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Michel Hazanavicius revient avec Le "Prince oublié": "La vie est un peu plus merveilleuse avec Omar Sy"

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Le réalisateur oscarisé pour The Artist sort ce mercredi 12 février Le Prince oublié, un conte pour enfants porté par Omar Sy, Bérénice Béjo et François Damiens.

Jamais là où on l’attend, Michel Hazanavicius sort ce mercredi 12 février Le Prince oublié, un conte pour enfants porté par Omar Sy, Bérénice Béjo et François Damiens.

La star d’Intouchables joue un père célibataire qui raconte à sa fille des histoires extraordinaires qui prennent vie dans un monde imaginaire où elle est la princesse et lui le prince. Lorsque la fillette entre au collège, elle n’a plus besoin de son père et celui-ci disparaît de ces histoires...

Le réalisateur oscarisé pour The Artist raconte à BFMTV les coulisses de ce film où il explore une fois de plus une thématique qui le taraude: que faire après le succès?

Le Prince oublié est une commande. Qu’est-ce qui vous a séduit? La possibilité de faire un conte pour enfants et d’explorer une relation père-fille?

Ce qui m’a plu, c’est la promesse du scénario que j’ai reçu: un film familial, pour les enfants, sans cynisme et très positif avec la possibilité d’être merveilleux. La relation père-fille, comme j’ai quatre enfants, dont trois filles, m’a touché. Je trouvais que c’était un thème que le cinéma français ne s’autorisait pas tellement - et dans ce genre-là précisément. Je trouvais que le procédé de narration était aussi intéressant: raconter des choses très personnelles de manière épique et spectaculaire. L’ampleur du film était très excitante. Raconter des histoires est aussi un thème qui me touche beaucoup. En y réfléchissant, c’est un thème qui est dans plusieurs de mes films.

Le monde des histoires ressemble un peu à l’image que l’on se fait des studios hollywoodiens dans les années 1950.

Il y a un parallèle avec les studios américains ou avec le monde du cinéma en général, avec ce qu’il peut avoir de cruel parfois. C’est assez marrant: chacun y voit les références qu’il a envie de voir. Je n’ai pas vraiment travaillé avec des références très précises en tête. J’ai essayé de créer un monde. Dans l’histoire, ce monde est un peu une projection mentale du personnage interprété par Omar. J’ai essayé que ce monde-là vienne de sa tête.

Vous avez eu Omar Sy en tête dès le début? 

Son nom est arrivé très rapidement dans les discussions avec les producteurs. C’est un prince dans la vraie vie. Il a cette prestance, la silhouette d’un prince ou d’un super-héros. Il a aussi une bonté d’âme qui est visible à l’écran quand vous le filmez. Il y a une espèce d’empathie que l’on a pour lui instantanément. Il permet au film d’avoir une coloration de conte. Même la vie réelle est un peu plus merveilleuse avec lui.

Il fait des choses assez burlesques dans le film. Au début, il tente d’imiter les bruits d’une voiture avec sa bouche…

Il n’arrivait pas faire ces bruits de bouche. Pour le coup, le son, c’est moi qui l'ai fait. Mais peu importe, c’est anecdotique. Omar a une grande humilité. Il n’a pas peur de sortir de sa zone de confort. Il fait extrêmement confiance. Il y va sans jugement. On a beaucoup travaillé sur le timing. Je suis très content de sa prestation dans le film.

Comment avez-vous créé le monde imaginaire du Prince oublié

J’ai eu des graphistes extrêmement motivés, très créatifs. Beaucoup de personnages complètement fous m’ont été présentés. Ils ont compris l’esprit et le budget qu’on avait: on ne pouvait pas mettre des millions d’euros dans des figurants et pourtant ces figurants racontent la fantaisie de ce monde-là. Les graphistes ont été extrêmement malins. On a travaillé avec deux boîtes: Mikros et Digital District. Ils ont été très bons aussi parce que c’est un genre de film qui n’est pas commun en France.

L'un de ces figurants est un personnage en forme de sac plastique dans lequel nage un poisson…

C’est l’idée d’un petit génie, un graphiste qui a travaillé avec nous et nous en a fait plusieurs. Pour pas très cher, il fait ce genre de personnage-là. Ce sont des personnages qui ne peuvent pas tout faire. On n’est pas dans de l’animation classique. Il a des mouvements limités, mais ça apporte énormément à l’univers du film de manière assez maligne - je parle en terme de budget et de production. Si on n’avait pas ce genre de personnage, ce ne serait pas le même film.

C’est un gros budget? 

Un peu plus de 20 millions d’euros.

D’où vient le "check tartare" que fait le personnage d’Omar à sa fille?

J’ai dit ça un jour à ma deuxième fille et ça l’a fait rigoler. C’était notre "check" à nous. Je l’ai mis dans le film. Il y a beaucoup de détails autobiographiques dans le film

Omar Sy en a mis aussi? 

Pas d’une manière aussi concrète, je crois. Le film est très écrit. Je pense qu’il a mis des choses plus intimes, qui ne se voient pas nécessairement. Quand mon fils a vu le film, il m’a dit: "Alors [le "check tartare] ne nous appartient plus?" Il était un peu troublé par ça. Je lui ai dit que ce n’était pas grave, que c’était bien de partager. On a fait une projection dans une ville de province et les gens sont sortis en disant "check tartare, check tartare!". C’était marrant. J’ai envoyé la vidéo à ma fille. 

Vous racontez souvent l’histoire d’artistes qui ont peur de disparaître. C’est une nouvelle fois le cas dans Le Prince oublié. C’est un thème qui vous travaille?

Apparemment. Je suis très décontracté sur la notion d’auteur. Je n’ai pas de volonté de creuser une obsession: soit je suis touché par les personnages dépassés par leur temps, soit c’est un truc plus profond qui me fait peur dans ma vraie vie… Je ne peux pas vraiment l’expliquer.

Il y a cette idée, qui était déjà dans The Artist et Le Redoutable: que faire après le succès?

J’ai du succès pour l’instant et aussi des films qui n’ont pas marché. Peut-être, ouais… Ce n’est pas une obsession. Ce n’est pas réfléchi. Mais c’est vrai que quand Bérénice [Béjo, sa femme et actrice principale de la majorité ses films depuis OSS 117, NDLR] a vu un des premiers montages [du Prince oublié], elle m’a dit que c’était un peu un remake de The Artist. C’est vrai que le film suit un personnage qui travaille dans une industrie où on raconte des histoires. Il est au top, il s’écroule et c’est une femme qui va lui sauver la mise…

Vous préparez une adaptation animée du conte de Jean-Claude Grumberg La plus précieuse des marchandises. Vous vous chargez de la création de l’univers graphique…

Je travaille sur la création des personnages principaux. On verra jusqu’à quel degré de figuration je vais aller. J’ai donné beaucoup de références à la peinture russe du XIXe siècle pour donner une ambiance générale. Pour tout ce qui décors et lumières, ce sont d’autres personnes qui s’en occupent. On avance pas à pas. L’adaptation est faite. J’ai besoin de faire le story-board, de travailler avec les comédiens. Puis il y a le long travail de fabrication [de l’animation]. C’est un super beau projet.
Jérôme Lachasse