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Cinéma

L’Île aux chiens de Wes Anderson adapté en manga

L'Île aux chiens de Wes Anderson en manga

L'Île aux chiens de Wes Anderson en manga - Le Lézard Noir

Le réalisateur a collaboré avec de nombreux dessinateurs pour son dernier film, situé dans un Japon futuriste et imaginaire. Un manga adapté de L'Île aux chiens sort le 7 mars.

Souvent comparé, dans la presse française, à Wes Anderson, l’auteur japonais Minetaro Mochizuki a eu l’honneur de signer l’adaptation en manga de son dernier film L’Île aux chiens. Une belle reconnaissance pour le dessinateur qui partage avec le réalisateur texan un goût pour l’épure, les choses bien rangées et le beau dessin.

"J’aime tous les choix qu’opère Wes Anderson dans le cadre, toute la minutie qu’il y a dans le choix de la position des objets, et toute l’attention portée aux couleurs, aux vêtements, aux motifs du papier peint", explique-t-il. "On dirait, au premier abord, à travers ses vues de haut ou ses cadres, qu’il y a une forme de cynisme. Et, en même temps, il y a une extrême chaleur qui s’en dégage. C’est pour cela que j’adore son travail."

L’objectif, pour autant, n’est pas de faire du Wes Anderson en manga. Son traitement si particulier de la couleur, marqué comme chez Jacques Demy par des tons saturés, est impossible à reproduire dans un manga, conçu principalement en noir et blanc. Minetaro Mochizuki a trouvé une parade: "La question que je me pose est comment: traiter le clair obscur dans des planches en noir et blanc. Ce genre de planches est, pour moi, comme une planche en couleurs."

Couverture du manga L'Île aux chiens
Couverture du manga L'Île aux chiens © Le Lézard Noir

La relation émotionnelle entre le garçon et le chien

Mochizuki, qui a eu accès au scénario et à une version inachevée de L’Île aux chiens, a dessiné son histoire avant que le film ne soit terminé. Il ne l’a d’ailleurs toujours pas vu: "J’en ai l’intention", promet-il. Récompensé au festival d’Angoulême pour sa série Chiisakobé, le mangaka a choisi de resserrer l’intrigue sur l’amitié entre le jeune garçon du film, Atari, et le chien errant, Chef. Les autres personnages, de l’étudiante américaine héroïque à la scientifique nommée Yoko Ono, n’apparaissent pas:

"Je ne pouvais pas traiter de tout dans le manga. Etant donné que dans le film de Wes Anderson chaque personnage à sa propre histoire, je me suis dit qu’il valait mieux me cantonner à quelques personnages. En lisant le scénario, c’est la relation émotionnelle entre le garçon et le chien que j’avais le plus envie d’adapter en manga."

Pour cette raison, Mochizuki insiste beaucoup plus que Wes Anderson sur les chiens et notamment la manière dont leurs cœurs fonctionnent: "Les battements de cœur des chiens sont beaucoup plus rapides que les nôtres. Quand j’écoute ces pulsations précipitées, je suis pris d’un sentiment de tristesse indescriptible", écrit le dessinateur dans son manga, qui décrit de beaux moments de tendresse entre l’adolescent et le chien. "Vous vivez à un rythme bien plus rapide que le nôtre… Une journée pour moi équivaut à plus de trois jours pour vous, c’est trop rapide… Il faut absolument prendre soin de chacun de vos instants", dit encore Atari en enlaçant Chef.

Wes Anderson en manga
Wes Anderson en manga © Le Lézard Noir

Symbole de l’égoïsme humain

Mochizuki a investi L’Île aux chiens d’une dimension personnelle: "J’ai eu des chats et des chiens chez moi et j’ai exprimé dans ce manga ce que je ressentais à leur égard." Les liens qui unissent l’enfant et le chien sont ainsi accentués par le dessinateur par un dessin réaliste qui humanise Chef pour lui donner, dans certaines scènes, l’apparence de Shigeji, le héros de Chiisakobé, son manga précédent.

C’est le cas dans une scène particulièrement émouvante, un flashback sur la jeunesse de Chef créé spécialement pour le manga. Dans la séquence inaugurale de l’album, absente elle aussi du film, Mochizuki évoque le mal que les hommes causent aux chiens, en prenant comme exemple le premier chien envoyé dans l’espace.

"Cette histoire de chien envoyé dans l’espace m’avait beaucoup marqué il y a longtemps et c’était toujours resté quelque part en moi comme un symbole de l’égoïsme humain", explique Mochizuki. "J’ai toujours eu envie d’intégrer cet épisode d’une manière ou d’une autre dans mon travail. A partir du moment où j’ai su que j’allais traiter de la relation entre Atari et le chien, j’étais décidé à évoquer cet épisode pour introduire mon récit."

L'Île aux chiens de Wes Anderson en manga.
L'Île aux chiens de Wes Anderson en manga. © Le Lézard Noir

Mochizuki a aussi retiré un des éléments polémiques du film de Wes Anderson: l’orientalisme. Le dessinateur reste prudent sur le sujet:

"Il n’y a pas eu de volonté de ma part d’évacuer ces éléments, mais ils font tellement partie de mon quotidien, ils sont tellement évidents pour moi que je n’ai même pas pensé à les intégrer dans le récit. Dans le film de Wes Anderson, c’est un univers fantastique en stop-motion. Tout ce que je me demandais, c’était comment donner du réalisme à cet univers-là, comment l’adapter en manga. Je n’ai pas du tout pensé à ces questions d’orientalisme. J’ai même oublié que le film se passait au Japon."

Une collaboration avec Otomo

Wes Anderson, lui, n’a pas oublié que son film se passait au Japon. Outre Mochizuki, chargé de l’adaptation BD, il a contacté Katsuhiro Otomo, l’auteur du mythique Akira, pour signer la superbe affiche japonaise. Amateur de dessins et de miniatures, Wes Anderson a également fait appel pour quelques séquences au dessinateur français Camille Moulin-Dupré.

"Il avait beaucoup aimé mon manga Le Voleur d’estampes et il fallait que je fasse deux scènes avec cinq paravents à la gloire de personnages du film", se souvient-il. "Wes Anderson me demandait de faire une esthétique traditionnelle japonaise. Et il fallait que ça colle avec son univers personnel. Je pensais que ça allait durer trois mois et ça a duré un an. Il m’a aussi demandé de dessiner des bactéries, des microscopes, de faire des compositions avec le symétrie, chose qui n’existe pas vraiment dans l’estampe japonaise."

Affiche de L'île aux chiens par Otomo et couverture du Voleur d'estampes
Affiche de L'île aux chiens par Otomo et couverture du Voleur d'estampes © 20th century fox / Glénat
Jérôme Lachasse