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Cinéma

Jean-Paul Rouve: "Les gilets jaunes n’existaient pas quand on a écrit Les Tuche 3"

Louis Vazquez et Jean-Paul Rouve dans Donne-moi des ailes

Louis Vazquez et Jean-Paul Rouve dans Donne-moi des ailes - SND

Jean-Paul Rouve revient avec Donne-moi des ailes, plaidoyer écologique de Nicolas Vanier. A la recherche de rôles plus engagés, il raconte cette quête, qui l’a conduit notamment à sauver des oies sauvages et à anticiper les gilets jaunes dans Les Tuche 3.

Ancien membre de la troupe des Robins des Bois habitué aux personnages fantasques, Jean-Paul Rouve livre depuis quelques années une facette plus sensible et plus engagée de sa personnalité. Ce mercredi 9 octobre, il est la tête d’affiche de Donne-moi des ailes, plaidoyer écologique de Nicolas Vanier en salles le 9 octobre. Rouve y porte l’histoire vraie de Christian Moullec, qui a volé dans les années 1990 en ULM avec des oies sauvages pour changer leur itinéraire de migration.

Donne-moi des ailes offre à l’interprète de Jeff Tuche un rôle dans lequel il excelle depuis quelques années: celui du Français moyen à la fois loufoque et utopiste capable de déplacer des montagnes pour rendre heureux ses proches.

"J’aime bien écrire ce genre de personnages, peut-être est-ce aussi ce qui me guide inconsciemment quand je choisis mes rôles. [Celui de Donne-moi des ailes] n’était pas si loufoque que ça dans le scénario. Il a beaucoup évolué dans ce sens au tournage. Ça nous amusait d’aller dans cette direction."

Christian Moullec et Jeff Tuche sont en effet portés par un idéal similaire. Tandis que le premier soigne ses oies, en attente d’un monde en harmonie avec la nature, le second se présente à la campagne présidentielle et rêve d’une société sans travail: "C’est vrai qu’il y a ce point commun du pot de terre contre le pot de fer. C’est un peu notre société qui est comme ça. Les films et les personnages sont le reflet de la société."

"Les Tuche, c’est très engagé"

Malgré la dimension burlesque de certaines scènes, Donne-moi des ailes est le premier film où Jean-Paul Rouve s’engage avec autant de conviction politique et écologiques.

"Lorsque je l’ai rencontré, Nicolas m’a dit qu’il avait besoin de moi pour accompagner la sortie du film, pour l’aider. Je trouve ça bien de pouvoir avoir une démarche un peu citoyenne, de se servir de son travail pour essayer de faire passer des messages." Est-ce le rôle de l’artiste populaire de s’engager de la sorte? "Il n’y a pas de règle là-dessus", estime Rouve. "Il n’y a pas plus de valeur s’il y a un message. Tout n’est pas politique." 

On serait tout de même tenté de penser l’inverse dans son cas. Même ses comédies récentes, comme Les Tuche 3, se politisent. "Les Tuche, c’est très engagé. Ça dit plein de choses", confirme-t-il. Il complète: "C’est peut-être aussi le temps qui passe, le fait de vieillir… Ça joue forcément. On a envie d’ajouter du fond… Quand on écrit Les Tuche, évidemment on en met. On n’est pas moralisateur ou donneur de leçons. Surtout pas. Si on arrive à mettre des petites touches en second plan, on est très heureux."

"Nicolas est complètement en phase avec la société"

Imaginé il y a plusieurs années, Donne-moi des ailes fait pourtant écho à l’actualité et notamment à cette jeunesse qui s’engage pour sauver la planète. En regardant le fils de Christian Toullec s’envoler avec des oies sauvages, impossible de ne pas penser aux actions de Greta Thunberg: "C’est dingue. Le garçon fait la même chose dans le film", commente Rouve. "On se rend compte que l’utopie de la jeunesse est une vraie force. C’est par eux que le changement viendra. Nicolas est complètement en phase avec la société, il voit venir les choses." 

Rouve aussi. Les Tuche 3, qui s’inspirait de la montée du Front national pendant la campagne de 2017 et de l’affaire Fillon, a également anticipé presque un an avant le mouvement des gilets jaunes dans une scène où des individus vêtus du fameux vêtement font grève à l’Elysée. Une séquence très commentée: "Ça nous a fait marrer. Il n’y avait rien derrière, évidemment. Les gilets jaunes n’existaient pas quand on a écrit. C’est un hasard." Jean-Paul Rouve précise toutefois: "On en parlait un peu, sans s’imaginer que ça exploserait vraiment. Il faut écouter les gens." 

Une autre scène, celle du débat entre Michel Papin et Jeff Tuche, montre à quel point le président en place est déconnecté de la réalité. La scène, sommet comique du film, cristallise certains griefs exprimés au moment des manifestations des gilets jaunes. L'acteur en explique la genèse: 

"Comme [Jeff Tuche et le président Papin] n’ont pas les mêmes armes, on a pensé au match de tennis Lendl contre Chang [en 1989], où Chang, alors un novice, change tous les codes et fait des services à la cuillère, comme un enfant de cinq ans. Lendl, lui, ne rattrape pas la balle. Ça raconte tout. On change tous les codes et en face le mec est déstabilisé. C’est cela dont on voulait parler. On ne voulait évidemment pas faire du populisme, en disant que les gens plus simples ont des solutions plus intéressantes. Ce n’est pas vrai. On ne voulait pas tomber dans cette utopie-là, qui peut vite aboutir à un poujadisme assez idiot." 

"Si tout va bien, on tourne Les Tuche 4 en février"

Pour Jean-Paul Rouve, l’engagement continue. Après Donne-moi des ailes, il sera à l’affiche l’année prochaine de Petit Pays, le "roman sublimissime" de Gaël Faye autour du génocide au Rwanda. Un projet étonnant pour l’acteur que l’on retrouvera également en janvier dans une adaptation d’Anna Gavalda. Est-il à un tournant de sa carrière, laissant de côté les comédies? "Je vous jure que ce n’est pas calculé. Je lis des scénarios qui me plaisent. C’est plus mes refus qui font mes choix." Il refuse plus de comédies, "mais pas parce que ce sont des comédies": "C’est ce que je lis que je ne trouve pas bien ou déjà fait, déjà vu, pas assez drôle."

En novembre, il tourne sous la direction de François Desagnat Zaï zaï zaï zaï, d’après Fabcaro. "C’est un chef-d’œuvre absolu. Fabcaro est un dieu pour moi. J’ai tout lu. Ses romans sont déments. C’est l’humour burlesque que j’aime: les Monty Python, les Nuls… C’est la même famille. L’adaptation est à mourir de rire. C’est transposé dans le milieu du cinéma." Ce sera un projet modeste: "C’est pas une niche, mais quand il m’arrive de raconter des blagues de Zaï zaï zaï zaï, les gens ne comprennent pas ce qu’il y a de drôle". 

Rouve écrit aussi le quatrième volet des Tuche. "J’étais hier [l’interview a eu le 24 septembre, NDLR] avec Olivier Baroux pour refaire une passe. Si tout va bien on tourne en février." L’intrigue se déroulera à Noël, mais ce ne sera pas, comme le veut la tradition, un conte optimiste: "Non, ce n’est pas forcément optimiste, et ce n’est pas un conte non plus." Jeff Tuche croisera-t-il le Père Noël? "Je ne peux rien dire. C’est encore trop tôt. On se pose encore plein de questions." Une chose est sûre: Jeff Tuche ne sera pas pape, comme le suggérait le troisième film. "C’était qu’une vanne de fin."

Jérôme Lachasse