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Cinéma

Jean-Pierre Mocky à la télévision en 4 coups d'éclats

Jean-Pierre Mocky.

Jean-Pierre Mocky. - Martin Bureau / AFP

BFMTV.com a sélectionné quatre passages mémorables de Jean-Pierre Mocky à la télévision, représentant chacun une facette de la personnalité du réalisateur. Le cinéaste s'est éteint à Paris ce jeudi.

Jean-Pierre Mocky, mort ce jeudi à Paris, était un drôle d'animal, le spécimen hors norme d'une espèce curieuse: celle de ces créateurs ou interprètes dont on sait qu'ils resteront dans les mémoires pour leur personnage plutôt que pour leur oeuvre. Le travail abattu ces soixante-cinq dernières années par l'ancien stagiaire de Federico Fellini, sur le tournage de La Strada, et de Luchino Visconti, sur celui de Senso, est pourtant riche.

Depuis 1959, Jean-Pierre Mocky avait accouché de 66 films, dont certains, comme Un drôle de paroissien, L'ibis rouge, ou A mort l'arbitre, laisseront un très beau souvenir aux cinéphiles. Mais peu nombreuses sont les œuvres ayant trouvé leur public voire, pire, à avoir trouvé la toile, tant le cinéaste a éprouvé au fil du temps des difficultés de distribution grandissantes. Privé de la reconnaissance d'un ventre au sein duquel il se montrait trop remuant, loin des salons, héritiers de ceux du XVIIIe siècle ou du XIXe siècle, où il aurait de toute façon détonné, c'est bien souvent à la télévision que Jean-Pierre Mocky a su imposer son sens de la formule, son art de la conversation... ou plutôt du coup de gueule.

  • L'insoumis 

Quelques traits gouvernent toute la vie de Jean-Pierre Mocky: sa verve, son intransigeance, et sa haine de la pudibonderie. On les retrouve tous les trois lors de son passage en 1990 sur le plateau du Ciel mon mardi! de Christophe Dechavanne. Ce jour-là, il revient sur la mésaventure rencontrée trois plus tôt par son film Les saisons du plaisir, dont l'affiche avait soulevé une controverse. On y voyait un champignon pour le moins phallique se dresser vers une poire rappelant furieusement une paire de fesses. 

"J’ai reçu des coups de fil anonymes, il ne faut pas me raconter d’histoires ! Le directeur du métro m’a appelé, on m’a dit qu’il y aurait des graffitis dessus, alors que quand il n’y a pas de bite sur quelque chose on en ajoute, et quand il n’y a pas de moustache, on lui fout des moustaches !" crie-t-il sur le plateau avant de conclure peu après à l'adresse de son malheureux interlocuteur du moment:

"Ce bureau de merde nous a foutu notre film en l’air, parce qu’on parle de l’affiche mais pas du film ! (…) J’ai fait un film et je t’emmerde !"
  • Le "farceur" 

En 1998, il défend à nouveau sa vision de la pudeur, mais aussi son rapport à la religion. Durant une émission présentée par le journaliste Paul Amar, il commence par s'écharper avec un prêtre, alors qu'il vient de réaliser le film Le Miraculé. "40 films et toujours la bagarre avec ces curés, putain !" s'exclame-t-il. 

Christine Boutin, alors députée élue dans les Yvelines, s'amuse de la performance: "Pour moi, monsieur Mocky est un grand farceur". Elle s'attire cette réplique de Jean-Pierre Mocky: "Et vous, vous n’êtes pas une farceuse, vous ? On pourrait se retrouver dans une chambre d’hôtel !"

  • L'avare

Jean-Pierre Mocky, marié dès l'âge de 14 ans et connu pour se vanter d'avoir eu 17 enfants, n'était pas un jouisseur jusqu'au bout. Le budget de ses films, autant sans doute que son caractère, l'oblige tout au long de sa trajectoire à jouer serré niveau finances. Et une réputation de pingrerie lui colle bien vite à la peau. 

C'est bien souvent dans les frais de bouche que ce physique d'épicurien au régime alimentaire d'ascète (ou presque) se met à tailler. En 2000, les caméras du programme Strip-Tease le suivent pendant le tournage de La candide madame Duff. On y entend de nombreuses tirades sur la nécessité de trouver un restaurant bon marché pour y nourrir toute l'équipe et ce, grâce à un menu unique.

"Je vais te montrer le restaurant où j’ai mangé hier mais lui, c’est 80 balles… 80 balles c’est cher. C’est trop cher. Le Voilier, c’est moins cher mais on ne peut pas y aller. On devrait manger pour trente balles par jour, ce serait bien suffisant. Bah si, une crêpe ! Ils vont tous crever de cholestérol à force de bouffer", dit-il notamment à l'un de ses collaborateurs. L'affaire se solde finalement par un couscous. 
  • Le tempétueux 

Rares sont les Français qui ont vu le making-of d'un film de Jean-Pierre Mocky, rares aussi ceux qui ont assisté à l'un de ses tournages. Mais beaucoup ont de l'artiste l'image d'un braillard sympathique. Le reportage de Strip-Tease permet là encore de confirmer cette renommée. Attendant désespérément son preneur de son, il bout: "J’ai pas le temps d’attendre hein, moi ! On va le faire muet, écoutez ! Le perchman est pas là, tu te rends compte ? C’est une plaisanterie ça… Allez, tournons."

Bientôt, il l'aperçoit revenir vers lui à petites foulées avec sa perche: "Qu’est-ce qu’il fout ce con ? Qu’est-ce que tu fous-là bas ? Viens-là nom de Dieu ? Qu’est-ce que t’es allé foutre là-haut ? Qu’il est con celui-là aussi, aaah !"

Impatient de lancer enfin la scène, il explose ensuite, hurlant "Moteur", sur la grève normande. 

Robin Verner