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Cinéma

Paul Sanchez est revenu!: comment Laurent Lafitte s'est transformé en criminel en cavale

Détail de l'affiche de Paul Sanchez est revenu!

Détail de l'affiche de Paul Sanchez est revenu! - SBS Distribution

L'acteur revient dans Paul Sanchez est revenu!, un thriller tragi-comique dans la lignée des films des frères Coen.

Paul Sanchez est revenu! marque le retour derrière la caméra de Patricia Mazuy, sept ans après Sport de filles avec Marina Hands. Tourné dans le Var comme un western français, ce thriller s'inspire entre autres de la disparition du docteur Godard et de l'affaire Dupont de Ligonnès pour raconter "comment on se projette dans les faits divers [et] quels fantasmes on développe quand on les dévore".

L'intrigue de Paul Sanchez est revenu! fait explicitement référence à l'affaire Dupont de Ligonnès: un criminel disparu depuis dix ans, Paul Sanchez (Laurent Lafitte), aurait été aperçu à la gare des Arcs sur Argens. A la gendarmerie, personne ne croit à la rumeur, sauf une jeune gendarme, Marion (Zita Hanrot).

"Ce n'est pas sur Dupont de Ligonnès, c'est sur le docteur Godard, la bête du Gévaudan, les criminels que l'on n'a pas réussi à attraper et que l'on continue de chercher", corrige Patricia Mazuy, qui ajoute que son film se penche également sur la manière dont Marion "va se laisser complètement hypnotiser par la traque et se transformer".

"Je voulais me froisser le visage"

Le film "part de Dupont de Ligonnès comme on peut partir d'un mythe ou de la figure du type qui efface tout et remet les compteurs à zéro par le sang et la tragédie", renchérit Laurent Lafitte. L'ombre de Dupont de Ligonnès plane malgré tout sur le film, qui a été tourné autour du rocher de Roquebrune-sur-Argens, dans le Var, là où le père de famille aurait été aperçu en janvier dans un monastère.

L'alerte s'est finalement avérée fausse, mais a démontré la persistance du mythe, sept ans après le début de l'affaire. Détail amusant: Patricia Mazuy était justement en train de monter Paul Sanchez lorsque la nouvelle s'est répandue. Autre détail troublant: dans certaines scènes, le visage de Laurent Lafitte fait penser à celui de Dupont de Ligonnès...

"Laurent peut ressembler à Monsieur-tout-le-monde", acquiesce Patricia Mazuy. "C'est pour cette raison que l'on se projette. Dupont de Ligonnès, le docteur Godard... Ce type de criminel ressemble à Monsieur-tout-le-monde. Ils sont nous si on craque." 

Pour que Laurent Lafitte soit crédible dans le rôle de ce criminel à bout, Patricia Mazuy a voulu l'"abîmer": "Quand il est au naturel, Laurent, il est tout lisse, il est super beau gosse", confirme la cinéaste. L'acteur, comme à son habitude, s'est impliqué dans la construction de son personnage:

"Je voulais me froisser le visage. Je lui ai proposé des choses au niveau des dents, de la coiffure. Mes dents sont assez visibles sur mon visage, donc je voulais essayer que ce ne soit pas aussi régulier. J'ai minci, j'ai essayé de me creuser un peu le visage, que les cheveux ne me mettent pas en valeur. C'était assez intéressant de voir jusqu'où on pouvait aller. J'aime bien quand on ne voit pas les prothèses et qu'on se dit: 'oh putain, il a une sale gueule dans ce film'."

Lafitte, qui jouait parallèlement au tournage à la Comédie Française, a voyagé à sept reprises de nuit pour rejoindre, dès la fin des représentations, le plateau de tournage pour être prêt dès 8 heures du matin. Ces voyages l'ont aidé à entrer dans son personnage. 

Laurent Lafitte dans Paul Sanchez est revenu! et Clint Eastwood dans Pour une poignée de dollars
Laurent Lafitte dans Paul Sanchez est revenu! et Clint Eastwood dans Pour une poignée de dollars © SBS Distribution/MGM

Un look inspiré par Clint Eastwood

Pour compléter son look, Patricia Mazuy a affublé le comédien d'une veste dont les motifs rappellent ceux du poncho de Clint Eastwood dans Une Poignée de dollars. "C'était un peu osé", sourit-elle, avant d'ajouter: "en même temps, c'est une veste où il a voulu faire chic pour passer inaperçu et elle est usée..." "Oui, c'était l'idée du western que voulait Patricia", ajoute Laurent Lafitte. "Une fois que Paul Sanchez est sur le rocher, il y a un peu cette esthétique de la roche rouge, comme dans le Colorado. Et en même temps, en bas, c'est le Var."

Pendant la première demi-heure, comme chez Sergio Leone, Laurent Lafitte ne parle pas ou presque. "Ni Laurent ni moi n'avions mesuré que ce serait si dur de jouer seul, sans retour", dit Patricia Mazuy. Ces scènes furent de véritables défis pour le comédien, mais ont finalement été moins éprouvantes que celles où son personnage bascule dans la folie. Lors de deux scènes particulièrement intenses, Paul Sanchez se lance en effet dans une longue logorrhée où il hurle sa haine:

"Il a tellement retenu la parole que, lorsqu'il appelle la gendarmerie, il déverse", analyse Laurent Lafitte. "Le texte était très théâtral. Je me suis demandé comment on pouvait rester dans un naturalisme de cinéma et en même temps délivrer ce texte de manière crédible, incarnée, tout en gardant le côté théâtral, poétique presque, de l'écriture. C'était le gros pari sur ces deux grosses scènes de logorrhée."

Dans le sillon des frères Coen

Habitué, dans Elle, Au revoir là-haut ou encore KO, aux rôles de personnages retords et pervers, Laurent Lafitte insiste pour dire que ce Paul Sanchez n'est "pas un salaud": 

"Il faut qu'il soit inquiétant, dangereux et en même temps ridicule. C'est ce qui est intéressant dans le film: l'équilibre avec le burlesque. J'ai très vite parlé des frères Coen avec Patricia, parce que même si c'est très américain, dans l'équilibre burlesque/thriller, je trouvais ça exemplaire. Pour Paul Sanchez, je trouvais que c'était cet équilibre-là, tout en restant français, qu'il fallait atteindre." 

Pari réussi pour ce film qui sort au cinéma le 18 juillet prochain.
Jérôme Lachasse