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Cinéma

Les secrets d’Alfred Hitchcock, le cinéaste le plus sadique de Hollywood

Hitchcock

Hitchcock - Dargaud 2018

Une bande dessinée dresse un portrait acide du maître du suspense britannique.

Alfred Hitchcock est sans doute le réalisateur le plus connu de l’histoire du 7e Art. Ses films ont marqué des générations de spectateurs et son style ne cesse d’être copié et parodié. Derrière les classiques intemporels (Psychose, Sueurs froides, Fenêtre sur cour) se cache une personnalité décriée, un sadique qui n'hésitait pas à torturer (psychologiquement) son entourage. Sir Alfred, une BD de Tim Hensley publiée chez Dargaud en septembre, explore cette zone d’ombre de "Hitch".

Employant un style en apparence simpliste, inspiré par les comics et les cartoons pour enfants des années 1950 et 1960, Tim Hensley s’appuie sur des anecdotes pour certaines véridiques et pour d’autres apocryphes, c’est-à-dire fausses. Il dresse ainsi le portrait ironique d’un génial créateur arrivé au faîte de sa gloire et dont la perversité des récits rejaillit sur les plateaux de cinéma pour tourmenter les stars qu’il emploie.

La couverture annonce déjà la couleur. Sur la première case, Hitchcock est sur le plateau du Crime était presque parfait (1954). Un homme tente d’étrangler Grace Kelly. Derrière sa caméra, le cinéaste salive et rêve d’enlacer sa star dans une voiture. Sur la deuxième case, il est sur le tournage de La Main au collet (1955). Grace Kelly et Cary Grant s’embrassent dans une voiture. Derrière sa caméra, Hitchcock ne pense qu’à une seule chose: étrangler Grace Kelly comme dans Le Crime était presque parfait.

Alfred
Alfred © Dargaud 2018

"Voilà ce qui arrive aux méchants garçons"

Sir Alfred évoque le traumatisme originel du réalisateur, maintes fois cité comme la source possible de son inspiration. Alors qu’il n’avait que quatre ou cinq ans, son père l’aurait envoyé à une station de police avec un mot. Arrivé sur place, un officier aurait lu le mot et aurait aussitôt emprisonné une dizaine de minutes le jeune Alfred avant de le libérer: "Voilà ce qui arrive aux méchants garçons", lui aurait-il lancé. L’événement est raconté dans Sir Alfred comme une histoire de Snoopy.

Fils d’un grossiste et enfant solitaire, le jeune Alfred était fasciné par le macabre et prenait beaucoup de plaisir à voir souffrir les autres, raconte la BD. Une séquence le montre notamment au cinéma plus excité par la terreur ressentie par les spectateurs que par le film en lui-même. "De l’urine", s’exclame-t-il en voyant les fauteuils souillés après cette séance d’A Ride on a runaway train, qui compile des images de voyages en train.

Cette jouissance de la terreur d'autrui est la quête de "Sir Alfred". Tim Hensley convoque une autre anecdote édifiante, celle d'un pari qui tourne mal avec un technicien. "On raconte que ce plateau est hanté", dit ce dernier. "Je vous paie le double si vous passez la nuit enchaîné ici", lui lance "Hitch". Le facétieux réalisateur apporte alors un peu de brandy pour lui "calmer les nerfs". Il s’agit en réalité d'un laxatif. Le lendemain, le technicien est retrouvé dans une posture délicate.

Sir Alfred
Sir Alfred © Dargaud 2018

"Il s’imaginait ressembler à Cary Grant"

Hitchcock aimait l’humour noir et pince-sans-rire: "J’ai gardé un cœur d’enfant; il est sur mon bureau dans un bocal", aurait-il déclaré. Il se serait également rendu à un événement mondain avec une femme qu’il présentait comme étant sa mère. Encore une supercherie du roi du suspense: "Sa mère est morte depuis plusieurs années", glisse un des convives. D’autres se souviennent encore des repas qu’il organisait où chaque aliment, de la soupe au poulet en passant par les pêches et les glaces, était bleu.

"Hitch" visait principalement des personnalités qu’ils considéraient être des imposteurs ou des hypocrites. Les acteurs et en particulier les actrices en ont payé les frais. Une histoire montre le cinéaste intimidant une actrice en plaçant dans son entrejambe un bouchon de champagne. Tippi Hedren a notamment accusé Alfred Hitchcock de l'avoir agressée sexuellement et moralement sur le tournage des Oiseaux.

L’actrice de Pas de printemps pour Marnie aurait également dit au sujet du réalisateur: "Il s’imaginait ressembler à Cary Grant. C’est difficile, de se voir d’une certaine manière et de ressembler à tout autre chose." C’est ce tout autre chose que Sir Alfred tente de mettre en scène.

Sir Alfred, Tim Hensley, Dargaud, 48 pages, 14,99 euros.

Jérôme Lachasse