Étrange festival: l'étonnant pari esthétique du nouveau film du réalisateur de Hero

Shadow est un étonnant film chinois avec un faux noir et blanc, qui rappelle celui de Sin City. Il est projeté ce week-end à Paris.

L'Étrange Festival, où sont projetées des curiosités du 7e Art, fête cette année à Paris son vingt-cinquième anniversaire. A l'affiche plusieurs films très attendus comme le nouveau montage d'Irréversible et Shadow, une œuvre inédite de Zhang Yimou, maître chinois connu pour Épouses et Concubines, Hero et Le Secret des poignards volants.

Célèbre également pour ses films engagés comme Le Sorgho Rouge et Qiu Ju, une femme chinoise, où il dénonce les absurdités de la société chinoise, Zhang Yimou s'est assagi depuis les années 2000 avec des grosses productions, comme La Cité interdite, conçues en lien avec Pékin. 

"Il faisait des films extrêmement précis sur le mode de vie chinois, mais en y injectant un petit peu d’acidité, une certaine critique sociale qui déplaisait au gouvernement de l’époque", rappelle Frédéric Temps, président et délégué général de l'Étrange Festival.

"Les gens en sortant de la salle sont subjugués"

Alors que la jeune génération l’accuse d’avoir courbé l’échine pour exercer en paix son métier, Zhang Yimou a frappé fort avec Shadow. Tourné en 2017, le long-métrage a impressionné jeudi les spectateurs de l'Étrange Festival grâce à son parti pris visuel qui assure sa renommée depuis sa sortie au cinéma:

"Les gens en sortant de la salle sont subjugués. Yimou a surpris tout le monde, car il revient avec un film extrêmement abouti, absolument somptueux, avec un travail plastique habile", souligne Frédéric Temps. "Il a travaillé énormément sur la colorimétrie du film, de façon à nous faire passer la couleur pour du noir et blanc - ce qui nous fait penser à des estampes traditionnelles. C’est un film étonnant.” 

Porté par un faux noir et blanc qui rappelle celui de Sin City, Shadow est une nouvelle adaptation des Trois Royaumes, classique de la littérature chinoise. 

"Il fait attention à ne pas trop froisser le gouvernement"

Derrière le faux noir et blanc se cache aussi un commentaire sur la situation en Chine. Cinéaste très malin, Zhang Yimou a toujours glissé des messages dans ses films - comme dans Hero, où les rebelles qui cherchent à tuer le roi de Chine sont tous incarnés par des stars hongkongaises...

"Il fait attention à ne pas trop froisser le gouvernement, mais on peut envisager qu’il ait voulu évoquer en creux la situation assez sombre, si ce n’est anthracite, de la politique de son pays", commente Frédéric Temps, qui ajoute que le dernier film de Yimou, One Second, consacré à la Révolution Culturelle, a été retiré brusquement l'hiver dernier du festival de Berlin.

Reste à savoir si Shadow sortira dans les salles obscures en France: "La grande surprise pour l’instant, c’est que le distributeur ne sait toujours pas s’il va le sortir en salle - ce qui est étonnant puisque c’est un film prodigieux sur un grand écran", déplore Frédéric Temps.

Il ajoute: "On se demande comment, après une carrière comme celle de Zhang Yimou, il peut y avoir des hésitations. C'est un honneur en tout cas pour l'Etrange festival d’aider à montrer des œuvres comme celles-ci." Pour les curieux, il reste une dernière projection dimanche 8 septembre à 16h30 au Forum des Images. 

Jérôme Lachasse