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Cinéma

Le Voyage du Prince, un conte philosophique pour toute la famille

Le Voyage du Prince

Le Voyage du Prince - Gébéka Films

Présenté en avant-première au festival d'Annecy, Le Voyage du Prince de Jean-François Laguionie a été conçu en réaction à une société française de plus en plus fermée sur elle-même.

Doyen des réalisateurs français d’animation, Jean-François Laguionie, 80 ans, sort ce mercredi 4 décembre son sixième long-métrage, Le Voyage du Prince, un conte sur la différence qui fait suite au succès du Château des singes (1999) et invite les spectateurs à prendre de la hauteur. 

Produit par le studio angoumoisin Blue Spirit, le film suit le Prince, un singe élégant qui se réveille dans un autre monde que le sien, industrialisé, où il est scruté telle une bête sauvage. Avec la complicité d’un jeune garçon, il parvient à s’évader et gagne la cime des arbres, où vit une autre société, plus libre… 

Co-réalisé avec Xavier Picard, ce long-métrage présenté en avant-première au festival d'Annecy a été conçu en réaction à une société française de plus en plus fermée sur elle-même. Jean-François Laguionie raconte à BFMTV son ambition.

Le Voyage du Prince, une suite du Château des singes? 

"Vingt ans séparent les deux films. Je me suis demandé l’autre jour si ce n’était pas une sorte de petite insatisfaction que j’avais du premier film. C’était une coproduction européenne entre cinq pays, qui a été produite de façon très dispersée. Je pense aussi que je n’avais pas traité le sujet de l’autre, de l’étranger, de façon assez sérieuse dans le premier film. Comme je voyais que la société se durcissait un petit peu depuis ces années-là, je me demandais si ça ne valait pas le coup de continuer. Ce que j’ai fait. Le Voyage du Prince est plus grave que Le Château des singes, et en même temps plus seyant. Il y a plus de poésie. Le sujet est plus clair." 

Les inspirations graphiques

Le Voyage du Prince
Le Voyage du Prince © Gébéka Films
"Le personnage principal, le Prince, vient du film précédent, Le Château des Singes. Il y avait été mal dessiné. On l’a repris et on lui a donné beaucoup plus de beauté. On l’a vieilli. Il est plus humain. Le style est plus réaliste. Il y a très peu de caricatures. Je travaille depuis très longtemps avec Jean Palenstijn, qui est le chef décorateur de la plupart de mes films depuis Le Château des singes. C’est un décorateur éblouissant. C’est plus qu’un décorateur: un peintre! Le style du film est autant le mien que celui de Jean Palenstijn. Pour les couleurs, c’est lui aussi. C’est un coloriste fabuleux. Il a compris qu’on est plus convaincant sur le plan poétique en étant assez retenu avec les couleurs."

Une utopie pour une époque tourmentée 

Le Voyage du Prince
Le Voyage du Prince © Gébéka Films
"Le sujet est assez grave. Il fallait en contrepartie trouver un moyen qui fasse sentir aux spectateurs que cette histoire doit déboucher sur le rêve. On ne va pas plonger au cœur des ténèbres. On va essayer au contraire de prendre de la hauteur. À la fin du film, le Prince grimpe donc à la surface de la forêt où il découvre un peuple qui vit à la cime des arbres. On est dans une dimension un peu fantastique, mais ça fait naître un espoir. Ça fait naître une lumière. Même si on sait que ce n’est pas possible, ça permet de rêver. Plus notre société est contraignante et organisée, plus elle se base comme elle est en train de le faire sur une exacerbation de la peur de l’autre, et plus on a besoin de lieux pour s’élever au-dessus du sol. C’est pour ça que j’ai fait le film."

Un conte philosophique

Le Voyage du Prince
Le Voyage du Prince © Gébéka Films
"Je ne pense pas qu’on puisse dire que Le Voyage du Prince soit un film pour enfants, parce que je ne pense jamais aux enfants quand j’écris des contes. Ce sont des contes un peu philosophiques. Ça s’adresse plutôt aux adultes. J’ai un peu pensé aux enfants en faisant Le Château des Singes. Je sortais de Gwen, le livre de sable (1987), qui avait été un échec commercial. Pour maintenir le studio, on a fait un film assez consensuel. Les enfants ont adoré. Mais je n’ai pas pensé aux enfants en l’écrivant. Et pour Le Voyage du Prince, encore moins. Quand j’ai fait Le Château des Singes, les enfants me demandaient pourquoi j’avais pris des singes. Je leur avais répondu: pour ne pas prendre des humains, ça serait trop facile. Je les avais ensuite invités à raconter la même histoire avec des lapins. Ça marchait très bien!"

Un prochain film plus personnel

"Je vais revenir à des souvenirs d’enfance, des souvenirs de l’immédiat après-guerre. Ça va être un film beaucoup plus personnel [que Le Voyage du Prince]. Je sens que le public a évolué. Il peut voir des films plus réalistes que quand j’étais jeune. Ce sera un petit peu dans la même tonalité que Louise en hiver (2016), moins coloré, plus dessiné. Je travaillerai avec une équipe réduite. On ne raconte pas les mêmes choses si on a une grande ou une petite équipe. Travailler comme ça, avec quelques copains, ça veut dire qu’on a choisi un sujet moins universel, plus intime."
Jérôme Lachasse