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Cinéma

L’Empereur de Paris: après Mesrine, Vincent Cassel et Jean-François Richet s’attaquent à Vidocq

Cassel dans L'Empereur de Paris

Cassel dans L'Empereur de Paris - Pathé

Le réalisateur Jean-François Richet, qui signe un biopic de Vidocq avec Vincent Cassel, évoque la figure de ce superflic, responsable au début du XIXe siècle de l’arrestation de plus de 17.000 personnes.

Dix ans après leur biopic sur l’ennemi public numéro 1 Jacques Mesrine, Vincent Cassel et le réalisateur Jean-François Richet se retrouvent. Dans L’Empereur de Paris, le duo se penche sur la vie du superflic Vidocq (1775-1857). L’intrigue débute sous le règne de Napoléon.

Laissé pour mort après s’être évadé du bagne, Vidocq tente de refaire sa vie comme commerçant. Rattrapé par la police, il propose ses services pour arrêter, en échange de sa liberté, tout ce que Paris compte de malfrats. Dans L’Empereur de Paris, Richet s’intéresse à la survie dans un monde en proie au chaos: comment un homme exploite ses connaissances d’un milieu pour l’empêcher de nuire. Un sujet éminemment contemporain selon lui:

"Ça me semblait évident [d’accepter la proposition de réaliser ce film], parce que j’aime les personnages qui disent non et qui essayent de trouver leur place dans la société. Il y a des résonances avec ce que l’on vit aujourd’hui. Que ferait Vidocq maintenant? Il s’infiltrerait dans les casseurs à l’Arc de Triomphe et il les arrêterait tous! Il n’irait pas arrêter le pauvre gars du peuple avec son gilet jaune. Il serait pour - comme la majorité des flics. Le désordre ne profite pas aux défavorisés. Il ne faut pas avoir fait Saint-Cyr pour le savoir. Il profite aux plus forts. Vidocq n’est pas quelqu’un qui veut l’ordre pour l’ordre."

"Ils arrivaient dans les fermes et brûlaient les pieds"

Les policiers ne voient pas d’un bon œil les méthodes de Vidocq, qui s’est allié à des personnes de différents bords, dont un monarchiste. Un policier particulièrement retors et opposé à Vidocq lui lance ainsi: "Vous n’êtes pas le seul bon de policier de France". "Ils ont la même vision de l’ordre, mais pas les mêmes moyens pour y arriver", explique Richet.

"Il y en a un, Vidocq, qui est en marge de la société. L’autre est un flic du sérail qui suit la hiérarchie, qui fait comme on lui a appris. Ce n’est pas le cas de Vidocq: il n’a jamais appris à être flic, donc il se sert de toute son expérience de bagnard, sa connaissance des bas-fonds."

Ses méthodes peu conventionnelles ont porté leurs fruits: plus de 17.000 personnes ont été arrêtés grâce à Vidocq. Sous son règne, le France sortait de la guerre civile et restait marquée par une grande insécurité:

"Il y avait les gangs des ‘chauffeurs du nord’ qui arrivaient dans les fermes et brûlaient les pieds, molestaient les femmes", explique Richet. "On retrouvait des servantes pendues juste pour piquer un louis d’or. Vidocq arrêtait aussi les faux monnayeurs, qui est un crime de lèse-majesté. Il s’agissait d’opérations financées par l’Angleterre et l’Autriche pour couler l’économie français avant l’entrée en guerre. C’est pour cela que la fausse monnaie était un crime de lèse-majesté: c’était un crime de guerre."

"On retourne le flingue et on fracasse l’autre avec"

Pour reconstituer cette atmosphère violente du début du XIXe siècle, Jean-François Richet s’est rendu à Brétigny, où il a construit un immense décor de Paris. Avec l’aide de celui-ci, il a pu se glisser plus facilement dans l’époque: "On a même trouvé des vrais pavés de l’époque Empire qu’on a posés à l’identique!" Ce souci de réalisme, Richet l’a aussi dans les combats. A cette époque, les pistolets n’avaient qu’une balle. Pour les combats, Richet a donc demandé à ses comédiens de jeter leur arme dès le coup tiré pour attraper le pistolet de l’adversaire. Une trouvaille qui confère à ses fusillades l’apparence d’un ballet:

"Je me pose la question du principe de réalité: qu’est-ce que je ferai dans cette position? Evidemment, si j’ai qu’une balle et que je me fais tirer dessus, il faut que je pense à un autre truc. Donc ils ont plusieurs flingues, avec des attaches pour pouvoir les sortir assez vite. Et quand tu tues quelqu’un, tu prends le flingue dont il ne s’est pas servi. C’est logique. Et s’il n’y a plus de balle, on retourne le flingue et on fracasse l’autre avec: c’est fait pour ça. C’est logique. c’est vraiment le concept de réalité. Je pense vraiment qu’à l’époque, ils faisaient ça.”

"Vidocq est un incorruptible"

Certaines scènes de L’Empereur de Paris peuvent éveiller chez les spectateurs des souvenirs de New York 1997 de John Carpenter ou des Incorruptibles de Brian de Palma. Des références involontaires, selon Richet.

"Mais c’est vrai que Vidocq est un incorruptible. A la fin de sa vie, même s’il a eu trois fois plus de résultats que les autres dans la police, il écrivait des lettres au préfet et au chef de la sûreté pour avoir un petit billet de cent francs pour se nourrir. Le mec a donné sa vie à la société française! A l’époque, il n’y a pas de retraite et l’État lui donnait de l’argent pour qu’il puisse survivre et ce n’était pas un dû. Maintenant, c’est un dû et les gens crèvent de faim. C’est un parallèle intéressant sur notre époque cynique."

Richet et Cassel n’en ont pas fini avec le passé trouble de la France: ils préparent un nouveau biopic, consacré cette fois à La Fayette. Un projet qu’il mûrit depuis dix ans.

Jérôme Lachasse