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Les confidences d'Alexandre Astier sur sa nouvelle BD: "Kaamelott, c'est fait pour être à moi!"

Couverture du tome 8 de Kaamelott, L'Antre du Basilic.

Couverture du tome 8 de Kaamelott, L'Antre du Basilic. - Casterman 2018

ENTRETIEN - En pleine préparation du film d'animation Astérix: Le Secret de la potion magique, l’acteur et réalisateur évoque sa nouvelle BD inspirée de Kaamelott et son rapport au 9e Art.

A Angoulême, samedi 27 janvier, il était attendu comme le Messie. Venu deux jours au Festival International de la Bande Dessinée pour présenter L’Antre du Basilic, huitième tome de la série Kaamelott en BD, Alexandre Astier a accepté de répondre aux questions de BFMTV.com.

Il nous parle de ce dyptique qu’il a conçu avec son dessinateur Steven Dupré dans l’esprit des Tintin de la grande époque (Le Secret de La Licorne ou On a marché sur la Lune). Astier confie qu’il aimerait sortir la suite de L’Antre du Basilic rapidement, "mais il faut que je le gratte", confesse l’acteur-réalisateur, grand fan d'Achille Talon, de Gotlib, de René Goscinny.

Kaamelott: L'Antre du Basilic
Kaamelott: L'Antre du Basilic © Casterman 2018

Il y a une phrase, dans L’Antre du Basilic, qui résume bien l’humour de Kaamelott: "Si on m’avait prévenu que l’aventure serait sans viande, j’aurais dit non".

C’est vrai que c’est profond. (Il rit, puis réfléchit). Le but du jeu - et c’est un peu raté -, c’est que, lorsque l’on regarde la BD ou la série, on voit un truc qui a l‘air premier degré. Il faut plonger dans l’album pour savoir qu’un mec dit ça. Après, comme les gens savent que Kaamelott n’est pas sérieux, c’est raté. C’est comme Shaun of the Dead: à l’intérieur ça déconne, mais ça reste quand même un film de zombies.

Les dialogues sont très fleuris, dans la lignée de Michel Audiard, mais le dessin est très classique. C’est un contraste étonnant. On aurait pu croire que l’adaptation BD de Kaamelott serait dans le style des histoires de Gotlib.

C’est un long débat. Par exemple, Audiard, puisque vous le citez, il a deux façons d’être mis en scène. Il a la manière baroque, fleurie, qui est souvent la sienne ou celle de Lautner [le réalisateur des Tontons flingueurs, NDLR]. Ça part dans tous les sens, il y a des gags visuels, une grammaire filmée envolée. Et il y a la manière classique, celle de Grangier [le réalisateur du Cave se rebiffe, NDLR]. Moi, je préfère la classique. Je trouve que les dialogues sortent mieux dans les Grangier que dans les Lautner.
"C’est difficile d’écrire des grossièretés en BD"

Steven Dupré, c’est votre Gilles Grangier?

Un peu. Déjà, c’est un mec qui n’est pas français. Il ne connaissait pas Kaamelott au moment où on lui a demandé de faire les dessins. Ça, pour moi, c’est top. C’est volontaire. Casterman, ce n’est pas une maison qui fait de la parodie de séries TV. C’est une maison qui fait des BD. L’amalgame de tout cela, c’est la possibilité de faire une histoire de Kaamelott dans un cadre bien carré, franco-belge.
L'Antre du Basilic
L'Antre du Basilic © Casterman 2018

Vous lisiez Alix, modèle de BD historique célébrée cette année à Angoulême?

Oui. Je faisais plus que le lire. Et même encore aujourd’hui, je m’en sers comme référence. Avec Alix, il y a les histoires et les albums illustrés: Les Voyages d’Alix. Je travaille souvent avec des historiens consultants. Quand je leur demande des trucs spécifiques, il y a toujours Alix qui ressort. Du coup, j’ai tout pris et j’ai tout à la maison. C’est vrai qu’il était barré Jacques Martin sur la précision.

Vous relisez Alix quand vous écrivez Kaamelott?

Pas forcément. J’ai une culture BD franco-belge hyper classique. Ça doit se sentir. Je ne suis pas comme un auteur de BD qui essaye de révolutionner son médium. Au contraire. Je me base à fond sur l’académisme. Je ne mets jamais plus de dix cases par planche. J’essaye d’être classique parce que j’en ai besoin pour que le reste ressorte. J’écris des histoires simples. C’est un peu plus pour enfants en fait. Je constate que je n’ai pas envie d’écrire des trucs trop durs. C’est difficile d’écrire des grossièretés en BD. Elles sont plus violentes à l’écrit.

"Je n’aime pas le format court"

Vous aimez bien contrôler: vous réalisez, vous écrivez, vous composez la musique, vous jouez… Ici, ce n’est pas vous qui dessinez. Est-ce frustrant de devoir déléguer le dessin?

Non. C’est vrai que j’aime faire ce que je sais faire, mais j’aime beaucoup les gens qui ont le talent de faire ce que je ne sais pas faire. Je suis un peu total vis-à-vis de ça. Les gens qui ne savent pas faire leur boulot, c’est vrai, je n’ai pas d’indulgence, ça m’énerve. Quand les gens montent mal, je préfère le faire moi-même. Je préfère qu’il y ait mes défauts. Les gens qui ont du talent, au contraire, j’ai une vraie admiration et une vraie timidité envers eux.

Vous laissez donc Steven Dupré choisir ses cadrages?

(Il réfléchit). Je lui envoie quand même un scénario découpé et de temps en temps je lui indique si j’ai envie de voir tel personnage au premier plan ou une case sur une planche. Il y a des intentions de cadre, mais je ne corrige plus les croquis qu’il m’envoie.

L'Antre du Basilic
L'Antre du Basilic © Casterman 2018

Avez-vous des scénarios qui n’ont pas été produits et que vous pourriez adapter en BD?

Naïvement, je me dis que les idées que j’ai et qui seraient les plus adaptables en BD sont celles qui dépendent le moins des acteurs. Il y a des choses que j’écris qui sont basés sur des acteurs que je connais. Pour ces projets, ce n’est pas à la BD que je pense en premier, mais au cinéma ou au théâtre. Par contre, j’ai deux-trois idées qui me plaisent: des mondes. Il y a toujours des personnages - je fais toujours parler les gens, c’est ce que j’aime - , mais ça s'adapterait bien en BD. Un monde à créer en BD, ça fait plaisir, parce qu’on l’a tout de suite.

Dans L’Antre du Basilic, il y a quelques scènes silencieuses.

C’est parce que je progresse. Je sais un peu plus les faire taire de temps en temps (rires).

C’est inattendu.

C’est vrai!? A mon avis, c’est le résultat d’un auteur qui est un poil plus libre avec son médium. En BD, j’ai aussi l’impression de ne jamais avoir assez de place. J’ai peur de la fin…

C’est paradoxal, vous qui avez commencé avec des formats courts sur M6.

Je n’aime pas le format court (rires). Je n’ai jamais aimé ça! C’était le cahier des charges. Et je me suis débrouillé. Et ça va bien pour un début. C’est des tranches de vie, on présente les personnages. Dès que j’ai eu les moyens de sortir du format court, je suis parti. Les Français ont eu à un moment la mauvaise idée de se vanter qu’ils étaient les spécialistes du format court - parce que ça se vendait bien internationalement. Il ne faut pas dire ça. C’est un peu être les spécialistes des gens qui ne savent pas raconter des histoires, en fait (rires). Il faut chercher les formats longs, pas courts. Court, c’est marrant. Je ne crache pas dans la soupe. Mais on a des concurrents dans d’autres pays qui n’en ont rien à foutre de raconter des tranches de vie et qui savent raconter des trucs très forts, très lourds.

Séquence silencieuse dans L'Antre du Basilic.
Séquence silencieuse dans L'Antre du Basilic. © Casterman

Cinq ans séparent les tomes 7 et 8. C’est pour cette raison que vous vous sentez plus libre avec la BD?

Non. Je n’ai pas passé cinq ans à réfléchir à ça, mais on ne peut pas faire quatre BD par mois. Il faut le temps de la faire, de la digérer. Et de les relire en les ayant oubliées. C’est ça qui fait progresser. Je les relis tard, comme les spectacles que je fais. Je les vois quand je ne sais plus le texte.

Quelle est votre réaction quand vous vous relisez?

Je me marre parfois. J’écris des trucs qui me font marrer, c’est normal que je m’y retrouve. Ce n’est ni autarcique, ni narcissique.
"J’aurais préféré que Lucas continue de réaliser Star Wars"

Vous avez repéré des défauts?

Il y a un album où il y a des nains. C’est hyper compliqué normalement. On est dans une époque où, avec les réseaux, on se fait fondre dessus dès qu’on dit un truc. J’ai des problèmes avec tout. Il y a deux solutions: soit je ferme ma gueule et je me mets en colère tout seul et je ne dis rien, soit je me dis qu’il faut que je défende le monde dans lequel j’ai envie de vivre, où les personnages fictifs peuvent être qui ils veulent. Si je vis dans un monde où les personnages fictifs doivent être politiquement correct, je trouve que le métier en prend un coup dans la timbale. Pour revenir aux nains, le fait qu’ils fabriquent des machines est un lieu commun dans le médiéval fantastique. Je n’ai pas inventé ce cliché et ça m'emmerderait de pas pouvoir m’en servir sous prétexte qu’on a changé d’époque.

Vous préparez un film d’animation Astérix et vous avez demandé à Albert Uderzo l’autorisation d’écrire une histoire originale. Vous pourriez faire la même chose avec Kaamelott?

Non (rires). Pour une raison très simple: j’aurais préféré que Lucas continue de réaliser Star Wars même si les films sont moins biens. Ce qui me manque, c’est la signature du père. Les mecs sont plein de talents, ils ont des idées folles, mais ce sont des fans. Ça ne m’intéresse pas. Donc, bien modestement, j’essaye d’appliquer ça. C’est fait pour être à moi, Kaamelott.

Kaamelott, tome 8: L'Antre du Basilic, Alexandre Astier (scénario) & Steven Dupré (dessin), Casterman, 48 pages, 13,95 euros.

Jérôme Lachasse