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Cinéma

Pascal NZonzi, star du Bon Dieu: "dans la rue, on me dit 'vous nous avez réconciliés avec le cinéma français'"

Pascal Nzonzi dans Premier de la classe

Pascal Nzonzi dans Premier de la classe - UGC

L’acteur, célèbre pour son rôle dans Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu?, revient au cinéma dans Premier de la classe. L’occasion de revenir sur son parcours où se croisent Jim Jarmusch, Jean-Paul Belmondo et Aimé Césaire.

Tout au long de sa carrière, Pascal NZonzi a suivi une philosophie: "Il faut faire la bonne rencontre, qu’il y ait un personnage qui vous plaise, une histoire qui en vaille la peine. Et là, vous vous éclatez." L’amusement est le principal moteur de cet admirateur d’Aimé Césaire et d'Arthur Rimbaud formé au théâtre, mais devenu une star sur le tard grâce à son rôle d’André Koffi dans Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu?

Six mois après le succès du deuxième volet, Pascal NZonzi est à l’affiche de la comédie Premier de la classe. L’acteur congolais y incarne une nouvelle fois un père de famille chamboulé par les agissements de sa progéniture. Après le mariage de ses enfants, ce sont les mauvaises notes de son cadet qui le tourmentent. Excellent dans les rôles de patriarche bourru, Pascal NZonzi dévoile dans le film de Stéphane Ben Lahcene un aspect plus tendre de sa personnalité. Il faut dire que le comédien a retrouvé dans son rôle de père qui se sacrifie pour l’éducation de ses enfants les valeurs que lui a inculquées le sien: 

"Pour l’école, mon père avait une exigence: je devais travailler. C’était pour que je puisse être un chef de famille, que je puisse le représenter, prendre mes responsabilités s’il n’était pas là. Mon père n'était un intellectuel. Nous n'avions pas de livres chez nous. L’éducation, c’est apprendre à se prendre en charge. Si tu en es capable, alors tu peux prendre en charge une famille. On le comprend au fur et à mesure du temps. Mais il faut travailler, il faut travailler, il faut travailler", raconte l'acteur, qui accompagnait chaque jour son père aux champs.

Stéphane Ben Lahcene a écrit pour lui le rôle du père, Konan. Le geste le touche, mais n’a pas influencé son jeu: "Ma foi, je ne pense pas trop. C’est très agréable de voir que les gens qui vous regardent - et qui ne vous connaissaient pas - vous confient une telle responsabilité. Je suis reconnaissant à Stéphane. Quand j’ai lu le scénario, il y avait des moments où je rigolais tout seul. Je me disais: 'Il me connaît à ce point-là?'"

"C’était un bonheur de travailler avec Belmondo"

Pour autant, Pascal NZonzi ne veut pas se laisser enfermer dans un type de rôle et espère pouvoir explorer d’autres registres humoristiques: "J’aime bien rigoler. Au Conservatoire, par exemple, j’ai travaillé le personnage d’Arlequin. Ceux qui perçoivent [cet aspect de ma personnalité] me font un plaisir fou. Je ne joue pas au premier degré. C’est notre métier d’acteur: il faut aller plus loin que le texte le permet. S’il ne le permet pas, on invente." C’est de cette manière qu’il a décroché en 1991 un rôle dans Night on Earth de Jim Jarmusch - dont il ignorait l’existence au moment de passer le casting:

"C’était pour une petite scène. Il y avait trois phrases. J’étais furieux: 'C’est pour ça que vous me dérangez?! Trois phrases?!' On m’a alors proposé soit de foutre le camp, soit de rester. On m’a dit: 'Pascal, si tu restes, amuse-toi!' J’ai donc inventé mon texte. Je suis rentré chez moi, puis on m’a appelé pour m’annoncer que Jim Jarmusch voulait travailler avec moi. Quand je l’ai rencontré, il m’a dit de garder tout ce que j’avais dit."

Lorsqu’il apparaît dans le film de Jim Jarmusch, Pascal NZonzi est presque un vétéran. Alors âgé de 40 ans, il a déjà tourné en 1970 dans Le Lion à sept têtes sous la direction d’un autre maître du cinéma: Glauber Rocha, le fondateur de la nouvelle vague brésilienne. Après sa sortie du Conservatoire en 1978, il a décroché plusieurs petits rôles dans Le Professionnel (1981) de Georges Lautner, Banzaï (1983) de Claude Zidi, Black Mic-Mac (1986) de Thomas Gilou et Romuald et Juliette (1989) de Coline Serreau. 

"Pour moi, c’était un bonheur de travailler avec Belmondo", se souvient-il. "C’était lui qui faisait le casting et Monsieur Lautner était derrière les caméras. Et ces gens-là me disaient qu’ils voulaient me prendre pour un rôle!" À cette époque, le réalisateur qui a le plus compté pour Pascal NZonzi reste Marco Ferreri, le réalisateur de La Grande Bouffe avec qui le comédien tourne Y'a bon les Blancs (1988): "Lui m’a engagé quand il a regardé mon parcours au Conservatoire. Il a constaté que j’avais travaillé sur Arlequin. Je suis sorti de son appartement avec un sourire! Jamais personne ne m’avait proposé de jouer un rôle comique. Monsieur Ferreri avait tout compris. Il avait vu que derrière ma gueule [sévère] il y avait un Arlequin." En 1989, Pascal NZonzi accepte un second rôle dans Romuald et Juliette de Coline Serreau pour s’acquitter d’une dette envers le père de la réalisatrice, le metteur en scène de théâtre, Jean-Marie Serreau: 

"Quand je suis venu [en France] en 1972, j’ai travaillé avec lui. Il dirigeait le Théâtre de la Tempête, situé à la Cartoucherie de Vincennes. Ce n’était pas chauffé et il n’avait pas un sou. C’était un grand metteur en scène. Je me suis retrouvé en Avignon avec lui, mais je n’ai pas joué avec lui: je l’écoutais parler. J’ai beaucoup appris auprès de lui. Des années plus tard, quand Coline Serreau a réalisé Romuald et Juliette, j’ai joué le premier mari [du personnage joué par Firmine Richard]. Ce n’était pas grand-chose, mais il fallait être là. C’était la continuité."

"Vous nous avez réconciliés avec le cinéma français"

En 1995, il est aussi dans Les Trois Frères avec Les Inconnus. Encore une petite apparition qui lui permet de souffler entre deux rôles dramatiques au théâtre. "Ce sont des petits bouts de choses qui vont en donner de grandes", philosophe le comédien qui a ensuite travaillé avec Michel Serrault dans Les Enfants du pays, le film où Philippe de Chauveron, le réalisateur du Bon Dieu, l’a découvert. Sur le tournage du Bon Dieu, Pascal NZonzi rencontre pour la première fois Christian Clavier. L’alchimie se crée: "On s’est vraiment amusés, mais chacun en respectant son personnage. C’est pendant le tournage qu’il m’a dit qu’il voulait me confier un rôle dans Les Visiteurs." 

Avec les succès de Paulette (2013) et de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu (2014), la sortie des Visiteurs 3 (2016) est ternie par une polémique: si Pascal NZonzi est bien sur l’affiche du film de Jean-Marie Poiré, son nom n'apparaît pas. Trois ans après, Pascal NZonzi refuse toujours de commenter l’affaire: "Le silence est d’or", se contente-t-il de répondre. Il est en revanche intarissable sur l’incroyable succès du Bon Dieu hors de France. 

"On ne se rend pas compte de l’impact du film en Allemagne. Les Allemands nous disent que nous sommes en avance!” En France, il a aussi été touché par certaines réactions spontanées: "Beaucoup d’Africains me disent dans la rue: 'Monsieur Koffi, avec votre personnage, vous nous avez réconciliés avec le cinéma français. Ils nous ont donné un personnage qui nous ressemble.' L’acteur que je suis est comblé. On doit cela à Philippe de Chauveron. C’est un observateur très aigu. Il raconte des choses dont il peut témoigner: il a vécu au Sénégal et transmet ce que ses yeux ont vu et ce que son âme a capté. C’est quelqu’un qui veut s’amuser des 'blessures', mais aussi des joies du quotidien."

"J’ai eu l’opportunité de jouer devant Aimé Césaire"

Si Pascal NZonzi occupe des rôles de plus en plus importants au cinéma, c’est au théâtre qu’il s’est toujours senti le plus à l’aise: "C’est là où je me suis le plus lâché. J’avais les plus grands rôles. Je ne donnais pas la parole. C’était sur moi que reposait tel ou tel spectacle. Cette confiance que j’ai acquise au théâtre m’a permis de m’épanouir beaucoup plus au cinéma." Sur scène, il a notamment joué Cahier d'un retour au pays natal d’Aimé Césaire, son modèle: 

"J’ai eu l’opportunité de jouer devant lui en Martinique. Il était dans la salle pour les deux représentations que j’ai données. À la deuxième, il a demandé au metteur en scène s’il pouvait me saluer avant que je monte sur scène. Nous nous sommes rencontrés là. Il m’a dit: 'Vous permettez que je vous embrasse?’ C’est comme si mon grand-père me demandait s’il pouvait me donner à boire! C’est à moi de lui donner à boire! J’ai été tellement ému, comme un gamin au pied d’un colosse. Il m’a dit: ‘Excusez-moi, j’ai écrit ça quand j’avais 20 ans.' Vous vous rendez compte? À l’époque où je jouais ça j’avais déjà quarante ans. Il y avait encore des choses que je ne comprenais pas et lui à 20 ans il en était déjà porteur! Pour moi, c’est un devin: il capte les éléments et ces éléments m’ont traversé, habitent mon être. Quand j’ai un doute, je parcours Aimé Césaire."

Les œuvres de ce géant de la littérature le guident chaque jour, comme celles d’Arthur Rimbaud l’ont poussé, adolescent, à poursuivre cette voie dans laquelle il excelle depuis désormais plus de quarante ans. 

Jérôme Lachasse