux intérieurement, confie-t-il d'une petite voix au micro du journaliste Pierre Bouteiller. Il faut dire qu'il s'apprête à faire son premier Olympia. 

Avant de devenir une bête de scène et un immense habitué de la salle parisienne, le chanteur a été un jeune débutant quasiment inconnu. Miser sur lui était alors un pari. En 1961, Johnny a 18 ans et un début de succès.

"C'était courageux de la part de Bruno Coquatrix, évoque pour BFMTV Jean-Michel Boris, ancien directeur de la salle parisienne. Parce que même s'il remuait les foules un petit peu en province et au Golf Drouot, on ne savait pas s'il allait pouvoir remplir l'Olympia trois semaines durant". 

"J'ai pris des suppositoires, ça devrait aller"

Et puis le jeune chanteur traîne une réputation un peu sulfureuse. "Il reste encore quelques endroits en France ou Johnny Halliday [sic] n'a pas suscité de bagarres. Les endroits où il ne chante pas en chair et en os. C'est-à-dire autour des juke-boxes publics et des électrophones privés", écrit ainsi début septembre Le Figaro.

Le rockn'roll a mauvaise presse. Mais il en faut plus pour effrayer Bruno Coquatrix. "On avait l'habitude, sourit Jean-Michel Boris, on avait déjà vu les fauteuils cassés [ndlr en 1955, lors d'un concert de Gilbert Bécaud]. Bruno Coquatrix n'avait pas peur de ça."

L'angoisse est plutôt dans les loges, où Pierre Bouteiller interroge le jeune premier pour Europe 1. Il lui demande des nouvelles de sa voix. "J'ai pris des suppositoires, ça a l'air d'aller", répond ingénument le jeune rockeur.

Ce soir là, Johnny Hallyday porte une "magnifique chemise de smoking à jabot, un pantalon et une veste de smoking en alpaga pailleté, une cravate rouge", note Pierre Bouteiller qui trouve Johnny très "civilisé". Le journaliste ajoute sournoisement: "Ca n'a rien à voir avec le rock'n'roll tout ça". "Mais si pourquoi pas, proteste Johnny. Le rock'n'roll c'est quelque chose de très civilisé".

"Ca commençait à chauffer sérieusement"

ll faut dire que le tout Paris est là. Il y "des académiciens, des vedettes". Lucien Morisse, directeur de label et mari de Dalida est là, mais aussi Eddie Barclay, Charles Aznavour, Daniel Gélin. Ce soir-là, c'est un certain Philippe Bouvard, qui couvre pour le Figaro, le concert. "Au dernier moment, avant le lever du rideau, toutes les places qui auraient dû être occupées par des académiciens furent revendues à une meute d'intellectuels à bretelles qui poussèrent dans le hall des gloussements de satisfaction", note-t-il. C'est un musicien de jazz, Daniel Janin, qui fait, avec son grand orchestre, la première partie de Johnny. C'est cet orchestre qui accompagne le rockeur.

"Vers 23h30, précédé de son orchestre et de sa renommée, M. Halliday [sic] fit son entrée. Des sifflets d'enthousiasme fusèrent", écrit Bouvard.

"Les séances avec Johnny, ça commençait avant l'entracte, abonde Jean-Michel Boris. Le public était assez chaud, mais l'entracte venant, ça commençait à chauffer sérieusement. Dès que le rideau tombait, la lumière s'allumait, c'était l'explosion. Les jeunes étaient debout dans la salle à crier Johnny, Johnny".

"Tortillant du bassin et roulant des hanches"

Le chanteur était accompagné sur scène de nombreux musiciens et de danseurs. "Il avait dans son spectacle le ballet d'Arthur Plasschaert, un grand orchestre derrière lui et sa propre formation. Et aussi une petite chanteuse anglaise, Gillian Hills, et puis Pierre Etaix, qui a ensuite fait carrière dans le cinéma", raconte Jean-Michel Boris.

"C’était l’époque du rock, je me souviens des blousons noirs dans la salle, a ainsi raconté à un journal normand Arthur Plasschaert. Sur scène, c’était quelque chose. Un vrai charisme et il bougeait vraiment bien! Il avait déjà cette domination de la scène, alors qu’il débutait."

Les déhanchement du jeune Johnny impressionnent aussi beaucoup Philippe Bouvard qui décrit: "Tantôt menaçant la salle du doigt, tantôt se tenant le ventre, tortillant du bassin et roulant des hanches, il se servait du micro comme d'une lance d'arrosage."

"Les gens trépignaient"

"L'hystérie de la salle gagna l'orchestre. À moins que ce ne fût le contraire. Je ne sais plus. À perte de vue, les gens trépignaient, battaient des mains et tiraient de leur poitrine toutes sortes de gloussements bizarres de contentement qu'aucun musicien d'avant-garde n'a encore osé inscrire sur une partition."

Le public est donc conquis. Bruno Coquatrix a gagné son pari. Johnny restera à l'affiche trois semaines. En plus de 50 ans de carrière, il communiera 266 fois avec son public à l'Olympia. 

Magali Rangin