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Michel Blanc: "Avoir un fou rire à poil est une des choses les plus humiliantes que j’aie vues"

Michel Blanc dans Un petit boulot (2016).

Michel Blanc dans Un petit boulot (2016). - Copyright Nicolas Schul / 2015 Gaumont - Scope Pictures

Michel Blanc, acteur et auteur de comédies cultes comme Les Bronzés et Marche à l’ombre, raconte son parcours et ses rencontres avec Gérard Lanvin, Serge Gainsbourg et Jean-Pierre Mocky.

Éternel Jean-Claude Dusse, Michel Blanc a participé à la création de plusieurs comédies cultes du cinéma français, des Bronzés à Marche à l’ombre, en passant par Tenue de soirée, Viens chez moi j’habite chez une copine et Grosse fatigue.

Invité d’honneur du festival CineComedies à Lille, l’ancien du Splendid revient pour BFMTV.com sur sa carrière. Il se souvient du tournage des Bronzés, de sa rencontre avec Gérard Lanvin et de ses tournages fantasques avec Serge Gainsbourg et Jean-Pierre Mocky. Il se confie aussi sur la déception des Bronzés 3 et son amour des Tuche

Y a-t-il une question qu’on ne vous a jamais posée sur Les Bronzés?

Tout a été dit et redit en 40 ans… Pourquoi cette histoire, pourquoi le Club Med - ou l’équivalent, parce qu’on n’avait pas le droit de le dire… Le club était d’ailleurs très hostile à l’époque. On a tous perdu énormément de kilos, parce que même en faisant très attention à ce qu’on buvait dans cet endroit qui était un ancien Club Méditerranée [situé en Côte d'Ivoire, à Assinie, NDLR] on n’était pas à l’abri d’une saleté dans l’eau. Il y a une actrice dont je ne citerai pas le nom qu’on attendait de voir sortir des toilettes pour pouvoir dire moteur. 

Vous avez dit à France Info que Les Tuche étaient "les descendants en ligne droite des Bronzés"…

J’adore Les Tuche. Jean-Paul [Rouve] en fait un quatrième et je m’en réjouis. Je trouve qu’il y a un air de famille entre notre approche de la société, notre façon de se foutre des gros cons et parfois des institutions, et leur manière à eux de pas être au ras du réalisme. J’aime bien les personnages au bord de la folie, de la crise de nerfs et dans Les Tuche ils sont tous très allumés et c’est formidable. S’ils me proposent un rôle, une apparition, je le ferai. 

Vous vous souvenez de votre premier cachet de cinéma?

C’était une apparition dans Les Filles de Malemort de Daniel Daert, un réalisateur qui faisait des films pas vraiment pornos, mais un peu salaces. J’apparaissais en vampire maquillé en blanc dans un œil de bœuf. Je regardais et je repartais. C’était tout. Mon premier vrai cachet dans un vrai film, c’était une demi-journée de tournage dans Que la fête commence de Tavernier. J’avais un vrai rôle, du texte. 
Michel Blanc dans Je t'aime moi non plus de Serge Gainsbourg.
Michel Blanc dans Je t'aime moi non plus de Serge Gainsbourg. © Wild Side

C’était comment Je t’aime moi non plus de Gainsbourg?

J’ai eu la chance d’être dans le même hôtel que Serge, Joe Dallesandro et Jane [Birkin]. J’ai connu Charlotte [Gainsbourg] quand elle faisait 30 centimètres. J’étais un petit comédien qui débutait et on a sympathisé avec Jane. On dînait souvent ensemble. Le souvenir que j’en ai, c’est le côté bordélique. Joe Dallesandro se levait la nuit pour forcer la grille du bar et picoler.

En 1977, vous jouez dans Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine de Coluche. Vous l’avez connu au Café de la Gare?

Non. Je l’ai connu quand il avait son café théâtre passage d’Odessa, à la place du premier Café de la Gare de Romain Bouteille. C’est là qu'on a trouvé une espèce de remise où on a fait notre premier Splendid. Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine ressemblait à Coluche: c’était un peu n’importe quoi, avec des acteurs un peu laissés en liberté, dont lui. C’est loin d’être un grand film. Coluche n’était pas fait pour être metteur en scène. Il s’en foutait. La technique ne l’intéressait pas. Il y avait des gens formidables dans ce film, comme Gérard Lanvin.

Vous vous souvenez de la rencontre avec Lanvin?

C’était à l’époque où on construisait notre deuxième café théâtre, celui de la rue des Lombards, où on a créé Les Bronzés. Les travaux ont duré neuf mois, avec Marie-Anne Chazel qui faisait du marteau-piqueur au sous-sol! Il y avait un côté kolkhoze, post-soixante-huitard où tout le monde travaillait. C’était extrêmement paritaire. Pendant ce temps, Martin Lamotte, avec des amis à lui, dont Anémone, construisait un autre café théâtre rue de Sainte-Croix-de-la Bretonnerie. Martin avait un pote vendeur aux Puces qui s’appelait Gérard Lanvin, mais qui ne voulait pas du tout faire du théâtre. Il était venu lui filer un coup de main pour la maçonnerie. Martin avait écrit une pièce et un de ses acteurs lui avait claqué entre les doigts. Il a demandé à Gérard, qui n’avait jamais joué. Je suis allé le soir de la première. En le voyant, je me suis dit: "Putain, le talent qu’il a. Celui-là, il va aller loin." C’est assez extraordinaire la manière dont ça s’est passé. 

Avec Lanvin, vous avez fait Marche à l’ombre, une comédie où vous abordez des sujets graves comme la précarité…

Ma constatation était que les grandes comédies de cette époque se déroulaient sans cesse dans le XVIe arrondissement ou dans des quartiers bourgeois. Les mecs jouaient au tennis, trompaient leur femme et les femmes faisaient du café. Je me disais que l’on pouvait aussi faire rire avec des gens dans la précarité, qui vivent dans des squats, avec des traîne-savates comme on était Gérard et moi...

Comment est née la célèbre réplique de Marche à l’ombre sur les dents qui poussent? 

C’est né d’une mésaventure d’un camarade à Josiane [Balasko] et à moi. Il habitait au dessus de chez Josie. Un soir, il est allé à une fête où il a mangé du gâteau. Personne ne lui avait dit que c’était un gâteau au hasch… Il a fait un mauvais trip. Il est descendu frapper dans un état épouvantable chez Josiane en disant qu’il allait crever. Il s’en est remis. Ça m’a fait tellement rire que je me suis promis de le mettre dans un film. Après, j’ai inventé que le mec voit des renards et que ses dents poussent…

Quels souvenirs avez-vous du tournage d’Une nuit à l’Assemblée nationale de Jean-Pierre Mocky? 

Un souvenir magnifique, d'abord, parce que c'était la deuxième fois que je rencontrais Jean Poiret [après La Gueule de l’autre de Pierre Tchernia, NDLR]. On était alors devenu vraiment amis. Et un souvenir mitigé, ensuite, parce qu'un soir, on a fait grève. Jean-Pierre Mocky, paix à son âme, était quand même un "voyou" - je dis ça avec tendresse. Faire des économies était sa principale préoccupation sur le tournage. Il paraît que pour peupler l’Assemblée nationale il a dragué des maisons de retraite en leur promettant d’assister à un tournage. Comme ça il a eu des figurants gratuits! 

Et la grève?

C’était un soir où on devait jouer avec une femme enceinte de neuf mois. Je jouais un naturiste, donc j’étais à poil tout le temps. Je vous assure que jouer nu est un truc très étrange. Ce soir-là, on nous dit qu’on devait jouer une scène où les mômes des nudistes font une course de hamsters. Les enfants devaient être nus, comme la femme et les autres acteurs. Evidemment, Jean Poiret avait demandé à être filmé au-dessus de la ceinture. Le plateau était un hangar en bois sur les bords du Canal de l’Ourcq en hiver… C’était effroyable. Mocky a eu peur d’une inspection - le tournage aurait pu être annulé avec ces conditions de travail - et a renvoyé les enfants. La scène, pourtant très drôle sur le papier, n’était déjà plus ce qu’elle était. Et la femme enceinte était encore là…

Qu’avez-vous fait?

On est partis manger. Avec Jean, on s’est dit qu’on ne pouvait pas laisser faire ça. Il m’a dit qu’il arrêtait de jouer le temps qu’on ait un studio chauffé. On l’a expliqué au producteur. Mocky, pas fou, m’a fait porter le chapeau. Il voulait retravailler avec Poiret… Sur ce tournage, j’ai aussi des souvenirs de crises de fou rire. Se retrouver entièrement nu avec Jacqueline Maillan, qui ne l’était pas, et un type un peu défaillant, un de ses figurants dont Mocky avait le secret, c’était irrésistible. Jacqueline Maillan me regardait avec dans l’œil une espèce de connerie qui me faisait craquer. Avoir un fou rire à poil est une des choses les plus humiliantes que j’aie jamais vues. Sur ce tournage, je pourrais raconter beaucoup de choses. 

Christian Clavier a déclaré dans Première à propos des Bronzés 3: "Quand un film fait plus de 10 millions d’entrées, vous pensez sincèrement qu’il n’est pas apprécié ?"

Je peux vous dire que le film n’a pas été apprécié. Je peux vous dire que les gens voulaient tellement voir Les Bronzés 3 qu’ils y sont allés même si on leur avait dit que ce n’était pas bon. S’il avait fait un succès à sa valeur, le film aurait fait 2,5 millions d’entrées. Et on nous aurait dit: "Ils se sont pris une grande claque". C’était un phénomène de curiosité. Ça faisait trente ans qu’on nous demandait la suite. Les gens voulaient la voir. Nous, on avait moyennement envie de la faire. On avait envie de rejouer ensemble, mais on s’est dit que personne n’irait si on jouait autre chose. Donc on a fait ça, mais on n’y est pas arrivé. On ne l’a pas bien fait. Je peux vous dire que le film n’est pas bon. Sur les dix millions de spectateurs, à mon avis, il y en a huit qui ont été déçus. Christian a des certitudes quasi politiques sur le box office. D’ailleurs, Christian réussit beaucoup mieux que nous en terme d’entrées [il est le seul acteur à avoir dépassé à quatre reprises les 10 millions d‘entrées, NDLR]. Donc je respecte infiniment l’avis de Christian qui est plus compétent que moi, la preuve.
Jérôme Lachasse