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Cinéma

Hayao Miyazaki: les secrets du maître de l'animation

Hayao Miyazaki

Hayao Miyazaki - Frazer Harrison / Getty Images North America / AFP

La maître du cinéma d'animation est au centre d'un nouveau livre étudiant son œuvre. Et dévoilant des détails méconnus sur sa carrière.

Mon Voisin Totoro, Princesse Mononoké, Le Voyage de Chihiro... Vénéré au Japon, Hayao Miyazaki est considéré comme un des maîtres du cinéma. Né en 1941, en pleine seconde guerre mondiale, influencé autant par les mangas d'Osamu Tezuka que par la culture européenne, il a réalisé onze films qui ont profondément marqué des générations de spectateurs.

Comme Walt Disney avec Mickey Mouse et Osamu Tezuka avec Astro Boy avant lui, il a créé des figures mythiques, comme Totoro. Alors que le cinéaste, désormais âgé de 77 ans, prépare un nouveau film (sortie prévue dans trois-quatre ans), le Français Gaël Breton lui consacre un livre sobrement intitulé L'œuvre de Hayao Miyazaki (Third Edtiion).

Acharné de travail

Le texte retrace la biographie du réalisateur, dont le père, ingénieur aéronautique, participa à la construction des avions de chasse modèle A6M Zero des kamikazes de l'armée japonaise. Soixante-ans dix plus tard, Miyazaki s'en souviendra pour Le Vent se lève.

Gaël Breton dresse le portrait d'un acharné de travail, qui n'hésite pas à sacrifier ses relations (notamment avec son fils Goro), mais aussi d'un génie dont chaque film repoussa en leur temps les limites de l'animation. Analysant chacune de ses œuvres, des plus célèbres au moins connues, comme Panda Petit Panda, et ses thématiques récurrentes, L'œuvre de Hayao Miyazaki est une porte d'entrée idéale pour comprendre sa filmographie et une mine d'informations sur la vie de cet homme secret. En voici dix. 

Miyazaki syndicaliste

Au début des années 1960, alors jeune animateur, Hayao Miyazaki s'engage à gauche. Nommé secrétaire en chef du syndicat des Travailleurs de la Toei, le grand studio d'animation japonais, il rencontre notamment le réalisateur Isao Takahata, le chef-animateur Yasuo Otsuka, avec qui travaillera pendant vingt ans, et surtout l'animatrice Akemi Ota, qu'il épouse en 1965.

Panda Petit Panda, la matrice

Diffusés en 1972 et 1973, les deux moyens-métrages Panda Petit Panda contiennent déjà toute l'œuvre de Miyazaki bien qu'ils soient réalisés par ... Isao Takahata. Miyazaki s'est chargé du design et du scénario, inspiré par un projet avorté de Fifi Brindacier. On retrouve dans Panda Petit Panda plusieurs idées qui seront utilisées dans Mon Voisin Totoro et Ponyo sur la falaise: Papa Panda ressemble comme deux gouttes d'eau à Totoro et l'héroïne Mimiko à Mei; et une scène de tempête sera aussi reprise telle quelle dans Ponyo sur la falaise.

L'origine du nom "Ghibli"

C'est Hayao Miyazaki lui-même qui a trouvé le nom de son studio. "Ghibli" désigne à la fois un avion de reconnaissance de l'armée italienne pendant la Seconde guerre mondiale et un vent chaud du désert du Sahara. "Miyazaki veut alors, selon Toshio Suzuki [le producteur des films Ghibli, NDLR], faire souffler un vent fort sur le monde d'animation", note Gaël Berton, qui ajoute: "Au moment de transcrire phonétiquement le mot dans la langue japonaise pour l'enregistrement, une erreur est commise par rapport à la prononciation originale: [guibli] devient alors [djibli] et lorsque l'équipe s'en aperçoit, il est trop tard pour la corriger".

Totoro, l'hymne des maternelles

Composé par le fidèle Joe Hisaishi, la chanson Sampo - Watashi ha genki de Mon Voisin Totoro est "si appréciée au Japon [qu'elle] est même devenue un hymne des maternelles de l'Archipel", explique Gaël Berton. Le morceau est même utilisé dans les kermesses des écoles.

Le jour où Miyazaki a quitté Ghibli

Sorti en juillet 1997, Princesse Mononoké rencontre un immense succès. Quatorze millions de spectateurs japonais se ruent dans les salles obscures pour y découvrir les aventures d'Ashitaka. Malgré le retentissement mondial du film, le cinéaste est épuisé et décide de quitter Ghibli au début de l'année 1998 pour fonder un nouveau studio d'animation. Intitulé Butaya ("la maison des cochons"), cette nouvelle entreprise, plus intimiste, ne dure pas: en janvier 1999, Miyazaki est contraint de revenir chez Ghibli après la mort de celui qu'il considérait comme son héritier, Yoshifumi Kondo.

Miyazaki et les cochons

Le cinéaste aime se représenter, dans ses mangas, sous la forme d'un cochon. L'animal se retrouve également dans Le Voyage de Chihiro, Princesse Mononoké (sous la forme des dieux sangliers) et bien entendu dans Porco Rosso. Selon Gaël Berton, il s'agit de l'animal que Miyazaki représente le plus dans ses œuvres.

Le rapport à la nature

Souvent présentés comme des fables écologiques, les films de Miyazaki ont tendance "plutôt à mettre en lumière les excès et une certaine folie des hommes", analyse Gaël Berton, qui précise que "les dénonciations majeures des œuvres de Miyazaki s'organisent généralement autour d'un expansionnisme civilisationnel avide de richesse ou de pouvoir, industriel ou militaire, sans conscience des conséquences environnementales". Qu'il représente une paisible crique dans Porco Rosso, un camphrier dans Mon Voisin Totoro ou une île volante dans Le Château dans le ciel, Miyazaki a multiplié les images de havre de paix pour contrebalancer cette violence des sociétés humaines. 

Des relations compliquées avec son fils Goro

Très exigeant avec lui-même et ses équipes, Hayao Miyazaki l'a été encore plus avec son fils Goro, devenu lui aussi cinéaste après avoir dirigé le musée Ghibli. Hayao Miyazaki n'a pas manqué de critiquer publiquement les réalisations de son fils. A noter que Les Contes de Terremer, sorti en 2006, met en scène dès ses premières minutes un ... parricide. Hayao Miyazaki détesta le film, dont il quitta la projection au bout d'une heure. 

Les héritiers

C'est l'éternelle question: qui peut succéder à Miyazaki? Adoubé par le maître et auteur d'un film, Si tu tends l'oreille, Yoshifumi Kondo est cependant mort à l'âge de 38 ans d'une dissection aortique, vraisemblablement à cause du surmenage. Outre Goro Miyazaki, Mamoru Hosoda (Le Garçons et la Bête et Miraï, ma petite sœur), Hiromasa Yonebayashi (Arrietty, le petit monde des chapardeurs, Souvenirs de Marnie) et Kitaro Kosaka (Okko et les fantômes) sont considérés comme des potentiels héritiers.

Un auteur féministe?

On ne compte plus les héroïnes de Miyazaki: Mononoké, Kiki, Chihiro, Mei, Nausicaä... Souvent présenté comme un auteur féministe, le maître est cependant plus complexe: "Dans une société japonaise contemporaine où la plupart des femmes quittent encore leur emploi à la naissance du premier enfant pour devenir mères au foyer, dans un couple pourtant initialement progressiste où Miyazaki lui-même a finalement demandé à son épouse de quitter son emploi d’animatrice contre son gré, dans une japanimation où la femme a longtemps été cantonnée à des rôles stéréotypés de femme fatale, voire de vulgaire objet sexuel ou de demoiselle en détresse, l’artiste fait figure de paradoxe en offrant aux filles et femmes une position et un statut déterminants", analyse Gaël Berton.

Jérôme Lachasse