BFMTV
Cinéma

Yvan Attal et Charlotte Gainsbourg: "on ne va pas pouvoir empêcher le spectateur de fantasmer"

Yvan Attal et Charlotte Gainsbourg dans Mon chien Stupide

Yvan Attal et Charlotte Gainsbourg dans Mon chien Stupide - Copyright StudioCanal

Inséparables à la vie comme à la scène, Charlotte Gainsbourg et Yvan Attal collaborent pour la neuvième fois dans la comédie Mon chien Stupide. Ils commentent leur filmographie commune.

Déjà neuf films avec Yvan Attal et Charlotte Gainsbourg. Inséparables à la ville comme à la scène, le couple se retrouve dans Mon chien Stupide, une adaptation d’un roman de John Fante, réalisée par Yvan Attal, au cinéma ce mercredi 30 octobre.

Il y dirige pour la cinquième fois Charlotte Gainsbourg après notamment Ma femme est une actrice et Ils se marièrent et ils eurent beaucoup d’enfants, deux films qui brouillent la frontière entre réalité et fiction et s’amusent avec leur image publique.

Dans Mon chien Stupide, ils partagent aussi l’affiche avec Ben Attal, leur fils aîné. Le film, jurent-ils pourtant, est moins autobiographique que les précédents… Ils commentent leur filmographie commune avec un mélange de retenu et de franc-parler. 

Après Ma Femme est une actrice et Ils se marièrent et ils eurent beaucoup d’enfants, Mon chien Stupide semble brouiller une nouvelle fois les pistes entre fiction et réalité. Vous semblez prendre un malin plaisir à jouer avec la perception que le public a de votre couple.

Yvan Attal: Je ne sais pas si on a consciemment ce plaisir de jouer avec ça. On a un plaisir de jouer ensemble. La complicité que nous pouvons avoir grâce à vingt-huit ans de vie commune est au service du film. Il n’y a pas de notre part la volonté de créer un trouble de quelque ordre que ce soit. Il n’y a pas d’impudeur. On joue ensemble parce qu’on doit jouer un homme et une femme et que pour moi le plus simple est de jouer ensemble. Après, je sais bien que je ne vais pas pouvoir empêcher le spectateur de fantasmer. À partir du moment où je sais que cette possibilité est là, je me l’autorise. Je ne me dis pas que je vais jouer avec. 

Ce qui n’était pas le cas de Ma Femme est une actrice.

Charlotte Gainsbourg: Oui, c’était autre chose.
YA: C’était clair et net: nos personnages s’appelaient Yvan et Charlotte. Ça partait d’une histoire personnelle. Elle venait de faire un film avec un acteur… Je m’interrogeais sur ma capacité à supporter le fait que ma femme passe des bras d’un acteur à un autre. C’était très personnel. Mon chien stupide l’est beaucoup moins. C’est d’ailleurs John Fante qui l’a écrit.

Depuis 1991, vous avez fait neuf films ensemble. On vous voit vieillir ensemble à l’écran... 

CH: Je trouve que c’est touchant de voir des acteurs qui ont vieilli, de le voir vraiment. Ça fait même quelque chose… c’est dur à voir.

Quels souvenirs avez-vous de votre première rencontre sur Aux yeux du monde (1991)?

YA: J’étais amoureux à l’époque (rires).
CG: C’était il y a tellement longtemps… J’avais dix-huit ans, j’étais plus âgée que Ben, notre fils. C’est très ancien. 
YA: On n’était pas ensemble. On ne se connaissait pas. 

Vous vous êtes retrouvés ensuite sur le tournage d’Amoureuse (1992) ...

CG: Ça a posé beaucoup de problèmes au metteur en scène (rires).
YA: Il n’avait pas prévu ça… C’est un film de Jacques Doillon. Je peux le dire très clairement: je ne comprenais pas ce que l’on cherchait réellement. 
CG: Donc on passait beaucoup de temps à rigoler!
YA: On avait des fous rires et ça a renforcé notre complicité. 

C’était plus simple sur le tournage de Love etc. (1996)?

CG: Ce n’était pas mal comme tournage! 
YA: C’était plus simple. Marion Vernoux [la réalisatrice, NDLR] était très marrante. Fofolle, mais très marrante. 

Et Ma femme est une actrice (2001), votre premier film en tant que réalisateur?

YA: C’est un souvenir extraordinaire. C’est le premier film que j’ai écrit tout seul. Avant de le faire, j’ai rencontré à peu près 8.000 scénaristes, parce que je pensais que j’étais incapable d’écrire un scénario. Ils arrivaient tous avec des foulards et des cigarillos. Ils avaient tous envie de parler pendant des heures. Au bout d’un moment, j’en ai eu ras le cul et je me suis mis à écrire tout seul. J’ai écrit un scénario très rapidement. C’est grâce à Claude Berri, qui m’a encouragé dans cette voie. Au début, j’avais envie de faire un autre film, un polar… Un soir je l’ai croisé dans la rue, il m’a convaincu en me disant qu’il venait de voir Coup de foudre à Notting Hill, que je devais écrire quelque chose dans ce style-là. Il m’en a fait des tonnes. En rentrant chez moi, je me suis dit qu’il avait peut-être raison et j’ai écrit dans la soirée les quarante premières pages de Ma femme est une actrice qui n’ont jamais bougé.

Le film est un succès puis vous enchaînez avec Ils se marièrent et ils eurent beaucoup d’enfants (2004) …

YA: Sur le tournage, il y avait Claude Berri, notre fils [Ben], Anouk Aimée… J’en garde un souvenir un peu douloureux. J’avais une équipe compliquée. C’était un film difficile à faire, mais il y a des scènes que j’adore, notamment celle chez Virgin [avec Charlotte Gainsbourg et Johnny Depp] ...
CG: Ah oui, c’est vrai… 
YA: …et la scène où on se met de la bouffe dans la gueule!
CG: Oui, c’était des beaux moments de tournage… 
YA: Dans tous mes films, il y a des scènes fortes! (Charlotte Gainsbourg rigole). Dans Ma Femme est une actrice, la scène où tout le monde est à poil, c’est une scène géniale! La scène du Virgin dans Ils se marièrent, c’est une scène géniale! La scène du joint [dans Mon chien Stupide], c’est une scène géniale! Dans tous mes films, il y a des grandes scènes! Attendez, c’est ma vingt-huitième interview! Je pète un peu les plombs! Je suis sous cortisone, pardonnez-moi. C’est bien de se rappeler qu’il y a des grandes scènes.

Cette scène du joint, dans Mon chien Stupide, brouille les pistes. Si le reste du film est de la fiction, cette séquence semble être la seule à être vraie. Il n’y a plus de filtre. Plus rien n’existe autour de vous. 

CG: On s’est beaucoup amusés à tourner cette scène, mais c’est vrai que c’était très différent du reste, qui était beaucoup plus mis en scène, avec des plans-séquences. Là aussi c’était des plans-séquences, mais on ne coupait pas. On laissait la caméra tourner. Ce n’était pas orchestré. 
YA: C’était improvisé, alors que le texte était écrit. On pouvait tout se dire...
CG: On brodait pour faire exister la vraie humeur de la scène.
YA: C’est la scène qui peut donner l’impression que ces personnages sont vraiment nous. 
CG: Ça donne une fausse piste… 
YA: Quand j’ai monté la scène, c’était même gênant pour certains, car ils pensaient que c’était complaisant, comme si je me filmais avec ma femme. On m’a beaucoup demandé de couper cette scène. Heureusement que ma monteuse a été là pour me dire que c’était une scène vraiment drôle, vraiment vraie. Il y a quelque chose qui se dégage de cette scène. Je lui rends hommage. Sans elle, la scène aurait été escamotée par la peur de cette complaisance.

On vous a souvent accusé de complaisance? 

YA: Non. C’était uniquement avec cette scène. Il y a quelque chose qui nous dépassait.

Un film dont nous n’avons pas parlé: Do not disturb.

YA: C’est un film que j’ai totalement oublié. Je me souviens de Charlotte aux essais caméra avec une bite. C’était pour une scène avec Asia et François. Tu avais Joe dans les bras…
CG: C’est parce que je l'allaitais pendant la scène. 

Il y aura un dixième film ensemble?

CG: J’espère! 
YA: Le prochain, j’espère. Il ne sera pas la suite de la trilogie. Ce n’est pas un polar, mais un film noir. Il y aura un mort…
Jérôme Lachasse