BFMTV
Cinéma

Glass, le grand retour de M. Night Shyamalan dix-neuf ans après Incassable

Glass de Shyamalan

Glass de Shyamalan - Copyright The Walt Disney Company France

Le réalisateur sort ce mercredi 16 janvier Glass, suite d'Incassable et de Split. Avec ses comédiens Samuel L. Jackson, James McAvoy et Sarah Paulson, il raconte à BFMTV.com les coulisses de ce film attendu depuis dix-neuf ans par ses fans.

Comme Elijah Price, l’homme de glace machiavélique incarné par Samuel L. Jackson dans Incassable et Glass, M. Night Shyamalan avait tout prévu depuis le début. Sorti en 2000, un an après le succès mondial du Sixième Sens, Incassable était à l’origine imaginé comme une dramatisation sérieuse et réaliste des récits de super-héros.

"A l’origine, l’histoire était: un type enlève trois filles. Il se trouve qu’il a de multiples personnalités et la dernière, dit-il, est la Bête qui s'apprête à sortir pour les attaquer. Un autre type survit à un accident de train, n’a aucune égratignure et ignore comment cela s’est produit. Alors, un troisième type arrive pour lui dire qu’il sait pourquoi il est comme ça et qu’il est un véritable super-héros. Il refuse d’admettre l’évidence, puis se résigne, sauve les filles enlevées, qui découvrent par la même occasion l’existence des super-héros et préviennent le monde."

M. Night Shyamalan a mis 19 ans pour raconter cette histoire. 19 années pendant lesquelles il a connu le succès (Signes, Le Village), de lourds échecs commerciaux (Le dernier maître de l’air, After Earth) et la rédemption (The Visit, Split). Son histoire était bonne, mais trop éclatée pour tenir en un seul film, confie-t-il:

"Une fois que les filles sont en danger, vous ne pouvez plus faire un drame intimiste sur David Dunn [le personnage joué par Incassable, NDLR]. Le public serait impatient! 'Accepte que tu es un super-héros et va sauver les filles!' Il ne pouvait pas avoir une crise existentielle pendant une heure et demie sinon le public allait le détester."

A chaque film son atmosphère

Il a donc divisé son histoire en trois films. Chacun ressemble à son personnage principal. Incassable est un drame austère, comme son taciturne héros David Dunn, seul survivant d’un accident de train qui découvre sa force hors du commun et voit les mauvaises actions d’un individu par un simple contact avec lui. Split est un huis-clos étouffant, comme Kevin Crumb (James McAvoy), homme doté de 24 personnalités, dont une meurtrière, "La Bête". Glass, enfin, possède le ton philosophique d’Elijah Price, un collectionneur de comics à l'intelligence surhumaine.

Capturés au début de Glass, David Dunn et Kevin Crumb rejoignent dans un asile psychiatrique Elijah Price, interné depuis presque deux décennies. Ils sont soignés par le Dr Staple (Sarah Paulson), dont la spécialité est de soigner des individus persuadés d’être des super-héros. Un rôle essentiel qui fait le lien entre les trois protagonistes.

"Il était très important pour Shyamalan qu’elle n'apparaisse pas supérieure à ses interlocuteurs", raconte Sarah Paulson. "L’unique manière de les atteindre était qu’ils ne se sentent pas menacés par elle. Il peut arriver, lorsqu’un membre du personnel hospitalier vous parle, que vous vous sentiez comme un enfant et que vous vous placiez sur la défensive. Il était indispensable que son empathie prenne le dessus."

La première confrontation entre les trois hommes et le Dr. Staple se déroule dans une immense pièce rose. La scène, capitale dans Glass, dure une dizaine de minutes. "Mon personnage parle beaucoup dans cette séquence, ajoute l'actrice. C’était la première fois que j’étais avec les trois. C’était intimidant. Elle a une relation différente avec chaque personnage. C’était difficile, mais très enrichissant."

Glass de Shyamalan
Glass de Shyamalan © Copyright Universal Pictures / Jessica Kourkounis

L'importance de la couleur

Comme souvent chez Shyamalan, l’importance de cette séquence est signalée par la couleur. Il n’a pas voulu, précise-t-il, rendre hommage aux couleurs traditionnelles des protagonistes et des antagonistes de Marvel et DC, qui portent respectivement du vert (Hulk, Green Lantern) et du violet (le Joker, Galactus, Thanos). Au contraire, les couleurs portées par les personnages sont liées "à leur signification en psychologie":

"Dans Incassable, le monde normal est unicolore. Quand vous commencez à croire que les super-héros existent, vous commencez à voir les couleurs primaires. Quand David touche un personnage avec une veste rouge foncée, celle-ci devient rouge vif dans le plan suivant. On était avant les effets spéciaux numériques, on a dû en créer deux! Dans Glass, c’est pareil. Le vert que porte David est celui de la vie: c’est la signification traditionnelle de cette couleur. David est le protecteur de la vie. L’ocre du pantalon de Kevin est une couleur religieuse. En Inde, les moines l’utilisent. Je vois 'La Bête' comme un évangéliste, un prêcheur. Il a ses disciples [les 24 personnalités]. Le violet a toujours été dans l’histoire pour la royauté. Et Mr. Glass se voit comme un roi. La salle rose, c’est l’endroit où l’on cesse de croire, où les couleurs commencent à disparaître, où le rouge devient blanc. Ça redevient neutre. Le Dr. Staples est ainsi habillée de blanc, de bleu très pâle, de gris, car elle ne croit pas aux super-héros."

En mettant en scène des super-héros existentiels, Shyamalan livre une nouvelle réflexion sur la religion et la croyance, un des axes majeurs de sa filmographie. S'il tourne le dos aux productions Marvel et DC Comics, il ne s’est pas interdit de réaliser quelques séquences de combats spectaculaires.

Celui qui fut longtemps comparé à Spielberg a truffé son récit de références à Marvel, à DC Comics et à la série culte des années 1960 La Quatrième dimension. Il a aussi confié à Alex Ross, dessinateur connu pour ses représentations hyperréalistes des super-héros américains, le soin de réaliser une affiche de Glass.

Affiche de Glass par Alex Ross
Affiche de Glass par Alex Ross © Alex Ross / Universal Pictures

"Des histoires de dieux habitant parmi les humains"

Originaire de Philadelphie, Shyamalan a grandi en regardant à la télévision les rediffusions de Batman avec Adam West et les séries Hulk et Wonder Woman. Bien que Glass puisse paraître comme une critique des films de super-héros, Shyamalan comprend leur importance dans le contexte actuel.

"Le public a besoin de familiarité. Avant, personne ne voulait de suites. Aujourd’hui, dans notre monde, c’est un phénomène culturel: ils veulent se sentir connectés, en sécurité. Le cadre est très important. Peut-être cela va-t-il changer et referons-nous des histoires originales. Les histoires de super-héros ne parlent que de personnes banales dotées de pouvoirs qui deviennent extraordinaires. Ce sont des dieux parmi nous. Dans Glass, le Dr. Staple dit: 'Ce sont des histoires de dieux habitant parmi les humains'."

"C’est une évasion"

James McAvoy, qui joue un de ces dieux, a le rôle le plus difficile: celui de l'homme aux multiples personnalités, allant d'un garçon de neuf ans à une nonne en passant par une créature monstrueuse et un professeur d'histoire.

"Chacun devait avoir sa propre personnalité et être suffisamment différent l'un de l'autre pour éviter la confusion", confie l'acteur. "Je me suis beaucoup entraîné. J’ai retrouvé une méthode que j’employais quand j’avais une vingtaine d’années: jouer devant un miroir, me regarder, scruter ce qui changeait."

Un travail à la hauteur de l'importance de ces récits super-héroïques dans notre société, ajoute Samuel L. Jackson, qui joue également dans les productions Marvel depuis une dizaine d’années:

"Y a-t-il trop de romances? d’histoires policières? de drames? Il y a tellement de plateformes et tellement d’espaces à remplir. Marvel et DC contrôlent tout cela. Les gens veulent être excités par des choses qui ne font pas partie de leur routine. Les gens adorent imaginer le fait que certaines personnes peuvent voler ou traverser le temps ou voyager de galaxie en galaxie. Quand j’étais petit, j’adorais les films avec des pirates, car ils étaient sur des bateaux et ils voyageaient, ils se battaient. Je trouvais ça excitant. Je voulais monter sur un bateau et faire comme eux. Maintenant, les gens montent dans des fusées et explorent des planètes. C’est bien. C’est une évasion. C’est ce qui maintient en vie ce business."
Jérôme Lachasse