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Cinéma

Trois choses à savoir sur La Colline a des yeux de Wes Craven

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- - © Carlotta Films

Le deuxième film de l’auteur de Scream est ressorti en salle le 23 novembre dans une superbe copie restaurée en 4K à l’occasion de son quarantième anniversaire.

Quelques mois après une rétrospective Wes Craven à la Cinémathèque, l’actualité du cinéaste, disparu le 30 août 2015, reste trépidante. Ce mois-ci sont sortis l’essai Wes Craven, quelle horreur? du critique Emmanuel Levaufre (ed. Capricci) et une version restaurée de La Colline a des Yeux, distribuée par Carlotta Films. L’occasion idéale de se replonger dans l’histoire de ce film culte qui fêtera en 2017 ses quarante ans.

La Colline a des Yeux, un film politique

En 1977, lorsque La Colline a des yeux sort aux Etats-Unis, Wes Craven n’a réalisé qu’un seul film: La Dernière Maison sur la gauche. S’il a rencontré le succès avec ce remake caché de La Source d’Ingmar Bergman, le cinéaste a ensuite passé cinq ans à développer sans succès avec Sean S. Cunningham, le futur réalisateur de Vendredi 13, plusieurs idées. Citons en vrac, une relecture de Hansel et Gretel, une comédie sur des concours de beauté et un film sur un vétéran de la guerre de Corée.

Un jour, Craven reçoit un appel d'un jeune producteur de Las Vegas qui lui propose de tourner dans le désert. Le cinéaste court alors à la bibliothèque de New York, où il découvre, comme il l'a raconté dans les Cahiers du Cinéma 666, "l’histoire de Sawney Bean, chef d’un clan de dégénérés qui auraient tué et mangé mille voyageurs en Ecosse, au 16ème siècle. C’est devenu La Colline à des yeux." Craven voulait quitter le genre du cinéma d’horreur, le naturel est revenu au galop.

Dès le départ, Wes Craven a en tête un film éminemment politique. Il suit depuis quelques années l’interventionnisme des Américains en Amérique du Sud et centrale. "Quand j’écrivais, je pensais au tiers-monde", a-t-il aussi expliqué aux Cahiers du Cinéma. "Le premier jet se situait dans un futur proche, en 1984, dans une Amérique où il faudrait un passeport pour passer d’un État à l’autre. La famille voudrait aller en Californie, mais le visa est difficile à obtenir, donc elle coupe par le désert." Pour des raisons de budget, Wes Craven choisit finalement de situer l’action dans les années 1970.

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- © © 1977 BLOOD RELATIONS COMPANY. Tous droits réservés.

Un film de transition

Sur le tournage de La Colline a des yeux, Craven travaille pour la première fois avec une équipe hollywoodienne. Celle-ci est également composée du directeur artistique Robert Burns, qui vient de travailler sur Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper. Pour le scénario, Craven a d’ailleurs repris la structure de La Dernière maison sur la gauche: une famille de WASP attaquée par des dégénérés se venge violemment. Le cinéaste fait cependant quelques concessions au système, trouvant un équilibre efficace entre des scènes d’une intense brutalité et un suspense plus traditionnel.

Bien avant Les Griffes de la nuit et Scream, ses deux films les plus célèbres, Wes Craven manifeste déjà dans son second film son goût pour les clins d'œil ironiques, comme ce gag sonore au début où le bruit d’une cafetière ressemble aux bandes-sons des films d’horreur. A noter, également, la présence dans la caravane d’une affiche déchirée des Dents de la Mer de Spielberg.

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- © © 1977 BLOOD RELATIONS COMPANY. Tous droits réservés.

Un témoignage de la veine réaliste du cinéma d’horreur des 70’s

La Colline a des yeux, comme La Nuit des morts-vivants ou Massacre à la tronçonneuse, a participé, dans les années 1970, à une nouvelle manière de représenter l’horreur. Comme le note Emmanuel Levaufre dans Wes Craven, quelle horreur?: "Il n’y a pas de menace diffuse qui plane autour des personnages, on ne peut pas être ensorcelé ni maudit, mais on peut, par une simple coïncidence, être violé, assassiné, démembré, éviscéré ou dévoré". On est donc loin des histoires de vampires dans des décors en carton-pâte avec Christopher Lee.

Les cinéastes décident de sortir des studios. Les caméras utilisées, souvent plus légères et plus maniables, contribuent à l'horreur viscérale mise en scène. La Nuit des morts-vivantsMassacre à la tronçonneuse et La Colline a des yeux sont tournés, comme les reportages et les documentaires, en pellicule 16mm: "L’effet de réel est obtenu immédiatement, par le choix de la pellicule et non par la vraisemblance du récit", estime le critique. Tout semble vrai (à l’époque du moins) et aucune échappatoire ne semble possible.

Dans les films qu'il réalise après La Colline a des yeux, Wes Craven instaure une forme de distanciation en stylisant davantage l'horreur et les scènes de violence, soit par une mise en scène onirique (Les Griffes de la nuit) soit en multipliant les références cinéphiles (Scream). Mais comme souvent dans son cinéma, cela ne suffit pas pour échapper à l’horreur.

la colline a des yeux de wes craven, ressortie en version restaurée 4k par carlotta films. en salle depuis le 23 novembre.

Disponible le 7 décembre en coffret collector blu-ray + DVD (inclus La Colline a des yeux 1 et 2 et un livre inédit de 200 pages, Le Droit à l’horreur, sur l’oeuvre de Wes Craven).

Wes Craven, quelle horreur?, par Emmanuel Levaufre, Capricci, 96 pages, 8,95 euros.

Jérôme Lachasse