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Cinéma

Un peuple et son roi: la Révolution française rejouée par le gratin du cinéma

Un peuple et son roi

Un peuple et son roi - Copyright Jérôme Prébois

Réalisé par Pierre Schoeller, ce film très ambitieux est porté par Adèle Haenel, Laurent Lafitte, Izia Higelin, Olivier Gourmet, Louis Garrel, Gaspard Ulliel…

Deux ans après Les Visiteurs 3, le gratin du cinéma français replonge dans la Révolution française. Exit Christian Clavier, Jean Reno. Place à Un peuple et son roi où apparaissent notamment Adèle Haenel, Laurent Lafitte, Izia Higelin, Olivier Gourmet, Louis Garrel, Gaspard Ulliel…

Aux commandes de la guillotine le réalisateur césarisé de L’Exercice de l’Etat. Ce dernier, qui a reconstitué ce moment charnière de l’histoire de France en région parisienne, raconte avoir voulu mettre en scène un peuple politique, animé par l’espérance, l’enthousiasme, l’engagement. Toute ressemblance avec l’actualité est donc purement fortuite.

Un film "lumineux, charnel"

Un peuple et son roi suit donc du 14 juillet 1789, date de la prise de Bastille, au 21 janvier 1793, jour de la décapitation de Louis XVI, quatre ans de la révolution française. Pierre Schoeller, qui a consacré plusieurs années à écrire le scénario, a choisi de ne pas montrer la chute de la Bastille, mais de la faire raconter par ceux qui l’ont vécue:

"Ce qui est toujours mis en avant dans la Révolution Française, c’est la violence. Je pense que c’est quelque chose de très gênant, qui me semble faux sur le sens de l’événement, surtout sur ses premières années".

Le cinéaste a donc imaginé un film "lumineux, charnel, où le thème de l’espoir en politique, dans la vie, est important." C’est pour cette raison qu’il filme les conséquences immédiates de la chute de la Bastille: pour la première fois, des rues de Paris qui ont grandi dans l’ombre sont inondées par la lumière du jour.

La lumière occupe une place importante dans cette reconstitution du Paris de la fin du XVIIIe siècle. Pierre Schoeller s’est appuyé sur des éclairages naturels et, comme Barry Lyndon de Stanley Kubrick, sur des bougies:

"C’est pour s’imprégner. La ligne générale du film, c’est de voyager vers ce moment. Un des plaisirs du film historique est de dépayser, d’emmener [le public] dans un univers que l’on ne connaît pas, qui à la fois nous surprend, nous étonne et peut serrer les tripes."

Pour "serrer les tripes", il a approché son sujet comme un historien: "Je suis assez précis, patient et méticuleux pour rassembler les détails. La plupart des dialogues du film, je suis allé les chercher [dans des documents de l’époque], comme les chansons. Le travail sur le film a été de mettre en forme ces éléments, puis d’inventer les personnages." Le texte n’était pas toujours facile à jouer, reconnaît-il:

"Ils devaient être habités par le texte et, ça, ce n’est pas donné à tout le monde. J’ai fait beaucoup d’essais et l’épreuve du texte était réelle. Surtout que je n’ai pas cherché à aménager le texte. Les textes ne sont changés, il y a juste des effets de montage"

"Louis XVI m’intéresse énormément"

Un peuple et son roi met en scène les figures habituelles: Marat, Robespierre, Danton, Saint Just et bien sûr Louis XVI. Celui-ci apparaît comme on l’a rarement vu au cinéma, à la fois triste et hargneux, loin de l’image du pleutre qui lui colle souvent à la peau:

"Je voulais faire de Louis XVI un personnage politique et un personnage tragique. Il m’intéresse énormément, car il n’est pas né au bon moment. Sur ses épaules repose le poids de la dynastie", explique Pierre Schoeller. Le cinéaste s’intéresse aussi au rôle du peuple, et en particulier à celui des femmes, pendant la Révolution française: "Des gens très simples ont eu un poids décisif sur les événements", insiste-t-il.

Pendant ses années de recherche sur le scénario, Pierre Schoeller a consulté plusieurs éminents historiens et historiennes de la Révolution française, comme Arlette Farge, Sophie Wahnich, Guillaume Mazeau et Timothy Tackett, pour restituer le plus précisément possible l’ambiance et les sons du Paris révolutionnaire.

Un peuple et son roi
Un peuple et son roi © Studio Canal

Le tournage, qui s’est déroulé au cours de l’été 2017, a eu lieu à Troyes pour les extérieurs mais aussi à Paris et dans le Vexin. Aucun décor n’a été construit pour les besoins du film. L’atelier, lieu de vie où se situe une partie de l’action et se retrouvent lavandières et verriers, existe réellement. Et l’Assemblée nationale des années 1790 a été recréée dans le réfectoire de la légion d’honneur à Saint-Denis. Pierre Schoeller a beaucoup regardé des gravures des événements pour sa mise en scène:

"Les tableaux aident à représenter des attitudes, notamment celles des lavandières. Pour la composition, je savais que je voulais un film assez simple, un peu frontal, je ne voulais pas que l’on sente la technique du filmage. C’est pour ça qu’il y a très peu de travelling, un petit peu de caméra portée, mais pas tant que ça."

Des clins d'œil à l'actualité

La couleur du film a aussi son importance dans cette reconstitution du passé: "Ce qui est décisif, c’est la gamme de couleurs des costumes. C’est une gamme avec des couleurs franches du côté du roi et pastel, plus douce, du côté du peuple. Les costumes des députés, eux, ont des noirs différents, du brun, des bordeaux, des verts profonds. Il y a eu un travail important sur les personnages, mais aussi sur les teintes, le maquillage."

Le film crée sans cesse des passerelles entre notre époque et le passé. Pierre Schoeller place ainsi dans la bouche d’un commissaire: "De mémoire d’homme a-t-on déjà vu des policiers jeter des morts dans la Seine?". Une référence anachronique au massacre du 17 octobre 1961, lorsque des policiers français ont jeté dans la Seine des manifestants algériens. "C’est un petit clin d’œil, il y en a deux ou trois, c’est absolument anecdotique. C’était un peu pour forcer l’allusion", insiste le cinéaste. "C’est pour montrer que c’est une petite ironie de l’histoire, qui se répète."

Jérôme Lachasse