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Minuscule: comment un film d'animation sur des insectes est devenu un succès mondial

Minuscule 2

Minuscule 2 - Copyright Futurikon Films

Retour sur le succès de la série et des films Minuscule imaginés par Hélène Giraud et Thomas Szabo.

Hélène Giraud et Thomas Szabo ont créé, il y a maintenant quinze ans, Minuscule, série muette qui mêle prises de vue réelles et animations 3D pour raconter la vie secrète des insectes.

Plébiscité lors de la diffusion à la télévision, la série a été adaptée avec succès au cinéma. Sorti en 2014, La Vallée des fourmis perdues a réuni 1,5 million de spectateurs en France, avant de séduire le reste du monde et de récolter en 2015 le César du meilleur film d’animation.

Rencontre avec la co-réalisatrice Hélène Giraud, à l’occasion de la sortie en vidéo de Minuscule 2 - et d’une masterclass autour des secrets de fabrication de la série organisée le 2 juin avec les créateurs au mk2 Bibliothèque à Paris.

Minuscule
Minuscule © Copyright Futurikon Films

D’où vient cette envie de raconter la vie secrète des insectes?

Ça a démarré vers 2003-2004. Au départ, c’était un petit court-métrage [Mouches à merde, NDLR] qui avait été fait dans l’idée de travailler dans la publicité - un peu comme Dédé le cochon de Pierre Coffin [la mascotte des pubs de la Française des Jeux, NDLR]. C’était déjà une course poursuite avec des insectes. Quand le producteur Philippe Delarue nous a proposé d’en faire une série, l’idée nous a plu: on adore observer la nature depuis qu’on est gamin avec Thomas. On s’est souvenus des histoires que l’on s’imaginait quand, gamin, on observait des fourmis et on a transposé cet imaginaire avec notre culture et notre expérience d’adultes dans ces petits courts-métrages de la série TV.

Pourquoi avoir choisi de mélanger prises de vue réelles et animation 3D?

L’inspiration première a été de faire un Microcosmos décalé [célèbre documentaire animalier sorti en 1996, NDLR]. On voulait donner l’illusion d’un documentaire en filmant en prises de vue réelles tout en montrant la vie cachée des insectes, les petites choses que l’on ne voit pas. En 2003-2004, l’image de synthèse devenait suffisamment perfectionnée pour faire ce mélange - ce qui n’a pas toujours été le cas avant. L’idée était de mélanger les techniques pour jouer avec le public, de créer une sorte d’illusion. On voit l’image, une coccinelle vole, on pense qu’elle est normale puis la caméra se rapproche et on se rend compte qu’il y a un truc bizarre, qu’elle a de gros yeux, des pupilles: et on raconte l’histoire. C’est ce qui a dû faire le succès de la série et nous a permis ensuite de faire le long-métrage.

Cette technique est-elle complexe à réaliser?

Je ne dirai pas que c’est plus compliqué, mais qu’il y a d’autres complications: on a beaucoup de techniques différentes et il faut que tout cela s’harmonise. Lorsque l’on filme avec des équipes de tournage en prises de vue réelles, on filme du vide: on doit tout imaginer à l’avance. Ensuite, on a de l’image de synthèse et des maquettes en studio. On se retrouve avec trois styles visuels différents et il faut que tout s’harmonise et fasse tilt. Ce n’est pas plus simple, mais ce sont d’autres défis.
Il n’y a pas de dialogues: comment avez-vous inventé le langage des insectes?

On travaille depuis le début avec un gars qui s’appelle Côme Jalibert. Il s’occupe du mix et de la création de son. Avec lui, on a développé tout un vocabulaire sonore. Il y a plusieurs techniques: la coccinelle, c’est moi qui la fait avec la bouche. Je l’avais fait dans la série. Ça devait être juste en attendant d’enregistrer des comédiens, des professionnels. On a finalement décidé de garder ce qu’on avait fait. Il nous a aussi accompagnés en Guadeloupe pendant le tournage de Minuscule 2 pour enregistrer le maximum de sons de la jungle, de la mer, de vents. Pour les autres sons, on fait des mélanges: pour la mante religieuse de Minuscule 2, par exemple, il y a des bruits de dauphins et des craquements de bois. La dernière technique est le "foley" [bruitage, NDLR]: on a une équipe de deux-trois gars qui a énormément d’objets et d’instruments avec eux et qui créent ainsi des sons que l’on va ensuite intégrer dans les images. Par exemple, pour les besoins d’une scène, ils ont coupé un poireau en deux en le cassant ou pour une autre ils ont cogné entre eux des morceaux de ferraille. C’est un travail assez long: pour le bruitage de Minuscule 2, il y a eu trois mois de travail.

Comment expliquez-vous le succès de Minuscule?

Les insectes sont universels. L’absence de dialogues a beaucoup joué aussi: on n’avait pas besoin de doubler nos bruitages. J’imagine que ça a beaucoup aidé à vendre à l’international la série - qui a d’ailleurs beaucoup fonctionné sur YouTube. Le deuxième film est en train de sortir un petit peu partout. Le premier avait bien marché en Chine. Le deux devrait y sortir cet été. Minuscule est assez populaire en Corée du Sud. En Pologne aussi. En Suisse, ils adorent. Même au Brésil ça plaît beaucoup. On n’a pas pu aller à l’avant-première en Guadeloupe. On imagine qu’ils ont dû bien rigoler de voir tous les endroits qu’ils connaissent: on a créé une île spécialement pour le film en tournant un petit peu partout à Marie-Galante et aux îles des Saintes… On a écrit une suite qui pourrait se passer en Chine. On fait pour l’instant une pause et on réfléchit à d’autres projets qui ne seront pas forcément en animation.

Jérôme Lachasse