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Cinéma

Jean-Pierre Marielle: ses comédies cultes rééditées en DVD

Jean-Pierre Marielle dans Les Galettes de Pont-Aven

Jean-Pierre Marielle dans Les Galettes de Pont-Aven - Studio Canal

Un coffret DVD réunit plusieurs films de Jean-Pierre Marielle, dont certains réalisés par son cinéaste fétiche Joël Séria. Ce dernier dresse le portrait du célèbre acteur.

Il y a des duos qui marquent des décennies. Celui formé par l'acteur Jean-Pierre Marielle et le réalisateur Joël Séria est l’un d’eux. Ensemble, ils ont tourné dans les années 1970 et 1980 une poignée de comédies paillardes devenues cultes: Charlie et ses deux nénettes (1973), Les Galettes de Pont-Aven (1975), Comme la lune (1976) et Les Deux crocodiles (1987).

A l’occasion de la sortie d’un coffret DVD réunissant plusieurs films de Jean-Pierre Marielle, dont certains réalisés par Joël Séria, le cinéaste dresse le portrait de son compagnon de route, un des acteurs les plus réputés du cinéma français.

1969. Jean-Pierre Marielle a déjà une dizaine d’années de carrière derrière lui, mais reste peu connu du grand public, contrairement à ses amis du Conservatoire national Jean-Paul Belmondo et Jean Rochefort. Un temps membre de la Compagnie Grénier-Hussenot, il alterne entre télévision, théâtre et cinéma, où il décroche des rôles mineurs. En 1969, il apparaît notamment dans Guerre et paix au café Sneffle, une pièce de Rémo Forlani. Joël Séria, présent dans la salle, est subjugué:

"J’allais souvent au théâtre à cette époque et j’avais déjà vu Jean-Pierre dans plusieurs spectacles ainsi que dans L'amour c'est gai, l'amour c'est triste de Jean-Daniel Pollet. Il était formidable. J’ai tout de suite été séduit par sa cocasserie, sa façon de dire les textes: il n’avait aucune vulgarité même en disant des expressions assez crues. "

"Personne ne voulait de Marielle en rôle principal"

1973. Jean-Pierre Marielle commence à se faire connaître du grand public avec des rôles de vicelards dans des comédies comme Sex-shop de Claude Berri. Un temps acteur, Joël Séria est alors devenu réalisateur. Il a signé un film, Mais ne nous délivrez pas du mal, qui a été accusé de perversité et de sadisme par la censure, qui l’a ensuite interdit.

Lorsqu'il prépare son deuxième film, Charlie et ses deux nénettes, il pense aussitôt à Jean-Pierre Marielle pour le second rôle masculin, celui du forain Tony. Entre les deux hommes, ce fut le coup de foudre: "Je l’ai rencontré. Je lui ai donné le texte à lire. Il a trouvé ça très bien et on a monté le film avec lui", indique Joël Séria.

Le tournage se passe si bien que le cinéaste rêve de lui confier le rôle principal de son prochain film. Impossible, pourtant, de monter ce nouveau projet intitulé Les Galettes de Pont-Aven: "Personne ne voulait de Marielle en rôle principal", se souvient le réalisateur. Et ce malgré son tournant dramatique dans Que la fête commence de Bertrand Tavernier. Grâce à l’intervention de Jean-Paul Belmondo, la situation se débloque et le tournage peut commencer.

Le reste appartient à l’histoire: plus d’un million de spectateurs plus loin, les aventures érotico-burlesque de Henri Serin, représentant en parapluie, sont devenues cultes, un réservoir inépuisable de répliques écrites dans une langue dont seul Joël Séria détient le secret: "Ah ton cul, ton cul, c'est mon génie!", "Tu sens la pisse, pas l’eau bénite" ou encore "Ton minou, on dirait de la mousse!" Marielle n’improvisait pas: "Tous les dialogues sont de moi!", s’exclame Joël Séria. "Il est très respectueux du texte. Je ne l’ai jamais vu rajouter un mot ou enlever un mot. Dans sa bouche, la vulgarité a presque de la classe..."

"Marielle était très pudique"

Le texte des Galettes le faisait "saliver", précise Joël Séria: "les mots, l’enchaînement du dialogue: il rentrait là-dedans très facilement”. Que ce soit dans On aura tout vu, comédie sur le milieu du porno ou Signes extérieurs de richesse, sur la fraude fiscale, Jean-Pierre Marielle excelle dans les rôles de bonimenteurs. Et ce malgré un caractère "très pudique", confie Joël Séria:

"Je ne l’ai jamais entendu dire un truc un peu osé ou proche de la vulgarité dans la vie. C’était très étonnant de voir à quel point il rentrait dans ce personnage des Galettes. C’était un des seuls acteurs en France qui pouvait s’investir dans un rôle comme les Italiens: Nino Manfredi, Vittorio Gassman."

Séria et Marielle se rendaient avant chaque film dans les magasins pour choisir les costumes et les accessoires du personnage: "Il s'investit beaucoup. C’est un grand observateur, Jean-Pierre." Ils ont découvert ensemble, chez Renoma, la fameuse robe de chambre violette de Comme la lune qui "mitraille sec". Pendant une quinzaine d’années, l’idylle a été parfaite: "Je me suis tellement bien entendu avec Jean-Pierre que j’ai enchaîné les films avec lui".

La séparation

Dans les années 1980, les premiers ennuis arrivent "J’ai écrit d’autres scénarios pour Jean-Pierre, mais ça a été un peu compliqué avec son agent de l’époque pour les monter", déplore Joël Séria. "J’ai bien regretté, car c’est un acteur avec lequel je m’entends infiniment bien."

Les scénarios non-produits sont devenus des romans, comme Que viva cinéma, où Marielle aurait dû incarner un exploitant d’un cinéma d’art et essai de province. "C’était un beau personnage pour Jean-Pierre", regrette le cinéaste, qui a aussi écrit pour son acteur fétiche la suite des Galettes. Les deux hommes n’ont jamais été brouillés et Séria assure qu’il n’a "jamais réussi à savoir ce qu’il s’était passé":

"J’avais trois-quatre films à lui faire faire et dans lequel il aurait pu être époustouflant. Les personnages étaient aussi extravagants que ceux que je lui avais déjà fait jouer. Je pense que j’aurais pu en faire des films agréables. C’était un acteur que je sentais très bien. J’avais une facilité à lui écrire des dialogues. C’est un grand acteur, de la race des Jules Berry, Pierre Brasseur, même Michel Simon. C’est vraiment une grande pointure."

Jérôme Lachasse