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Cinéma

La réalisatrice de Joue-la comme Beckham revient avec un feel good movie sur Bruce Springsteen

Music of my Life

Music of my Life - UGC Distribution

Connue pour la comédie Joue-la comme Beckham, la réalisatrice britannique Gurinder Chadha revient avec un feel good movie inspiré par Bruce Springsteen. Elle raconte son parcours de cinéaste engagée pour les communautés indiennes et pakistanaises.

Réalisatrice du film culte Joue-la comme Beckham et du récent Music of my Life, consacré à la musique de Bruce Springsteen, Gurinder Chadha a fait de sa double identité britannique et indienne le sujet principal de ses films. Depuis le début des années 1990, cette cinéaste rencontre le succès en mêlant dans des récits initiatiques l’esthétique du cinéma Bollywood avec un humour typiquement anglais. Une manière pour elle d’examiner la société britannique et ses relations souvent difficiles avec son ancienne colonie. 

Véritable histoire du journaliste britannique Sarfraz Manzoor, Music of my Life raconte comment, en 1987, la musique de Bruce Springsteen change la vie de Javed, un lycéen pakistanais, et de sa famille, restée hermétique à la culture anglo-saxonne. Gurinder Chadha a grandi dans les années 70 et 80 avec les mêmes dilemmes que Javed. 

"La musique a été très importante pendant mon enfance", explique la cinéaste. "C’était un moyen pour échapper au quotidien, pour entrer en relation avec le monde qui m’entourait - c’était un moyen d’expression, de trouver notre identité. Bruce, évidemment, a toujours été présent dans ma vie. Dès que l’on écoute un de ses albums, c’est intime, c’est comme si on était avec un vieil ami. Mais le plus important, pour moi, au début des années 1980, a été le mouvement 2 tone [qui mélange ska et punk, NDLR]. Des groupes comme The Specials, The Selecter, The Beat ont été les premiers, musicalement, a imaginer le rassemblement de jeunes issus de milieux culturels différents." 

Un message politique fort qui l’a fortement influencée, comme la pochette de Born to Run, fameux album du Boss où il pose aux côtés du saxophoniste noir Clarence Clemons. "Je n’avais jamais vu ça avant!", s’enthousiasme Gurinder Chadha, dont la vie a changé en 1987 quand a été popularisé un autre mouvement musical, le Bhangra: "Tout d’un coup, des gens comme moi, originaires d’Asie, installés à Londres et à Birmingham, se sont emparés de la musique traditionnelle de leurs parents pour la mixer avec du hip hop et du rock. Je l’évoque aussi dans Music of my Life." 

"Raconter des histoires sur des gens qui me ressemblent"

Au cours de cette période déterminante, elle s’est replongée dans la culture de ses parents. Elle a pu aussi consolider son "identité en tant que Britannique et Indienne" et surtout de trouver sa vocation: "À l’université, j’étudiais l’économie du développement. Quand j’ai lu un article sur l’image de la femme dans les films indiens, j’ai eu comme une illumination. J’ai tout de suite compris l’importance que pouvait avoir une caméra et ce qu’elle pouvait faire pour définir qui nous étions et la société qui nous entoure." Elle poursuit: 

"J'ai voulu devenir réalisatrice pour raconter des histoires sur des gens qui me ressemblent, pour les placer au centre de l’écran. Auparavant, nous étions soit au bord de l’écran, soit absents. Il est primordial de raconter des histoires depuis notre point de vue pour combattre le racisme et les préjugés." 

Gurinder Chadha commence par être journaliste à la BBC, puis se lance dans le documentaire avec I'm British But... (1989), consacré à la jeunesse indienne anglaise. Sur l’affiche, la réalisatrice pose vêtue d’une tenue traditionnelle indienne et des Doc Martens, les chaussures associées à cette époque aux skinheads. Après le succès du film, marquant l’irruption d’une voix inédite dans le cinéma britannique, elle signe en 1993 sa première fiction de cinéma, Bhaji, une balade à Blackpool. Du tournage, Gurinder Chadha se souvient de quelques impressions: 

"Je me rappelle avoir pensé que je devais tout mettre dans ce film, car personne ne me donnerait l’opportunité d’en faire un autre après. J’avais fait quelques documentaires avant, mais il était impossible de prévoir à quel point réaliser un premier film de fiction serait difficile - notamment à cause des pressions et du manque de temps." 

Premier film anglais réalisé par une femme d’origine indienne, Bhaji obtient un joli succès à sa sortie et décroche une nomination aux BAFTA, les César anglais. Contactée par Hollywood, Gurinder Chadha refuse tout - y compris ce qui deviendra Romy and Michele's High School Reunion - et impose son propre film, What’s Cooking (2000), une comédie qui suit quatre familles de communautés différentes le soir de Thanksgiving. En 2002, elle revient en Angleterre où elle frappe avec Joue-la comme Beckham, l’histoire d’une jeune indienne qui s’impose dans une équipe de football féminine. Succès mondial, le film est désormais un modèle pour la nouvelle génération - et les footballeuses: 

"Il y a quelques mois, pendant la Coupe du monde, beaucoup de joueuses disaient qu’elles étaient là grâce à ce film. C’était génial!"

"Un film anti-Brexit"

Toujours guidée par son envie de mêler les cultures, elle tourne à Bollywood une adaptation de Jane Austen, Bride and Préjudice (2004): "L’idée était d’introduire le cinéma de Bollywood en Occident", se souvient-elle. Deux ans plus tard, elle réalise un des courts-métrages de Paris je t’aime. Elle y dirige une jeune actrice devenue depuis une vedette nationale: Leïla Bekhti. "Elle était si jeune, si belle. Et très charismatique, sincère. Elle avait aussi du tempérament", se souvient la réalisatrice, qui a redécouvert par hasard son actrice en regardant Le Grand Bain

Depuis, Gurinder Chadha a continué les comédies romantiques avant de s’engager sur un terrain plus politique où elle a exploré les rapports coloniaux entre l’Angleterre et l’Inde dans le film Le Dernier Vice-Roi des Indes, puis la série Beecham House, encore inédite en France. Conçu en plein Brexit, Music of my Life a été imaginé comme une réponse à la montée de la xénophobie en Angleterre. 

"Cette situation m’a énervée. Lorsque j’ai décidé de réaliser Music of my Life, je me suis dit que j’allais en faire un film anti-Brexit. J’ai donc accentué le traitement du racisme, tout en essayant de faire un film joyeux, pour contrebalancer. Nous étions alors en 2017. Je ne pouvais pas anticiper ce qui allait se passer en 2019… Malheureusement, la situation des années 1980, décrite dans le film, reste la même de nos jours."

Gurinder Chadha ne baisse pas pour autant les bras: elle continue son combat en réalisant pour Netflix une adaptation animée de la BD Pashmina, l’histoire d’une fillette qui aide sa famille à l’aide d’une laine magique.

Jérôme Lachasse