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Cinéma

Michel Denisot: "Avec Toute ressemblance, j'ai voulu raconter ce qu'on ne voit jamais à la télé"

Toute ressemblance... de Michel Denisot

Toute ressemblance... de Michel Denisot - UGC Distribution

L’ancien animateur télé se lance dans le cinéma. Il raconte avec passion cette première expérience.

Il est plus âgé que la télévision et en connaît chaque rouage. Michel Denisot, 74 ans, se lance dans le cinéma avec Toute ressemblance, une comédie sur les coulisses du journal de 20 heures. Portée par Franck Dubosc, cette première réalisation de l’ancien présentateur du Grand Journal de Canal + raconte la lutte et les coups bas du présentateur vedette du 20 heures, Cédric Saint Guérande, alias CSG, pour maintenir sa position. Une satire qui s’inspire fortement de la réalité, et dont Michel Denisot nous révèle les coulisses. 

Comment est né ce film? De tout ce que vous avez pu observer à la télévision depuis 30-40 ans?

50 ans, vous pouvez dire! Oui et non. Le film est né d’un dîner à Cannes chez UGC il y a quatre ans. Un dîner où je ne voulais pas aller et où j’ai fini par aller. Pendant ce dîner, j’ai raconté des anecdotes de télé, puis, à la fin de la soirée, la patronne d’UGC, Brigitte Maccioni, m’a dit qu’il fallait en faire un film. J’ai dit oui comme on dit oui à deux heures du matin à un peu n’importe quoi et puis le lendemain ils m’ont rappelé pour me dire qu’ils ne plaisantaient pas. Je ne savais pas quoi faire. Je ne voulais pas faire de film à sketches. Je ne voulais pas non plus raconter ma vie, qui n’a rien à voir avec ce que je leur avais raconté. 

Qu’avez-vous fait?

J’ai mis ça de côté puis pendant l’été j’ai eu l’idée de faire un film sur le personnage le plus puissant de la télévision: le présentateur du 20 heures. Il fallait raconter une trajectoire pour montrer aux gens ce qu'on ne voit jamais à la télévision. En même temps, ce n’est pas un documentaire, c’est un film. Je ne prétends pas raconter l’histoire, mais une histoire. J’ai développé le scénario avec Karine Angeli, qui a été validé après un an et demi de travail. Puis on l’a fait.

A quel point ce que vous racontez est-il vrai? 

Tout est vrai. J’ai placé au début du film cette phrase de Boris Vian: "Cette histoire est vraie puisque je l'ai inventée". Ça résume assez bien la façon dont j’ai travaillé: j’ai pris uniquement des choses vraies que j’ai malaxées et mixées. CSG n’est pas un présentateur du 20 heures en particulier: c’est un ensemble qui est réuni en une seule personne. Le patron de chaîne aussi. 

Et le ministre de la culture drogué? 

C’est un mélange aussi (rires).

De qui? 

Ce n’est pas Audrey Azoulay. (rires)

Franck Dubosc en présentateur, c’était une évidence? 

Comme tout était improbable pour moi, je n’ai pas écrit pour quelqu’un au départ. J’avais un doute que j’aille au bout. Je connaissais Franck comme invité d’émission. Je l’ai rencontré lorsqu’il venait de terminer Tout le monde debout. Je l’avais trouvé très réussi et Franck très bien dans un registre différent de ce qu’il fait d’ordinaire. Je lui ai envoyé le scénario et le lendemain il a dit oui. Ce n’était pas compliqué. Tous les gens qui sont dans le film ont dit oui tout de suite.

Dubosc a un côté à la fois sérieux et ridicule, parfait pour les personnages de pouvoir. 

Je n’ai pas d’arrière-pensée de ce genre dans le film. Je décris un monde où les vedettes de TV doivent être sympathiques à l’égard du public et un univers très cynique aussi. J’aurai pu écrire la même histoire si j’avais travaillé dans un autre monde. En politique, il y a les mêmes trajectoires, qui démarrent avec une trahison pour accéder au pouvoir. Dans le monde des affaires aussi. Il y a mille exemples. Pour durer, il y a des écarts, des sorties de route, des choses plus ou moins bien. Il y a un talent et une capacité que tout le monde n’a pas, sinon tout le monde y arriverait.
Michel Denisot sur le tournage de Toute ressemblance
Michel Denisot sur le tournage de Toute ressemblance © Copyright 2018 – Les films du 24 – Tribus P. Films - Shanna Besson

C’est un film très court, qui fait moins d’une heure et demie. Pourquoi? 

J’aurais pu le faire plus long, évidemment, mais j’ai resserré parce que je n’aime pas les longueurs. J’ai eu cette exigence que chaque image, chaque mot ait un sens, apporte quelque chose. Après je sais que mon film a des défauts. 

Il y a des scènes coupées? Il y a notamment cette brève scène où CSG est intimidé en recevant par la poste des cercueils de papier, ce qui n’est plus mentionné ensuite.

Non, non. Je n’ai coupé aucune scène. J’en ai raccourci et c’est tout. 

Et les cercueils, ça vient d’où? C’est vrai? 

Oh oui. C’est fréquent dans beaucoup d’univers. 

Vous en avez reçu?

J’en ai reçu, mais pas pour le journalisme. Pour le foot, oui. Quand j’étais président du PSG.
Franck Dubosc dans Toute ressemblance
Franck Dubosc dans Toute ressemblance © Copyright 2018 – Les films du 24 – Tribus P. Films - Shanna Besson

Il y a une belle scène avec Alain Delon. Une interview muette où on le voit faire du mime…

On ne l’a jamais vu faire ça. C’est vraiment un cadeau qu’il m’a fait. J’ai ajouté cette scène alors que l’on venait de commencer le film. Je l’appelle de temps en temps, on se parle. Pas forcément pour faire des émissions. Je l’appelle donc et il me parle du film. Je ne voulais pas lui en parler, avec sa carrière, c’était mon premier film… Puis j’entends un petit silence derrière. Je bredouille un peu et il me dit: "T’as qu’à m’écrire une page et si ça me plaît je le ferai." Et donc j’ai écrit une page, ça lui a plu et il est venu. 

Il était comment sur le tournage? 

Adorable. Il était très attentionné. Et heureux. Heureux, comme s’il retrouvait son monde. Ça faisait une dizaine d’années qu’il n’avait pas été sur un plateau de cinéma. Il se trouve que c’était le dernier jour de tournage. Il était avec Denis Podalydès, Franck [Dubosc], Jérôme [Commandeur] et tout le monde. Il refaisait les prises. Il demandait à les refaire. Je ne voulais pas avoir d’exigence par rapport à lui. Il a été vraiment très bien. Il m’a envoyé des messages le soir. Il m’a dit qu’il avait passé une journée qui lui avait fait beaucoup de bien. 

Il a vu le film? 

Pas encore. 

Il y a beaucoup d’apparitions furtives de stars dans le film...

Tous les gens qui sont dans le film sont des gens avec qui j’ai des relations amicales. C’est l’histoire d’une star du 20 heures. La star du 20 heures connaît tout le monde. Tous les gens connus se cooptent. Ça fait partie du cinéma, du jeu, de la vie! Ses amis sont les gens qui sont en vue aujourd’hui. Donc j’ai appelé quelques-uns de ceux qui sont sur mon téléphone. Ils sont tous venus amicalement. 

Certains, comme JoeyStarr et Béatrice Dalle, ne sont que des silhouettes.

C’est encore plus élégant, je trouve. 

L’image du film est soignée. Comment avez-vous procédé?

Je tenais à ce qu’elle soit très travaillée. Quand j’ai rencontré Gilles Porte, le chef opérateur, je lui ai montré un tableau d’Edward Hopper, Office in a Small City. Ça a été notre référence. J’ai pris celui-là parce que c’est un homme seul. C’est un peu l’histoire [de Toute ressemblance]. C’est l’histoire d’une solitude, comme souvent avec les gens célèbres. Ce sont des gens qui ont envie d’être aimés de tout le monde et qui ne pensent qu’à eux.
Office in the Small City d'Edward Hopper
Office in the Small City d'Edward Hopper © Metropolitan Museum of Art

Vous êtes seul?

Dans ma vie?! Mais ce n’est pas ma vie! (rires). J’ai ma famille. Ma vie personnelle n’a rien à voir avec celle de CSG. 

Ce que vous racontez est vrai, mais forcement atténué. Vous avez dû voir pire que ce que vous montrez…

Je ne cherche pas à montrer le pire, mais à montrer un peu le climat de ce que sont la célébrité, le pouvoir dans ce monde-là, le prix que ça coûte. La vie personnelle de CSG est un peu ratée.

Il paraît que vous préparez déjà le film d’après, sur une femme présidente.

Non. Voyons d’abord ce que donne ce film. C’était une idée que j’ai eue il y a plusieurs mois, mais maintenant ce n’est plus ça. Si j’en refais un autre, ce ne sera pas ça. 

Vous avez plein de projets?

J’essaye de ne pas m’ennuyer. Parfois les projets durent 24 heures dans ma tête. Je vous souhaite la même chose. C’est très agréable. 

Vous vous présentez comment à présent? Comme réalisateur?

Il paraît. Je suis scénariste, réalisateur, président de club de foot, exploitant forestier. 

Quelle casquette préférez-vous?

Réalisateur. Si j’avais fait ça il y a 20 ans, j’aurais essayé de ne faire que ça. C’est au-dessus de tout. 
Jérôme Lachasse