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Taika Waititi: "Avec Jojo Rabbit, j'ai voulu montrer que Hitler était comme une pop star dans les années 30"

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Le réalisateur de Thor Ragnarok revient avec Jojo Rabbit, une satire sur les derniers jours du IIIe Reich. Il y incarne une version fantaisiste de Hitler, ami imaginaire d’un petit garçon.

Du Dictateur de Charlie Chaplin aux Producteurs de Mel Brooks, en passant par Le Führer en folie de Philippe Clair, la Seconde Guerre mondiale et Adolf Hitler ont inspiré de nombreuses satires iconoclastes. Le Néo-Zélandais Taika Waititi, réalisateur de Vampires en toute intimité et de Thor Ragnarok, s’y frotte à son tour, avec Jojo Rabbit, en salles le mercredi 29 janvier. 

Dans cette satire nommée six fois aux Oscars (dans les catégories meilleur film et meilleure actrice dans un second rôle pour Scarlett Johansson) il raconte l’histoire de Jojo, un jeune garçon introverti fasciné par Hitler avec qui il discute dans des conservations imaginaires. Ses convictions vacillent lorsqu’il découvre que sa mère cache chez eux une adolescente juive, Elsa.

C’est au réalisateur Taika Waititi qu’est revenue la tâche d’incarner cette version grotesque de Hitler dans un film qui évoque avant tout le désarroi des parents quand leur enfant bascule dans le fanatisme. Accompagné par son producteur Carthew Neal, Taika Waititi évoque ce thème qui lui tient tant à cœur.

Le Ciel en cage, le roman qui a inspiré Jojo Rabbit, est très sérieux, voire perturbant. Pourquoi avoir choisi d’en faire une comédie? 

Taika Waititi: Il y a au centre du Ciel en cage une très belle histoire entre le personnage principal, Johannes, qui fait partie des Jeunesses Hitlériennes, et l’adolescente juive, Elsa, qu’il découvre dans le grenier de sa maison. Je voulais me concentrer sur cet aspect du roman. Ça ne m’intéresse pas du tout de faire un film sombre, un simple drame. J’aime utiliser l’humour pour détendre l’ambiance et ajouter au récit une dimension intéressante. Il y a beaucoup de différences entre le roman et le film. Hitler n’apparaît pas en ami imaginaire dans le roman, par exemple. 

Comment avez-vous approché le rôle d’Adolf Hitler? 

Taika Waititi: C’est mon rêve depuis l’âge de cinq ans. Je vivais dans mon petit village indigène de Nouvelle-Zélande [le père de Taika Waititi est d’origine Maori, NDLR] et je me demandais comment faire pour quitter cette île. Puis j’ai eu l’idée: en jouant le mec le plus populaire d’Europe. 
Carthew Neal: C’est une blague?
Taika Waititi: Est-ce que c’est une blague? Oui. Mais si je dois expliquer que c’est une blague, ce n’est plus une blague! La blague est foutue! Ok. Hitler était le personnage que personne ne voulait jouer. Searchlight, le studio qui a produit le film, voulait que le joue. Ils refusaient de produire le film si je ne jouais pas Hitler! Ce n’était pas ce que j’avais prévu de faire, mais je voulais faire le film et j’ai accepté. 
Carthew Neal: C’est une version imaginaire de Hitler. Comme Taika ne lui ressemble absolument pas, c’est mieux pour le film. 
Taika Waititi: Je suis content de ne pas lui ressembler! 

Pourquoi avoir choisi durant le générique de rythmer des images de propagande nazie sur la version allemande de I Want To Hold Your Hand des Beatles?

Taika Waititi: Je voulais montrer que Hitler était considéré comme une pop star dans les années 1930. Il a suscité une forme d’hystérie collective en Allemagne à cette époque. Il y avait de grandes célébrations. Je voulais montrer que ce n’était pas des fous qui couraient partout avec des envies de meurtre. Ils pensaient réellement que la vie était agréable grâce à Hitler. Ils pensaient qu’ils étaient plus riches. Ils étaient heureux. Enfin, certains… Comme le message du film est positif et que les Beatles sont également pacifiques, on a pu obtenir les droits de la chanson sans trop de problème. 

C’est aussi un film qui parle de l’embrigadement des jeunes, du désespoir des parents lorsque leurs enfants deviennent des extrémistes…

Taika Waititi: C’est un des grands thèmes que je voulais explorer: ce que les parents traversent dans ce genre de situation. Et en particulier une mère seule. Le personnage de Scarlett [Johansson, NDLR] essaye désespérément de préserver l’innocence de son fils pour éviter qu’il ne grandisse trop vite. [Scarlett] s’en est vraiment très bien sortie. 
Carthew Neal: Beaucoup de gens se demandent pourquoi elle ne tente pas de l’arrêter, mais à cette époque ça aurait pu se retourner contre elle: on disait aux enfants de balancer leurs parents. Moins il sait de choses, mieux c’est. C’est une situation très difficile pour une mère. 

L’enfant qui découvre vivre dans un monde construit par le mensonge est un des thèmes récurrents de votre cinéma…

Taika Waititi: C’est vrai. J’ai toujours été fasciné par la manière dont les enfants perçoivent le monde adulte, comment ils nous regardent et interprètent nos décisions. C’est très important, parce que les enfants nous tendent un miroir: ce qu’ils voient ou la manière dont ils interprètent notre monde est rarement flatteur.
Jérôme Lachasse