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Midsommar: ce qu’il faut savoir sur le film le plus terrifiant de l’été

Midsommar

Midsommar - A24

Nouveau maître de l’horreur, Ari Aster revient après Hérédité avec un nouveau cauchemar, Midsommar. Rencontre avec le réalisateur, qui décrypte les secrets du film le plus terrifiant de l’été.

Oubliez Toy Story 4, le nouveau Quentin Tarantino ou encore Le Roi Lion. Le film plus attendu - et le plus commenté - de l’été est Midsommar. En salles ce mercredi 31 juillet, le deuxième long-métrage d’Ari Aster est la confirmation du talent du cinéaste de 32 ans. Depuis le succès de son premier court-métrage, The Strange Thing About the Johnsons (2011), qui évoque le tabou de l'inceste, ce nouveau maître de l’horreur ne cesse de secouer les certitudes des spectateurs.

Dans son premier long-métrage, Hérédité (2018), tourné dans l’obscurité la plus absolue, le réalisateur racontait la destruction progressive d’une paisible famille par d’étranges phénomènes. Avec Midsommar, Ari Aster prend le contrepied. Tourné sous un soleil brûlant, le film est à la fois un conte de fées morbide, un film de rupture amoureuse, un opéra et un film d’horreur païen. Après la mort de ses parents et de sa sœur, Dani décide de suivre son compagnon, Christian, et ses amis en voyage en Suède pour y découvrir sur les conseils de l’un d’eux Harga, une communauté traditionnelle qui se livre tous les 90 ans à un étrange festival païen.

Les personnages, comme les spectateurs, semblent prisonniers du piège imaginé par Ari Aster. Impossible de détourner les yeux de l’écran ni même d’échapper à ce qui va produire. Bien que Ari Aster dise suivre son instinct lors de l’écriture, rien n’a été laissé au hasard dans Midsommar - à tel point que les fans, depuis début juillet, débattent avec intensité sur le sens du film et les détails qui y ont été dissimulés. Rencontré par BFMTV, Ari Aster tente d’apporter quelques réponses et de décrypter le film le plus terrifiant de l’été.

Un conte de fées morbide

Hérédité commence avec l’image d’une maison de poupée, symbole que la famille dont on va suivre l’histoire est d’emblée condamnée. Comme si son destin était contrôlé par une force maléfique obscure. Dans Midsommar, Ari Aster utilise le même procédé. Le film s’ouvre sur l’image d’une tapisserie réalisée par l’artiste Mu Pan qui annonce les atrocités à venir.

"La plupart des films ne commenceraient pas cette manière-là", explique Ari Aster. "Hérédité parle du manque de pouvoir et de libre-arbitre et aussi du fait d’être hanté par une malédiction à laquelle on ne peut pas échapper. Midsommar est un conte de fées qui se dirige vers une conclusion prédestinée. Ainsi, ces deux films travaillent autour de la notion de crainte, d’effroi et d’inéluctabilité. En raison de ces thématiques, ces ouvertures me semblaient les plus appropriées. Aussi, je voulais commencer Midsommar avec une tapisserie pour avoir un effet d’ouverture, car je voulais que le spectateur comprenne dès le début que c’est un conte de fées." 

Ce sens de l’inéluctabilité - qui pousse le spectateur à faire attention à l’intrigue - explique aussi l’omniprésence dans Midsommar de plans vus du ciel ("God's eye view" en anglais). "J’aime beaucoup ce genre de plans", confirme Ari Aster. "Certains de mes choix esthétiques sont liés aux thématiques du film. Mais dans beaucoup de cas, ils sont liés à mon instinct. Même si l’histoire suit Dani, il y a une certaine distance [dans le film] qui appartient à une forme d’intelligence omnisciente. On pourrait la qualifier de cruelle, car elle regarde les événements de Midsommar d’une manière détachée." Cette distance a ainsi pu faire dire aux fans que le démon Paimon, figure marquante de Hérédité, chapeautait les événements atroces de Midsommar. Une théorie démentie par le réalisateur.

Midsommar
Midsommar © A24

Une lumière plus agressive qu’une lame de rasoir

Ari Aster a tourné sous un soleil de plomb dans la région de Budapest en Hongrie. Pour les besoins du film, lui et son équipe ne pouvaient filmer que trois scènes par jour, entre cinq et six heures. "Nous attendions d’avoir des ciels bien dégagés", se souvient-il. Nous ne pouvions pas tourner si le ciel était nuageux - à moins que cela ne soit approprié pour la scène. Sinon nous devions attendre." Ari Aster devait relever un autre défi important avec ce tournage caniculaire: créer de l’effroi dans des scènes diurnes: 

"Le film ne cherche pas à faire sursauter d’effroi les gens dans leur fauteuil, ni à cacher des éléments dans l’obscurité pour les effrayer", commente le réalisateur. "L'idée était de créer la sensation que l’étau se resserre dans un monde totalement ouvert où tout est visible et tout le monde sourit et où il n’y a aucun endroit où se cacher. Je voulais créer une certaine désorientation - d’ailleurs on ne sait jamais quelle heure il est [dans le film]. Cet endroit existe hors du temps. L’idée était aussi de jouer avec les attentes du public. Si vous connaissez un peu le genre du 'folk horror' vous savez que ça ne va pas bien se passer pour ces gens. Il y a donc un plaisir à tenter de faire abstraction de cette donnée aussi longtemps que l’on peut tout en la traitant comme une évidence, comme quelque chose qui finira par arriver quoi qu’il arrive."

Un film qui conservera longtemps ses secrets

Conte de fées et histoire de rupture amoureuse pour Ari Aster, film d’horreur pour les autres, Midsommar a tant de niveaux de lecture qu’il est difficile de le cantonner à un genre. Certains spectateurs ont ainsi vu dans cette communauté suédoise blanche repliée sur elle-même une allégorie de la montée de l’extrême-droite en Europe, ainsi qu’un commentaire sur la récente victoire des Démocrates de Suède, un parti politique suédois nationaliste et anti-immigration. Une analyse pas complètement erronée quand on sait que pour Ari Aster l’horreur est souvent un moyen d‘évoquer par des biais détournés des sujets difficiles. Le réalisateur aime ce jeu: 

"Je prends beaucoup de plaisir à enfouir dans le film, dans chaque scène, plusieurs niveaux de lecture et des secrets. Je pense que cela encourage un engagement plus actif du public", explique-t-il. "L’astuce est de rendre certains détails moins explicites, de ne pas être trop explicite sur certains sujets. Une partie du plaisir, surtout dans Midsommar, est de saturer ce monde de détails prophétiques. C’est un film sur des gens qui pénètrent dans un monde. Ils vont avoir des questions en le découvrant [les personnages sont des étudiants en anthropologie, NDLR] - et les réponses à leurs questions seront ce qu’ils vont voir pendant ces quelques jours en Suède. Beaucoup restent donc sans réponse."

Cette mythologie et ce monde foisonnant de détails, créés de toute pièce par Ari Aster, rend fous les fans du film depuis sa sortie le 3 juillet aux Etats-Unis. L'un des éléments les plus débattus de Midsommar reste la manière dont les personnages et les habitants de Harga respirent. Pour beaucoup d'amateurs du film, il s’agit d’un indice qui relierait la mort des parents de Dani aux rites pratiqués par le village suédois. La symbolique de l’ours, présente dès le début, cacherait aussi de lourds secrets… Tout comme le personnage de Pelle, figure faussement bienveillante qui entraîne Dani, Christian et leurs amis dans ce cauchemar suédois.

Les peintures murales des artistes Ragnar Persson et Nille Svensson, truffées de détails morbides et scabreux, livrent également des clefs de lecture sur l'intrigue et le monde de Harga créé par Ari Aster.

La présence, incongrue, d’une blague sur la comédie Austin Powers a aussi fait couler beaucoup d’encre. Pour Ari Aster, il s’agit juste d’une blague: "Je suis content que les gens essayent de trouver des sens cachés dans cette plaisanterie, mais honnêtement il n’y a rien derrière, j’ai juste trouvé ça drôle." Cela n'empêche cependant pas certains internautes de relever sur Reddit des correspondances entre les deux œuvres.

Pendant des années, Ari Aster s’est imprégné de culture et d’histoire suédoises. Certains fans ont cru repérer des références à des sectes comme l’Église de l'Unification ou Heaven’s Gate. Là aussi, pure coïncidence, assure le réalisateur: 

"Il y a effectivement des détails tout au long du film que vous pouvez attribuer à de véritables cultes, mais j’ai plus regardé des mouvements spirituels qui n’ont pas de connotations négatives, qui ne sont pas considérés comme des échecs. Je cherchais des mouvements spirituels qui sont encore suivis, parce que je voulais trouver ce qui pourrait rendre attirant cet endroit - et non ce qui le rendait inquiétant ou maléfique. Pour moi, il était plus intéressant de trouver de la beauté dans cet endroit." 

Ce qui explique pourquoi Ari Aster a imaginé dans Midsommar certaines des morts les plus esthétiques, les plus apaisantes et les plus mémorables de l’histoire du cinéma.

Jérôme Lachasse