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Philippe de Chauveron, réalisateur du Bon Dieu 2: "J’essaie de faire rire, je ne fais pas de politique"

Christian Clavier et Chantal Lauby dans Qu'est-ce qu'on a encore fait au Bon Dieu?

Christian Clavier et Chantal Lauby dans Qu'est-ce qu'on a encore fait au Bon Dieu? - Copyright Arnaud Borrel

Le réalisateur signe la suite du succès de 2014. Il raconte à BFMTV.com la genèse du projet, ses influences et évoque le génie comique de son acteur principal Christian Clavier.

Cinq ans après l’immense succès de Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?, le réalisateur Philippe de Chauveron rempile pour une nouvelle aventure de la famille Verneuil.

Avec son co-scénariste Guy Laurent, il a imaginé une intrigue tout en ironie: après avoir rêvé de se débarrasser de ses quatre gendres David (Ary Abittan), Charles (Noom Diawara), Chao (Frédéric Chau) et Rachid (Medi Sadoun), Claude Verneuil (Christian Clavier) va manigancer avec sa femme Marie (Chantal Lauby) pour les convaincre tous de rester dans ce si beau pays qu’est la France.

À l’occasion de la sortie, ce mercredi 30 janvier, de Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu?, Philippe de Chauveron évoque la genèse du projet, ses influences comiques, mais aussi le génie comique de son acteur principal Christian Clavier.

Au début du film, Charles Koffi critique les stéréotypes des scénarios français. Est-ce une manière de répondre à la polémique qu’il y a eu lors de la sortie du premier film?

Pas du tout. C’est un personnage qui parle. C’est complètement différent. C’est un personnage qui parle, qui a du mal à trouver du travail et qui se plaint de la discrimination dans le cinéma français, qui a existé et existe toujours. Je n’ai rien inventé. Cette année, les actrices noires se sont plaintes du manque de rôles [lors du Festival de Cannes et dans le livre Noire n'est pas mon métier d’Aïssa Maiga, NDLR]. C’est une réalité. Il le vit tous les jours et il en parle.

La sortie du premier film a suscité beaucoup d’articles. Avez-vous discuté de ce qui s’est passé avec les comédiens?

Déjà, il n’y en a pas eu énormément, mais quelques-uns. Vous savez, le film a fait le tour du monde. Il a fait 9 millions d’entrées à l’étranger. il a cartonné en Israël, au Liban, au Maroc, en Côte d’Ivoire… En France, il a cartonné partout: dans les banlieues… tous les publics ont aimé. Après, il y a quelques journalistes et spectateurs qui n’ont pas aimé. C’est une minorité. Je ne me suis pas du tout censuré. Les acteurs n’ont pas un droit de regard, mais je leur fait lire le scénario. S’il y avait eu le moindre problème, ils me l’auraient dit.

Comment est venue l’idée du deuxième film?

Je cherchais une idée qui pouvait boucler la boucle. Ce qui m’amusait, c’est que si les quatre gendres avaient essayé de partir dans le premier film, le personnage joué par Christian Clavier aurait été plutôt content. Là, dans la suite, il va être obligé de les retenir. C’était assez ironique et juste. C’est un truc qui revient beaucoup chez les jeunes de vouloir aller ailleurs, de se plaindre de la France, de se dire que l’herbe est plus verte ailleurs. C’est un thème assez banal. C’était aussi une manière de parler de la France de 2018.

Sur Allociné [qui cite le dossier de presse], on peut lire que c’était aussi lié à la montée des extrêmes lors de la dernière campagne présidentielle.

Non, aucun rapport. Vous savez, moi, je fais du divertissement. J’essaye de faire rire, je ne fais pas de politique.

Plusieurs scènes renvoient directement à l’actualité: Donald Trump est évoqué, le personnage de Frédéric Chau raconte avoir peur de se faire agresser…

J’ai l’habitude de lire les journaux tous les jours. Je vois ce qui se passe en France et dans le monde. Je l’utilise dans les films. C’est une comédie sociale, comme on dit. Ça parle de la société française et de ses problèmes. Quand on voyage un peu, on se rend compte que tous les pays se ressemblent un peu. Les problèmes sont souvent les mêmes dans chaque pays. Pas seulement en France.
Les gendres dans le Bon Dieu 2
Les gendres dans le Bon Dieu 2 © Copyright Arnaud Borrel

Dans Le Parisien, au moment de la sortie d’À bras ouverts, vous disiez aimer les "comédies corrosives et féroces" et vous citiez Ettore Scola comme inspiration.

J’ai vu quand j’avais 14 ans Les Nouveaux monstres de Dino Risi. A l’époque, on pouvait rester dans les salles toute la journée. Je l’ai vu trois fois de suite. J’étais peut-être un peu jeune pour tout comprendre, mais ça m’avait marqué. J’adore l’humour noir, quand ça pique un peu. C’est ça que j’aime voir au cinéma. Il y a des milliers de comédies formidables et différentes que j’ai vues et revues. J’ai toujours adoré le Splendid, Francis Veber, les Frères Farrelly… Les Farrelly ont un cinéma assez féroce, quand on voit Mary à tout prix ou Fou d’Irène

Vous n’avez pas de tendresse pour les personnages, mais de l’empathie.

Oui. J’aime tous les personnages du film et je fais tout pour qu’ils soient attachants. Et en même temps, ce qui les rend attachants, ce sont leurs défauts. Le plus grand exemple en comédie, en France, c’est Louis de Funès. C’est un type que tout le monde adore, alors que lorsque l’on regarde de près son personnage, il a peu de qualités. Là, il est très humain et on s’identifie à lui. C’est ça qui nous fait rire. Le bonheur, la gentillesse, ce n’est pas très drôle.

Christian Clavier s’inscrit dans la lignée de de Funès. Il excelle dans les rôles de personnages peu aimables.

Les Bronzés est un bon exemple aussi. C’est un portrait de Français pas forcément formidables même si on les adore. C’est le paradoxe de la comédie: s’attacher à des gens qui ont plein de défauts.
Chantal Lauby et Christian Clavier
Chantal Lauby et Christian Clavier © Copyright Arnaud Borrel

Dans Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu?, Clavier dit "La France, c’est moi…"

Ce n’est pas Clavier, c’est Claude Verneuil. Il ne faut pas confondre. Les acteurs jouent des rôles. Il joue un personnage de bourgeois catho un peu réac. Ce n’est pas du tout lui. Après les gens pensent que c’est lui, parce qu’il joue tellement bien. Les acteurs y mettent un peu d’eux, mais ils jouent des personnages. Donc c’est Claude Verneuil qui dit "La France, c’est moi". C’est un peu de la provoc. Il dit ça parce qu’il est furieux, il est énervé contre ses gendres. Ce personnage est un Français très amoureux de la France. Depuis mes débuts, j’avais envie de travailler avec lui. C’est un acteur que j’admirais avant de le connaître et maintenant encore plus. C’est un génie de la comédie. Il est incroyablement habité par ses rôles et la vis comica. Dès qu’ils voient sa tête, les gens rient. Alors qu’il a une tête tout à fait normale. C’est ça le talent, le pur talent comique.

Il y a beaucoup d’improvisations sur le tournage?

Avant le tournage, je travaille avec chaque comédien. Je revois tous les dialogues, toutes les scènes. J’ai la chance de travailler avec des comédiens qui sont aussi des auteurs. Clavier a quand même écrit un paquet de comédies, Chantal Lauby a créé Les Nuls, Ary Abittan fait des spectacles, Medi Sadoun a écrit les Kaïra… J’ai vraiment des acteurs qui sont créatifs. Je serais vraiment bête de me priver de leurs talents. J’envoie les dialogues et je suis prêt à leur piquer des idées s’ils en ont une meilleure que les miennes. Par contre, une fois sur le plateau, il n’y a pas eu beaucoup d’improvisations. Il y en a eu un peu avec Christian, mais pas beaucoup, principalement des fins de scène.

Vous faites des projections tests?

À chaque film. Pour une comédie, c’est important. Je me mets dans la salle. Je vois le film avec le public. Même s’il n’est pas fini et qu’il a encore des défauts, on voit bien où les gens rient, où ils s’ennuient, où il faut raccourcir, rallonger. Puis je repars au montage et je teste encore deux fois. Après, c’est fini. Sur le premier, j’avais ajouté cinq minutes: les gens riaient tellement qu’on n’entendait pas les dialogues suivants. J’ai dû rallonger les scènes.
Qu'est-ce qu'on a encore fait au Bon Dieu?
Qu'est-ce qu'on a encore fait au Bon Dieu? © Copyright Arnaud Borrel

Y aura-t-il un Bon Dieu 3 si vous trouvez la bonne idée?

Oui. Comme c’est une comédie de personnages, on peut imaginer plein d’histoires. Après, il faut laisser celui-là partir. Si celui-là est un succès, on y pensera vraiment. Il faut qu’on ait une bonne histoire. C’est une bonne histoire qui fait les bons films. C’est ce que j’ai dit au producteur Romain Rojtman. Et on a attendu quatre ans.

La série pourrait-elle prendre dans la même direction que les Tuche, dont le troisième volet se déroule à l’Élysée?

Non, parce que Les Tuche c’est un peu plus énorme. C’est très drôle, mais ce n’est pas crédible. Le Bon Dieu est plus réaliste.
Jérôme Lachasse