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Pierre Richard: "Je ne peux pas être un has-been"

Pierre Richard sur l'affiche du festival CineComedie

Pierre Richard sur l'affiche du festival CineComedie - CineComedie

Le Grand Blond avec une chaussure noire, invité d’honneur du festival CineComedies de Lille, se souvient de ses plus grands films et évoque son rapport au burlesque.

La Chèvre, Le Grand Blond avec une chaussure noire, Le Jouet… Avec ses rôles de distrait, de maladroit ou de type qui porte la poisse, Pierre Richard a marqué des générations de spectateurs.

Invité d’honneur du festival CineComedies à Lille du 27 au 30 septembre, le comédien qui cartonne actuellement dans Les Vieux fourneaux a accepté d’évoquer pour BFMTV.com ses souvenirs et de commenter des séquences cultes de certains de ses plus grands succès.

L’acteur de 84 ans se souvient notamment de ses relations avec Francis Veber, le scénariste et réalisateur qui l’a immortalisé dans les rôles de François Perrin et de François Pignon, son personnage culte.

"Mon personnage n’est pas une victime"

Interrogé également sur son personnage burlesque, Pierre Richard se dit très fier, mais estime qu’il s’est fourvoyé en tournant en 1997 son dernier film en tant que réalisateur, Droit dans le mur, où il incarne un comique has-been. Un rôle aux antipodes de sa personnalité et de son parcours:

"Je ne peux pas être un has-been. Non pas parce que j’ai réussi dans ma vie. Cela n’a rien à voir. Parce que je ne suis jamais une victime. Dans Le Distrait, mon personnage n’est pas une victime. Ce sont ceux qui sont autour de moi qui sont des victimes."

Le Distrait (1970)

"C’est une belle scène de burlesque. Deux personnes qui sont affligés par des défauts, c’est souvent drôle, mais quand ils sont ensemble, c’est souvent encore plus drôle. Je me souviens d’un copain qui était bègue, qui me faisait rire, pas méchamment. Il le savait. D’ailleurs, quand j’étais avec lui je bégayais. Un jour, il est allé chez un coiffeur et le coiffeur était bègue: deux bègues qui parlent ensemble, c’est irrésistible. Et là, deux distraits qui sont ensemble, c’est plus fort qu’un distrait tout seul. Paul Préboist l’a joué merveilleusement bien, parce qu’il a l’air toujours égaré comme moi. Quand j’ai écrit cette scène, je ne pensais pas que ce serait aussi drôle. Merci Monsieur Préboist. Il y avait aussi Blier dans ce film. C’est pour moi un des plus grands acteurs du cinéma français. Il a fait, je ne sais plus, 250 films, et il n’a jamais été mauvais."

Le Grand Blond avec une chaussure noire (1972)

"Qu’est-ce qu’on s’est amusé à jouer cette scène. C’est peut-être une perruque, mais les cheveux étaient vraiment coincés, sinon on se serait aperçu que c’était faux. Tout était écrit par Yves Robert et [Francis] Veber. On voit bien la patte de Veber… Je n’ai jamais su quel est celui des deux qui a trouvé cette idée. Après j’ai fait des films de Veber, c’est pour cela que je pense qu’il y est pour quelque chose dans cette scène. Je ne suis qu’un acteur. Ils m’ont pris, parce que mon personnage de distrait, de lunaire, commençait à émerger. Mais je ne suis pas distrait dans Le Grand Blond! D’ailleurs, ce personnage de distrait n’est que dans mon premier film. Après, tout le monde me dit ‘le distrait, le distrait’, mais Veber a fait très attention à ne pas faire ce genre de gags dans ses films où je jouais. Dans La Chèvre, j’étais le porte-malheur. Si je me bute dans une porte vitrée à l’aéroport, ce n’est pas parce que je n’ai pas vu la porte ou que je suis distrait, c’est parce que la porte ne marche pas."

La Chèvre (1981)

"C’est très difficile à faire. Pour jouer les maladroits, il faut être très adroit. Et je suis très adroit. Un maladroit ne peut pas jouer un maladroit, parce que sinon il rate ses maladresses. N’importe qui, pour arriver à cela, peut mettre dix-huit prises. Je l’ai fait à la première! Comment j’ai réussi? Il faut avoir le sens des distances. Il y a des gens qui sont très maladroits et qui s’y prennent à deux fois pour se gratter le nez et moi je sais tout de suite où il est. Evidemment, ça a fait la joie de Francis, qui l’avait écrit, mais s’attendait à faire pas mal de prises."
Les Compères avec Pierre Richard
Les Compères avec Pierre Richard © Gaumont

Les Compères (1983)

"On a tourné cette scène à Marseille, je m’en souviens. Il a beaucoup le sens du gag, Francis [Veber]. Il a été un des plus grands auteurs du cinéma comique. Après Le Dîner de cons, il a un peu tourné en rond autour de son style et, à un moment donné, il s’est un peu fatigué. Là, il était en pleine forme, si je puis dire. Il a le sens du gag, donc, de la situation et des dialogues. Des dialogues un peu minimalistes, mais je préfère ça. Il s’inscrit, à l’époque, dans la lignée des dialogues de Michel Audiard, de ceux qui avaient le sens de la répartie. Il l’avait énormément, et lui, en plus, il aimait beaucoup le burlesque, mais en partant d’un personnage vrai. Il disait toujours à Gérard et à moi: 'ce n’est pas à vous de faire rire, c’est à moi.' Il ne fallait pas qu’on en fasse [trop], mais que l’on joue sincère. Il avait raison, bien sûr. En France, en burlesque, il y avait Etaix, Tati… il aurait pu y avoir PEF dans son premier film, mais après il a un peu abandonné. Il y a aussi Dupontel, qui a un sens du burlesque, et bien sûr Gustave Kervern et Benoît Delépine, dont j’ai vu le dernier film I Feel Good il y a trois jours."
Les Compères avec Pierre Richard
Les Compères avec Pierre Richard © Gaumont

Les Compères (1983)

"Là aussi on n’est pas loin du burlesque. C’est un type qui veut se suicider et puis tout d’un coup, en plein suicide, il répond au téléphone. Il est pris dans un entre-deux: je me tue ou j’écoute? C’est un beau titre (rires). Le Grand Blond avec une chaussure noire était aussi un beau titre. A l’époque, on nous disait qu’il était long, mais en fait il est poétique, ce titre. On se demande où on va avec un titre pareil. A l’époque, il y avait des titres drolatiques comme Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. Le Grand Blond, ce n’est pas drolatique, c’est plus intriguant. Francis n’a pas toujours fait ça: La Chèvre, Les Compères… il ne s’est pas fatigué. Il n’en avait plus besoin! (rires)."
Jérôme Lachasse