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Cinéma

Les Déguns, le duo comique de Marseille qui bouscule la comédie française

Nordine Salhi et Karim Jebli, alias Les Déguns, dans Walter.

Nordine Salhi et Karim Jebli, alias Les Déguns, dans Walter. - Copyright SND

Les Déguns, duo à succès de Marseille, reviennent au cinéma avec Walter. Avec leur co-star TonioLife, ils racontent leur parcours, leurs influences en comédie et ce qu’il faudrait faire pour changer le cinéma comique français.

Ils sont jeunes, drôles et veulent dépoussiérer le cinéma comique français: Karim Jebli et Nordine "Nono" Salhi, alias Les Déguns, continuent, après le succès en septembre dernier de leur premier film, leur ascension et partagent ce mercredi l’affiche de la comédie Walter avec Antonio Alexandre, alias Tonio Life.

Malgré des origines différentes - les Déguns sont Marseillais, plus exactement de la cité de la Sauvagère, et le second est originaire de Levallois en région parisienne - l’alchimie a été instantanée. La vingtaine bien entamée, ils ont des centres d’intérêt similaires, le même amour du foot et, surtout, la rage de percer dans un cinéma qui laisse peu la place aux jeunes de banlieue:

"Il faut apporter quelque chose de nouveau comme l’ont fait Les Déguns: plus de jeunesse, de fraîcheur, de diversité, raconter des choses qui nous arrivent aujourd’hui", explique TonioLife. "J’ai l’impression qu’il manque énormément de jeunes dans l’écriture des comédies françaises d’aujourd’hui. Il y a des films, quand on les regarde, où on ne s'y retrouve pas. Il n’y a que des vieux clichés. Nous, on veut rire des jeunes clichés."

"Une bonne salade"

Les Déguns, qui suivent cette ligne depuis leurs débuts, en 2012, dans la web-série du même nom, acquiescent. Et pour cause: dans Walter, le trio incarne des braqueurs amateurs pourchassés par un vigile qu’ils ont tourmenté. Le genre de conte moral dont raffolent Les Déguns.

En 2015, ils exposaient déjà ce credo dans un reportage de France 2: "Il faut éviter les conneries, car ça ne mène nulle part", assénaient-ils. "Le message est toujours le même", complète aujourd’hui Nono. "Tu fais des conneries et, à la fin, ça te retombe dessus." Karim complète:

"C’est bien de faire passer un message, mais il n’y a pas que ça. Il y a aussi notre plaisir: on a envie de rigoler, de faire passer un bon instant. Il y a aussi le plaisir de faire rire les gens après une longue journée de travail. Le message ne sert pas toujours à quelque chose, parce que les gens ont juste envie de se détendre. Leur rappeler que la vie est dure? Ils le savent déjà. Donc c’est bien parfois de leur donner juste du rire. C’est comme… je dirais… sans langue de bois… un tapin. Un bon petit coup et on va dormir. Nous, on mélange comique visuel et comique verbal, et ça fait une bonne salade."

Amis d’enfance, Les Déguns préparent leur "salade" depuis presque vingt ans. Leur nom de scène a été inspiré par un terme argotique de Marseille qui signifie un "moins que rien". Ils s’inscrivent ainsi dans la lignée des Charlots, des Inconnus, du Splendid et des Nuls, ces troupes comiques dont le nom est déjà une manière de se déprécier - et donc de faire rire. "Inconsciemment, peut-être. On s’en est inspiré en y ajoutant une touche marseillaise", commente Nono, qui arbore souvent avec Karim des coiffures farfelues pour mieux rire de lui-même. "Avec ou sans le sou, j’aime rigoler de ce qui est un peu trop sérieux. C’est plus fort que moi", ajoute son comparse.

"On a souvent affaire à des râleurs"

Leurs références en humour sont éclectiques et vont de Louis de Funès à Mr Bean en passant par Jim Carrey, Eric et Ramzy, Les Inconnus, Jamel Debouze, Gad Elmaleh, Kevin Hart et Eddie Murphy. La référence à Louis de Funès peut surprendre tant les rôles incarnés par Les Déguns sont loin des râleurs immortalisés par l’interprète de Cruchot: "On a souvent affaire à des râleurs", répond Nono. "C’est pareil: même si ce ne sont pas des personnages qu’on incarne, on est face à des râleurs. Du coup, on se reconnaît quand même dedans." "En terme de mimiques, on s’en inspire aussi", renchérit TonioLife.

Comme Philippe Lacheau et Franck Gastambide, Les Déguns s’inscrivent dans une tradition burlesque française. Un genre en déshérence ces dernières années après avoir fait florès avec Jacques Tati et Pierre Etaix dans les années 1950 et 1960, puis Pierre Richard et Les Charlots dans les années 1970 et enfin Eric et Ramzy à la fin des années 1990. Coïncidence amusante: Karim et Nono ont tourné dans leur premier film Les Déguns sous la direction de Claude Zidi Jr, fils de Claude Zidi, le réalisateur des films des Charlots et des Ripoux. Ils ont, depuis, écrit Les Déguns 2, suite du premier volet à succès - plus de 400.000 entrées en salles - paru en septembre dernier.

"Tout le monde sait faire des épinards"

Cette filiation ne doit pas faire oublier le fait que Les Déguns ont créé leur image, leur univers. Cela n’empêche pas certains médias de continuer à les comparer à Eric et Ramzy, notamment à cause de leur alchimie et des bizarreries qu’ils semblent improviser:

"C’est comme une recette", analyse Karim. "Tout le monde sait faire des épinards, mais ils se sont bien inspirés de quelqu’un et la recette des épinards n’a pas toujours le même goût. Les épinards d’Eric et Ramzy ont un goût différent des nôtres. C’est pour ça que la cuisine est variée, qu’il y a plusieurs restaurants…"

Qu’apportent-ils aux épinards? "Un sel moderne". Comprendre: "faire les choses sans réfléchir, au feeling." Admiratifs des Tuche et de Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu?, deux comédies à succès où "les scénaristes ont fait des bonds vers la jeunesse" et "ne sont pas restés bloqués", estime Karim. Pour produire de bonnes comédies, "il faut être fun", ajoute-t-il, mais aussi savoir "ouvrir le bouton de la chemise." Et, bien sûr, mettre du sel dans les épinards. 

Jérôme Lachasse