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Cinéma

Le Garçon qui dompta le vent, de Netflix, fait des remous au Malawi

Chiwetel Ejiofor et Mawell Simba dans "Le Garçon qui dompta le vent"

Chiwetel Ejiofor et Mawell Simba dans "Le Garçon qui dompta le vent" - Netflix

Plusieurs voix se sont élevées au Malawi contre l'utilisation dans le film de la langue locale, qui serait dénaturée.

Le film Le Garçon qui dompta le vent, la dernière production de Netflix consacrée à l'Afrique, fait grincer des dents. Disponible depuis le 1er mars sur la plateforme, le long-métrage tourné au Malawi a reçu un accueil mitigé dans le pays, où il est accusé de "massacrer" un dialecte local.

Primé au prestigieux festival américain de Sundance, Le Garçon qui dompta le vent est la première réalisation de l'acteur britannique d'origine nigériane Chiwetel Ejiofor. Il se base sur l'histoire vraie d'un ingénieux adolescent malawite, William Kamkwamba, qui a construit une éolienne pour sauver son village de la sécheresse, au début des années 2000 et avec les moyens du bord.

"Le chichewa sonne faux"

Le film a été tourné en chichewa, une langue bantoue parlée dans plusieurs pays de la région, dont le Mozambique, le Zimbabwe et le Malawi: c'est dans ce dernier pays que Le Garçon qui dompta le vent est loin de faire l'unanimité. 

"Les Malawites n'ont jamais été l'audience visée pour ce film, et donc l'audience internationale pour laquelle il est destiné ne se préoccupe pas de savoir si le chichewa est massacré", assène le critique malawite Stanley Onjezani Kenani.

Dans le film, "le chichewa sonne faux et n'est pas réaliste", ajoute-t-il à l'AFP. Une cinéphile malawite, Gertrude Chimanga, acquiesce: "Dans certaines phrases, les acteurs disent des mots qui ne veulent rien dire."

"Donnez leur chance à des acteurs locaux!"

Le jeune William Kamkwamba est interprété par le Kényan Maxwell Simba. Son père est joué par Chiwetel Ejiofor et sa mère par la Française Aïssa Maïga. Pour les besoin du film, les acteurs ont suivi des cours de chichewa.

"Je salue le fait qu'ils aient essayé", réagit le réalisateur malawite Chipiliro Khonje. "Mais ils auraient dû passer plus de temps à apprendre la langue", estime-t-il.

"La prochaine fois, donnez leur chance à des acteurs locaux! Ils pourraient surprendre le monde entier", lance son confrère Shemu Joyah.

Une "magnifique performance"

Le producteur malawite, qui a vu le film lors d'une avant-première en Allemagne, se veut cependant indulgent:

"La langue est un problème pour un Malawite comme moi, mais comme j'étais sans doute le seul à comprendre le chichewa dans la salle de cinéma, ça n'importait pas aux autres spectateurs", relève-t-il.

Le cinéaste préfère retenir la "magnifique performance" des acteurs: "C'est un film formidable qui retrace un drame réel et parvient à créer une tension même quand on connaît déjà la fin", ajoute-t-il.

Réalisé en collaboration avec sa source d'inspiration

Le vrai héros du film, William Kamkwamba - coauteur avec l'Américain Bryan Mealer du livre dont est tiré le film -, explique à l'AFP être touché que le tournage ait eu lieu en chichewa. 

"Apprendre une langue étrangère est l'une des choses les plus difficiles", estime le jeune homme aujourd'hui âgé de 31 ans. "Quand j'ai écrit le livre avec Bryan Mealer, je voulais partager mon histoire. J'espère que le film pourra toucher certaines personnes qui n'ont pas lu le livre. Peut-être que le film pourra inspirer des gens."

C'est en observant la dynamo d'un vélo que l'ado qu'il était s'est mis en tête de construire un moulin à vent, à l'aide d'une pompe électrique trouvée dans une décharge et en suivant les conseils d'un vieux manuel.

Pour les besoins du film, William Kamkwamba a répondu à des questions techniques sur la construction de son éolienne. Il a aussi eu l'occasion de se rendre sur le tournage à Wimbe, "tout près" de chez lui, à 150 km au nord de la capitale Lilongwe. Le jeune homme, qui a étudié l'environnement aux États-Unis, lève aujourd'hui des fonds pour ouvrir un centre d'innovation avec une ONG, le "Projet des éoliennes qui bougent".

Avec ce film, la plateforme de vidéos en ligne Netflix entend surfer sur le succès d'une autre de ses productions basées en Afrique, Catching Feelings (2018), comédie romantique qui se déroule en Afrique du Sud. Elle a aussi récemment commandé plusieurs programmes à des humoristes africains.

Benjamin Pierret avec AFP