BFMTV
Cinéma

Houellebecq dans Thalasso: "Quand je fais un truc qui ne va pas, je me dis que Depardieu a fait pire"

Houellebecq et Depardieu dans Thalasso

Houellebecq et Depardieu dans Thalasso - Copyright Wild Bunch Distribution

L’écrivain et l’acteur partagent l’affiche du nouveau film de Guillaume Nicloux. Dans Thalasso, ils découvrent les joies de la cure, philosophent sur le sens de l’existence, assistent à des phénomènes paranormaux et affrontent Sylvester Stallone.

On croyait l’époque des duos comiques révolue, enterrée au box office par les troupes (comme celle de la Bande à Fifi ou de Franck Gastambide). Et voilà que déboule, quelques mois seulement après le succès des Déguns (Walter), un autre duo comique: Michel Houellebecq et Gérard Depardieu. Véritables Laurel et Hardy du cinéma français, l’écrivain de la fin de civilisation et l’ogre du 7e Art débarquent en salle le 21 août.

Si les deux enfants terribles ne se connaissaient pas avant le tournage, ils s’accordent parfaitement à l’écran. Guillaume Nicloux, le metteur en scène de leur rencontre cinématographique, en est le premier heureux: "Ils auraient pu ne pas s’entendre. On les a mis l’un à côté de l’autre et - paf! - Il y a eu comme une évidence", se souvient-il. 

À l’affiche de Thalasso, Depardieu et Houellebecq découvrent les joies de la cure (cryothérapie, bain de boue, régime strict), philosophent sur le sens de l’existence, assistent à des phénomènes paranormaux et affrontent Sylvester Stallone. "C’est un plaisir de se retrouver et d’inventer ensemble", raconte Guillaume Nicloux, qui a déjà travaillé cinq fois avec Depardieu et trois avec Michel Houellebecq. Avec le premier, Nicloux a notamment réalisé Valley of Love et The End, des films oniriques interrogeant les certitudes du spectateur.

Avec le second, Nicloux a tourné L’Enlèvement de Michel Houellebecq, un téléfilm qui a révélé en 2014 le talent comique du romancier fan de Louis de Funès. "C’est un film qui repose essentiellement sur la confiance que ces deux personnes m’accordent. Je les entraîne sur un terrain où il y a une part d’inconnu puisque je distille au fur et à mesure les informations", développe Nicloux. 

"Tant qu’il y a Depardieu, je peux dire des conneries"

Réunir ces deux personnalités et ces deux aspects de son cinéma au sein de Thalasso s’est fait naturellement: "Avoir une complicité avec deux personnes, la possibilité de les réunir et de vous mettre au milieu pour voir ce que tout ça va donner, c’est une belle promesse. Surtout quand il s’agit d’une comédie. Ça permet à la fois de prendre du plaisir avec des tonalités assez décontractées et de traiter par moment de sujets plus inattendus avec une forme d’ésotérisme. Ça permet aussi de livrer une facette méconnue de la personnalité de Michel et de Gérard." Et de jouer avec ce que le public croit savoir d’eux. 

Houellebecq évoque ainsi ses dents et son physique. Depardieu, de son côté, revient sur ses amitiés politiques et lâche un tonitruant "J’aime Poutine". "En l'occurrence, ils disent ce qu’ils pensent le plus souvent", précise Nicloux. "Mais là, ils se le disent l’un et à l’autre. C’est ce que ça produit lorsqu’ils se le racontent [qui est intéressant]. Ce que vous citez sont deux exemples de saillies verbales assez marquantes parce que certains médias pratiquent l’extraction qui, sous prétexte de quintessence, dénature [leurs] propos."

Dans une autre scène marquante de Thalasso, Depardieu et Houellebecq sont copieusement insultés et baptisés "la honte de la France". Un surnom qui leur convient à tous les deux, comme ils le racontent dans une interview accordée à leur réalisateur: "Ce n’est pas faux", rigole Houellebecq en précisant qu’il s’agit de sa réplique préférée du film. "J’adore ça", renchérit Depardieu, avant de nuancer: "C’est la vérité des gens, pas forcément la nôtre. C’est la vérité de ce que nous sommes, de ce que nous représentons parfois pour des gens." Et Houellebecq de compléter:

"Pour moi, Gérard Depardieu est une grande consolation dans la vie: quand je fais un truc qui ne va pas, je me dis que de toute façon Depardieu a fait pire. Tant qu’il y a Depardieu ça va, je peux dire des conneries. C’est une présence rassurante."

"Ils ont décidé de ne plus donner d’interviews…"

Au-delà des phrases-chocs, il y a dans Thalasso une touchante mise à nu de Houellebecq et Depardieu. Dans une scène particulièrement poignante, Houellebecq pleure et prononce un discours sur le mort surprenant d’optimisme: "La mort n’existe pas, Gérard. Il n’y a rien de définitif", explique calmement l’écrivain. "On a presque envie d’y croire. C’est ça qui est troublant", analyse Nicloux. "Je n’ai jamais perçu Michel sur une ligne de noirceur. Il est convaincant parce que c’est aussi une parole que l’on n’a jamais entendue de sa part. Michel n’est pas réputé pour faire des blagues. En général, quand il dit quelque chose, c’est mûrement réfléchi. On peut ne pas être d’accord, mais c’est mûrement réfléchi. Ce n’est pas anodin."

Face à Houellebecq, Depardieu est abasourdi: "Il est sidéré", rectifie Nicloux. "C’est la deuxième fois. Je n’avais jamais eu l’occasion de vivre la sidération d’une personne que je filme avant Valley of Love. C’est à nouveau Gérard qui me l’a donnée. Ça me touche beaucoup. Le but du cinéma est de proposer des instants de vérité qui surpasse le mensonge qui est créé." La force de la scène vient aussi de l’histoire personnelle de Depardieu: c'est évidemment à son fils Guillaume, disparu en 2008, que l’on pense en voyant la réaction interloquée du comédien.

Nicloux s’amuse à brouiller réalité et fiction. Depardieu raconte ainsi deux anecdotes truculentes. Selon la première, il aurait joué dans un film X en 1971, mais la pellicule a été brûlée par des mafieux. Selon la deuxième, Sylvester Stallone aurait été contraint de confier à Ornella Muti le rôle de son épouse dans son remake d’Oscar car elle était la maîtresse du mafieux qui produisait le film. Est-ce vrai? Est-ce faux? Nicloux préfère conserver le mystère: "Je ne peux pas répondre à sa place. Pas de chance, ils ont décidé de ne plus donner d’interviews…" 

"On pourrait faire une confrontation entre Houellebecq et Hollande"

Le réalisateur n’aime pas les explications et préfère que le spectateur s’interroge seul sur ses œuvres. Le 28 août, une semaine après Thalasso, Nicloux dévoilera sur Arte son prochain projet, Une Seconde fois, une série où Gaspard Ulliel retourne dans le passé en passant par un carton pour reconquérir sa compagne. "C’est venu comme ça", indique Nicloux. "C’est ce qui est bien quand on ouvre un peu la fenêtre de l’inconscient: ça jaillit, puis on ne rationalise pas, on n’a pas d’explication. Il ne faut pas avoir peur de ne pas en donner. Les questions sont souvent beaucoup plus intéressantes que les réponses inventées."

Houellebecq et Depardieu dans Thalasso
Houellebecq et Depardieu dans Thalasso © Copyright Wild Bunch Distribution

C’est pour cette raison que Houellebecq clame tout au long de Thalasso avoir été enlevé par François Hollande: "Ça, c’est vrai", répond le plus sérieusement du monde le cinéaste. "C’est ce qui est bien. Tout ça noyé dans l’intérieur, on se dit que c’est absurde.... mais là, en l’occurrence, sans doute qu’il le reconnaîtra un jour. Je ne désespère pas de le faire tourner dans le troisième volet: on pourrait faire une confrontation entre Houellebecq et Hollande. Ce n’est pas impossible." D’autant que Hollande a récemment joué en Avignon. "Ouais, ouais… ce n’est pas impossible", répète-t-il mystérieusement.

En attendant cette éventuelle rencontre, Nicloux prépare une adaptation de Soumission de Houellebecq. Le réalisateur, qui prévoyait une série, a finalement opté pour un film. En cours d’écriture, le projet n’a pas de date de sortie.

Jérôme Lachasse