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Cinéma

La Cinémathèque célèbre Sergio Leone, l'homme qui a révolutionné le cinéma

L'exposition Il était une fois Sergio Leone à la Cinémathèque française

L'exposition Il était une fois Sergio Leone à la Cinémathèque française - Alain Jocard / AFP

Le maître des westerns spaghettis est célébré à la Cinémathèque française à travers une exposition retraçant sa vie et les coulisses de ses chefs-d'œuvre.

"Je soutiens qu'Homère est le plus grand auteur de westerns parce que ce grand individualiste a créé des personnages égocentriques, des personnages qui se fient à leur courage, à leur bravoure, pour saisir l'instant présent." Cette phrase de Sergio Leone résume à merveille le parcours du père du western spaghetti, auteur de quelques-uns des plus beaux films de l'histoire du cinéma: Le Bon, la brute et le truand, Il était une fois dans l'Ouest et Il était une fois en Amérique.

Auteur de sept films, Sergio Leone est célébré à travers une grande exposition organisée du 10 octobre au 27 janvier 2019 à la Cinémathèque de Paris. Puisant à la fois dans Homère et Don Quichotte, les films du Japonais Akira Kurosawa et les peintures de Chirico, Hooper et Degas, Sergio Leone n'a cessé, tout au long de sa carrière, de s'inspirer des plus grands et de mêler culture populaire et culture élitiste pour inventer une nouvelle forme de cinéma.

Intitulée "Il était une fois Sergio Leone", cette exposition dévoile en cinq sections ("Citoyen du cinéma", "les sources de l'imaginaire", "Laboratoire Leone", "Il était une fois en Amérique" et "Leningrad et après") les influences du cinéaste, ainsi que les coulisses de ses films et ses projets inachevés, du Colosse de Rhodes (1961) à Il était une fois en Amérique (1984). Sont présentés des extraits de films, des photos, des scénarios, des maquettes de décors, des dessins et des costumes.

Un enfant du cinéma

Né en 1929, Sergio Leone est un enfant du cinéma: sa mère Bice Waleran (de son vrai nom Edvige Valcarenghi) est actrice et son père Roberto Roberti (alias Vincenzo Leone) est réalisateur. En 1913, ce dernier signe même un western, aujourd'hui perdu. De son père, Sergio Leone a retenu une leçon: accorder autant de valeur à la culture élitiste qu'à la culture populaire. Il lui rendra hommage en signant Pour une poignée de dollars avec le pseudonyme Bob Robertson, soit "le fils de Robert".

Pendant presque vingt ans, de 1946 à 1962, le jeune homme a appris le cinéma sur les plateaux. Assistant réalisateur sur une trentaine de films, il maîtrisait chaque aspect de la mise en scène - et portait une attention particulière à la musique et aux bruitages.

"Grâce aux bruits, il pouvait rendre le temps très différent, comme par exemple au début d'Il était une fois dans l’Ouest. A l’exception des bruits, il ne se passe rien", indique le commissaire de l'exposition Gian Luca Farinelli. Il n'y avait pas de prises de son pendant le tournage. Tout était fabriqué après, en studio: "Fellini se réjouissait de pouvoir retravailler ainsi son film, comme Sergio Leone. On retrouve dans l’exposition cette participation presque physique de Leone à ses films", poursuit le spécialiste, qui a exhumé une vidéo inédite du maître en train de superviser les bruitages du Bon, la brute et le truand.

"Son cinéma est nourri du cinéma des autres"

Cette dimension artisanale se double chez Leone d'une grande culture. Comme le montre l'exposition, Sergio Leone s'est inspiré de Edward Hopper (Manhattan Bridge) et de Degas (La Danseuse dans l'atelier du photographe) pour certaines scènes d'Il était une fois en Amérique (notamment celles avec Jennifer Connelly). On retrouve aussi l'influence du peintre surréaliste Giorgio De Chirico, dont Leone possédait trois planches, dans la mise en scène des villages mexicains de Pour une poignée de dollars et d'Et pour quelques dollars de plusLe Bon, la brute et le truand est quant à lui placé sous le signe de Goya et de Don Quichotte.

Sa plus célèbre influence reste Yojimbo, un film de samouraïs d'Akira Kurosawa qui servit de base à Pour une poignée de dollars et qui valut à Leone une accusation de plagiat de la part du maître japonais. "Sergio Leone avait vu le film en 1963", confirme Gian Luca Farinelli. "Son cinéma est nourri du cinéma des autres. C’est une source d’inspiration et, en même temps, Pour une poignée de dollars, c’est du Sergio Leone, pas du Kurosawa. C’est cela l’art et l’histoire de l’art. Il y a une transmission, quelque chose qui passe d’un artiste à l’autre. C'est un aspect essentiel pour comprendre Sergio Leone et que l’on a essayé de montrer dans l’exposition."

"Sergio Leone est expérimental et populaire"

Pour Gian Luca Farinelli, Sergio Leone est "le premier metteur en scène post-moderne": au même moment où il réinvente le western en y injectant une ironie et une dimension mythologique inédites, Jean-Luc Godard s'empare avec une énergie similaire du polar américain dans A bout de souffle pour réveiller le cinéma français. Si Godard eut bonne presse, Leone fut accusé d'être "un rapace, un voleur et un escroc" par les journalistes de l'époque. Considéré comme un cinéaste populaire, il ne fut réhabilité que dans les années 1980, en partie grâce aux cinéastes qu'il a influencés, comme Martin Scorsese. Leone incarnait en réalité l'avant-garde: 

"Sergio Leone est le ‘Et’ entre deux adjectifs qui ont l'air opposés, c'est l'oxymore permanent, c'est un cinéaste du trivial - il y a des pets, des insultes - et de la majesté lyrique. Il est expérimental et populaire", conclut Frédéric Bonnaud, le directeur de la Cinémathèque française. 
Jérôme Lachasse