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Cinéma

Festival de Cannes: Paul Verhoeven réjouit la Croisette avec Elle

Le cinéaste néerlandais semble avoir conquis le public et les médias avec son dernier film, Elle, dans lequel l'actrice Isabelle Huppert tient le premier rôle.

Paul Verhoeven a réjoui la Croisette samedi avec Elle, un polar jubilatoire et transgressif, pimentant d'humour son cocktail habituel de sexe et de violence, avec une Isabelle Huppert au sommet.

A la veille du palmarès, le film a été très bien accueilli lors de la projection de presse, avec des rires et des applaudissements.

"Pervers, drôle, un grand plaisir. Huppert et Verhoeven: une équipe de rêve", a tweeté un critique du Guardian britannique tandis que L'Express saluait un film qui joue sur "une palette inouïe de sensations diverses, de la violence frontale à la farce burlesque".

Un retour triomphal après Basic Instinct 

Pour son premier film français, le réalisateur de Basic Instinct met en scène une femme d'affaires, victime un soir, dans sa belle maison bourgeoise, d'un viol perpétré par un homme cagoulé, qui la roue de coups. Une scène digne des jeux vidéos qu'elle produit pour son travail.

Michèle (Isabelle Huppert) en touche à peine un mot à ses proches et ne va pas se plaindre à la police. Elle s'achète une bombe de gaz lacrymogène, dort avec un marteau. Et continue sa vie, entre une mère botoxée, un ancien mari déprimé, un fils en mal de paternité et un futur ex-amant qui n'est autre que le mari de sa meilleure amie.

Elle soupçonne un temps son violeur d'être lié à l'histoire qui a brisé son enfance: celle d'un père massacreur d'enfants, qu'elle n'a jamais voulu revoir, et qui ressurgit à la faveur de sa demande de libération conditionnelle.

Fille d'un monstre, Michèle devra subir un nouveau viol avant de démasquer son agresseur, qui la violera à nouveau, cette fois avec son plein consentement, dans une scène mémorable où humour et perversité s'entremêlent. Jusqu'à l'orgasme.

Michèle, un personnage "qui veut prendre le contrôle"

Habitué des polémiques, celui qui est parfois surnommé le "Hollandais violent" voulait à l'origine tourner son film, tiré d'un roman du Français Philippe Djian, Oh..., aux Etats-Unis. Mais "personne n'aimait cette histoire", a-t-il raconté lors de la conférence de presse qui a suivi la projection.

Une héroïne trop amorale pour l'Amérique? Pour Isabelle Huppert, c'est plutôt un personnage qui veut passer de l'état "d'objet à celui de sujet" et qui, "au lieu de subir, veut prendre le contrôle" de la situation.

Récusant une intrigue parfois résumée à celle d'une victime tombant amoureuse de son violeur, Philippe Djian y voit l'histoire d'une femme "qui n'a pas envie de se soumettre aux codes qu'on nous soumet à longueur de vie", comme par exemple d'appeler la police quand on est victime d'un viol. "C'est sa liberté qui gêne le spectateur", a-t-il résumé à la conférence de presse.

L'actrice, grande habituée du Festival de Cannes et prête à toutes les expériences au théâtre comme au cinéma, a salué l'écriture "dissonante" du réalisateur de 77 ans, qui se met brusquement "à grincer et à devenir dérangeante".

"On était tous portés par elle"

Omniprésente à l'écran aux côtés de Laurent Lafitte, en voisin inquiétant, Anne Consigny, sa meilleure amie, Charles Berling, son ancien mari, Judith Magre, sa mère indigne, Isabelle Huppert imprègne le film de toute son ambiguïté effrontée. "On était tous portés par elle et voulant la porter", a résumé Anne Consigny.

Interrogé sur le risque de trahison que court toujours un auteur de roman lorsqu'il est porté au cinéma, Philippe Djian, a qualifié Isabelle Huppert de "trahison merveilleuse".

L'actrice aux plus de 100 films, deux fois couronnée à Cannes par le prix d'interprétation féminine - pour Violette Nozière du Français Claude Chabrol en 1978 et La Pianiste de l'Autrichien Michael Haneke en 2001 - paraît en tout cas l'une des mieux placées pour décrocher à 63 ans un troisième prix.

R.I avec AFP