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#JeSuisLà: Eric Lartigau retrouve Alain Chabat après le succès de Prête-moi ta main

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Le réalisateur retrouve le comédien quatorze ans après le succès de Prête-moi ta main. Ils reviennent avec une comédie romantique et existentielle tournée en Corée.

Eric Lartigau est de retour avec un nouveau film, #JeSuisLà, cinq ans après l’immense succès de La Famille Bélier (7,4 millions de spectateurs). Le réalisateur, connu également pour Qui a tué Pamela Rose? et Prête-moi ta main, a été pris de court par ce succès et a mis du temps pour revenir sur le devant de la scène.

Son nouveau film y fait justement écho: il raconte dans #JeSuisLà l’histoire d’un homme qui décide sur un coup de tête de s’envoler pour Séoul pour y retrouver la femme avec qui il dialogue sur les réseaux sociaux. Le cinéaste a confié le rôle principal à Alain Chabat, qui y trouve un de ses plus beaux rôles.

A l’occasion de la sortie ce mercredi 5 février de #JeSuisLà, Eric Lartigau raconte les coulisses de son nouveau film à BFMTV et revient sur les moments clefs de sa filmographie, de sa collaboration avec Kad et O à sa rencontre avec Alain Chabat.

Après le succès de La Famille Bélier, vous vous êtes demandé si vous alliez continuer ce métier… et vous êtes là.

J’ai dit ça? Et oui, #JeSuisLà. Comme quoi. J’ai encore plein d’histoires à raconter. Il y a eu un petit sas de cafard à un moment, après La Famille Bélier. Mais raconter des histoires est tellement excitant! Et voir des actrices et des acteurs. C’est ça mon kif de travail. 

C’est pour cette raison que le personnage est un peu dépressif? 

Il n’est pas du tout dépressif! Il peut être parfois un peu mélancolique, mais pour moi c’est quelqu’un de positif. Il fait un métier de partage. Être restaurateur, ce n’est pas rien. Il y a une notion de générosité. Il est un peu dans une bulle quand il est sur Instagram avec Sue, qui est interprétée par l’actrice coréenne Doona Bae, et il est joyeux. Il a envie de faire bouger quelque chose dans sa vie. Il va se reconnecter avec lui-même. Il aurait pu trouver sa solution au fond du jardin, mais il a besoin d’avoir ce voyage en Corée pour découvrir que le problème était autre part, comme souvent quand on va chercher quelque chose de précis. 

Ça fait penser à L’Homme qui voulait vivre sa vie et au Ticket pour l’espace, deux de vos films avec des hommes qui veulent fuir leur quotidien pour donner un sens à la vie…

Oui, la fuite… [Dans L’Homme qui voulait vivre sa vie], Romain Duris part au Monténégro parce que c’est un pays où on peut passer totalement inaperçu. En Corée, vous êtes transparent. Personne ne va venir fouiller dans votre vie. Avec Alain, quand on se baladait, c’était très simple: on était en pleine ville et il n’y avait pas un regard sur lui. Personne ne le reconnaissait, contrairement au Pays Basque. Il était comme un coq en pâte en Corée. 

Alain Chabat passe quasiment tout le film une valise à la main. 

C’était sa meilleure amie, cette valise! C’est un accessoire comique avec ses bruits. C’est un doudou, un oreiller, un support, un boulet… une valise, quoi! C’est sa canne de Chaplin. Comme elle faisait partie intégrante de lui, il fallait qu’elle soit amie. J’ai fait un gros casting de valises! Je voulais qu’il soit à l’aise avec cette valise. Il l’a été. On l’a achetée chez un marchand, pour le film. Maintenant elle est à la maison. Je m’en sers parfois. Il faut continuer de s’en servir. Une valise, ça a une vie.

Le "franglais" de Chabat est-il improvisé?

Alain parle très bien anglais, mais il ne fallait pas qu’il parle trop bien pour mettre de la distance avec ses interlocuteurs. Il fallait que l’échange se fasse autrement, qu’il le fasse par le regard ou par une gestuelle.

C’est un bon mime, Alain Chabat? 

Ouais! Il a de très belles mains. Il est très expressif avec ses mains. Vous voyez très vite s’il est énervé ou pas. S’il est bien ou pas. Il fait de ses trucs! Il y a un plan que je n’ai pas pu monter: à un moment, il s’est couché sur un banc et il a mis sa main autour de la tête. Je n’avais jamais vu ça. C’était super joli et très surprenant. 

Il y a souvent des moments comme ça sur le tournage avec Chabat?

C’est avec ses regards que j’ai été le plus touché. Il pouvait m’enlever quatre lignes de dialogue juste par un regard, une attitude. Ça, c’est magnifique. C’est le signe des grands acteurs. 

Dans #JeSuisLà, il y a un détournement assez rigolo de films d’arts martiaux qui rappelle les grandes heures des Nuls…

C’est marrant, ça a dû être inconscient, parce que je n’y ai pas pensé du tout avec Thomas [Bidegain, le scénariste de #JeSuisLà, NDLR]. On s’est dit qu’il nous fallait une scène où il se demandait ce qu’il foutait à l’aéroport de Séoul. J’ai vu plein de films de bastons coréens et c’était intéressant à faire. On a bien rigolé. 

Pourquoi avoir attendu dix ans avant de retrouver Alain Chabat?

Je n’avais pas de rôle pour lui. Il y a plein d’acteurs et d’actrices avec qui j’ai envie de tourner, mais pour moi c’est l’histoire qui appelle l’acteur. Ce n’est pas le contraire. Dès que je commence à écrire, j’ai l’acteur en tête. Pour #JeSuisLà, je pensais déjà à Alain Chabat avant d’écrire. 

C’est ce qui s’est également passé pour Prête-moi ta main?

Non. Alain m’a contacté pendant le tournage d’Un ticket pour l’espace. On se connaissait à peine. Je l’ai retrouvé pour dîner. Il était en train de tourner La Science des rêves de Gondry et moi Un ticket pour l’espace. Sa production m’avait envoyé un scénario, qui s’appelait L’Amour est un bouquet de violettes et qui est devenu Prête-moi ta main. J’ai passé mon dîner à descendre le scénario. Je m’en suis rendu compte une fois seulement dans la voiture. J’ai appelé ma fiancée qui m’a dit que ce n’était pas grave et que j’avais dit ce qu’il fallait. Le lendemain, pas d’appel. Un jour après, pas d’appel. Puis, trois jours, après la production me rappelle en me disant qu’Alain attendait de mes nouvelles! On a dîner une nouvelle fois le soir-même et on a réécrit ensemble le scénario. Alain écrit très vite. J’ai enchaîné assez vite le tournage.

Quels souvenirs avez-vous du Ticket de l’espace? C’est un film un peu fou, avec les jumeaux de Canet, la parodie de Star Trek… 

Ouais… et il y a le personnage de Marina [Foïs] qui fait des crêpes dans l’espace, et le dindon… le dindon! J’ai eu un regret: pour moi, le scénario n’était pas fini. J’avais besoin d’encore quinze jours d’écriture avec les garçons [Kad Merad et Olivier Baroux, NDLR] et Julien Rappeneau. On ne nous les a pas donnés, parce qu’il fallait aller vite pour des problèmes de pognon, comme d’habitude. Je m’en suis voulu. Aujourd’hui, je ne le referais plus. 

Et Pamela Rose, c’était comment? 

Quel bonheur à faire, à écrire avec les garçons, à tourner. On s’est tellement amusé. On faisait des propositions, on cherchait tout le temps. On remettait des scènes en question, on les réécrivait. On ajoutait des conneries, on amenait la scène autre part. On était très réactifs. Ça évoluait tout le temps. Il y a tellement de vannes dans ce film. J’avais peur que ça fasse les chevaliers de la vanne, mais non! On bossait comme des chiens, car on n’avait pas beaucoup de semaines. On voulait que le film donne l’impression d’avoir été tourné aux Etats-Unis, alors qu’évidemment on est dans des décors du Vexin. Je voulais qu’il y ait des codes. La décoratrice est allée avec un camion aux Etats-Unis pour chercher des pancartes et des mugs et hop on était aux Etats-Unis avec Bullit et Riper dans leur Fuego. 

Vous avez regretté de ne pas avoir réalisé la suite? 

Pas du tout. Je n’ai pas accepté l’offre. Dans ma tête, je l’avais déjà fait. Je n’avais plus rien à dire avec Pamela Rose. J’avais envie de raconter d’autres histoires. Pour un réalisateur, un film, c’est deux, trois ans de sa vie avec ce sujet. J’étais déjà sur un autre film que je n’ai pas fait. Une comédie assez barjo sur un espion avec Kad. Ça ne fonctionnait pas. C’était une fausse route. 
Jérôme Lachasse