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Franck Gastambide: "Je vais me calmer sur les gags à base de matière fécale"

Franck Gastambide

Franck Gastambide - Yohan Bonnet / AFP

L’acteur et réalisateur de Pattaya et Taxi 5 revient avec Damien veut changer le monde dans un rôle à contre-emploi. Il évoque pour BFMTV.com son rapport au rire.

Roi de la comédie potache en France avec Philippe Lacheau, Franck Gastambide change ses habitudes avec Damien veut changer le monde, comédie sociale sur le délit de solidarité.

Celui que l’on voit plus souvent jouer les armoires à glace magouilleurs et naïfs joue pour la première fois un personnage humain et généreux qui décide de reconnaître les enfants des femmes de son quartier pour qu’elles obtiennent la nationalité française.

Ce sujet de société l’a tant touché que l’acteur et réalisateur de Pattaya et Taxi 5 a renoncé à certains des gags qui ont contribué à sa renommée. Il explique ce choix, tout en évoquant son rapport au rire et le nouveau défi que constitue Damien veut changer le monde.

Il y a un an, vous étiez super-flic dans Taxi 5. Et maintenant, vous êtes dans l’illégalité.

Dans l’illégalité, c’est vrai, mais pas n’importe comment: pour un délit de solidarité. Faire quelque chose d’illégal pour le bien de son prochain et au nom de la fraternité: est-ce que c’est bien? est-ce que c’est mal? Le film pose la question.

Vous jouez souvent des personnages qui magouillent. Damien veut changer le monde est votre premier film où vous êtes totalement désintéressé.

Je ne m’étais jamais posé cette question, mais c’est vrai. Même quand je fais un film d’auteur comme La Surface de réparation, c’est aussi un mec qui fait des embrouilles. À part Good Luck Algeria, c’est mon premier rôle aussi humain. Le réalisateur a écrit le scénario en pensant à moi. Je suis flatté qu’il ait pu voir en moi ce personnage, la capacité de transmettre les émotions nécessaires à son histoire. Les réactions sont assez étonnantes. J’ai l’habitude que le public vienne me voir, après mes films, pour me dire qu’ils ont aimé telle vanne ou telle cascade. Là, les gens viennent me voir les yeux un peu rougis d’émotion, avec le sourire, parce qu’ils ont été touchés. C’est nouveau pour moi et c’est un très grand plaisir d’aller montrer le film aux gens et de les voir me découvrir d’une autre manière.

Contrairement à vos films, il n’y a ni gag burlesque, ni matière fécale dans Damien.

J’ai un scoop: je vais me calmer sur les gags à base de matière fécale.

Pourquoi?

Parce que je crois que j’ai été au max dans Pattaya avec la scène d’Anouar [Toubali, où il est aspergé par le vomi de Malik Bentalha, NDLR]. Il faut que j’explore d’autres manières de provoquer des rires. La comédie, c’est un genre de cinéma particulier, parce que le retour du public est immédiat. J’adore aller dans les salles voir mes films pour écouter les réactions du public. Je suis devenu accro non seulement à provoquer des rires, mais aussi des cris de rire.
Dans Les Kaïras, il y a la scène de la femme fontaine où, d’un coup, on avait 500 rires dans les salles au même moment: des cris à moitié de dégoût, à moitié des hurlements de rire. Avec Pattaya j’ai voulu provoquer la même chose avec la scène de Malik et Anouar. C’est un plaisir énorme pour moi, dès l’écriture, de me dire que j’ai trouvé une idée - j’écris tout seul sur mon Mac sur mon canapé - qui va marcher, qui va me permettre de provoquer des énormes éclats de rire: c’est orgasmique comme sensation. J’en suis devenu un peu accro. Ça, ça va dans un système d’humour un peu trash.
Damien veut changer le monde, c’est ce qu’on appelle de la comédie sociale. Ça n’empêche pas qu’il y ait une scène où quelqu’un se casse la figure, mais le propos est ailleurs, comme l’humour. Être acteur me permet d’aller dans des films que je n’aurais probablement pas les capacités d’écrire. Oui, il n’y a pas les gros gags de mes films, mais il y a [dans Damien] un humour plus fin, plus subtil, plus touchant. Mais je vais bientôt retourner à mes gros gags.

Avez-vous des gags que vous vous réservez pour de prochains films?

Pendant un moment, je faisais ça. Un jour, je parlais avec Nicolas Boukhrief, qui fait partie de mes maîtres, et il m’a dit: ‘Tu ne sais pas si tu feras un autre film. Quand tu peux tourner, tu mets tout.’ J’ai des projets d’avance. Les vannes viennent en fonction des projets. Comme Fifi, j’ai une particularité: j’écris pour mes potes. Ils sont ma source d’inspiration. Dans Pattaya, Ramzy a eu l’idée de certaines scènes et dialogues. Mes seules compétences se limitent parfois à seulement noter en me disant que c’est génial et en tournant une scène. Ramzy, c’est un grand joueur. J’essaye de lui préparer un beau terrain et il me fait des grands matchs. Je pourrais dire ça de Malik. C’est dans Pattaya que Sabrina [Ouazani] me fait le plus rire, quand elle me met une droite pour des frites. Encore en ce moment, quand on va parfois au restaurant, on me dit: 'attention, il ne faut pas manger ses tefris.' C’est ça la vraie récompense.

Avec Philippe Lacheau, vous êtes un des rares réalisateurs français de comédies à utiliser des gags visuels. Pourquoi est-ce si rare en France?

Je crois que c’est culturel. Le cinéma français est l’héritier de [François] Truffaut, [Jean-Luc] Godard et [Jacques] Audiard pour le film d’auteur et de Claude Zidi et Francis Veber pour la comédie. Veber est un de mes maîtres. C’est de la comédie avec des interprétations incroyables basées sur du comique de situation et du texte. Entre-temps, Internet est arrivé. On a vu beaucoup de films américains, beaucoup de comédies américaines. Avec Philippe, comme on est devenu accro à faire rire les gens, on va piocher dans le cinéma qui nous fait le plus marrer: les comédies anglaise et américaine. Very Bad Trip, les frères Farrelly, les productions de Judd Apatow, Borat, ça me parle. A partir du moment où c’est un peu irrévérencieux et sulfureux, ça me fait marrer.

Les gags visuels coûtent-ils chers?

C’est au cas par cas, mais non, je n’ai pas la sensation que ça coûte cher. La performance que vient de faire Philippe dans Nicky Larson n’est pas dans les gags visuels, c’est dans l’action, les effets spéciaux.
Si on parle du gag de Malik qui est malade et qui défèque sur Anouar, ce n’est pas une scène qui coûte très cher. Malik est assis sur un propulseur et, derrière lui, il y a trois feuilles de décor. On est en studio. Anouar est devant, il reçoit la matière qui est évidemment du Banania. Ensuite, on fait une prise et on la regarde. Pendant qu’on la regarde, il part se doucher, on change la feuille de décor - dont je n’ai que trois exemplaires, parce que Pattaya a un petit budget. Ensuite, on ajuste - on a une équipe d’accessoiristes qui fait des essais pour voir si ça marche.
Ce n’est pas ce qui coûte le plus cher. Bien souvent, le gag visuel est un peu snobé, on se dit que c’est un peu facile, que c’est juste un gars qui se prend les pieds dans le tapis, mais c’est souvent très drôle: il faut donc qu’on assume ce genre de gag, parce que la seule chose qui compte quand on fait de la comédie, c’est si le public rigole dans la salle.

Jérôme Lachasse