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Éric Judor, prête sa voix à un yéti dans Monsieur Link: "C’est le personnage le plus éloigné de moi"

Monsieur Link

Monsieur Link - Copyright 2019 eOne Germany

L’humoriste revient avec le film d’animation Monsieur Link, un récit d’aventures où il prête sa voix au Sasquatch, cousin américain du Yéti. Il évoque ce nouveau rôle et revient sur sa carrière, ses projets et son duo avec Ramzy.

En plein tournage de la saison 3 de Platane, où il dirige notamment Jamel, Florence Foresti, Laurent Lafitte et Gilles Lellouche, Éric Judor partage avec Thierry Lhermitte l’affiche du film d’animation Monsieur Link, réalisé en stop-motion. L’humoriste et réalisateur y prête sa voix au Sasquatch, chaînon manquant entre le singe et l’homme et cousin américain du Yéti. Rencontré à l’occasion de la sortie, ce mercredi 17 avril, de Monsieur Link, Éric Judor évoque ce nouveau rôle et revient sur sa carrière, ses projets et son duo avec Ramzy Bédia.

Dans Monsieur Link, votre personnage a une silhouette dégingandée à la Ramzy

(rires) C’est méchant pour Ramzy, mais je suis un peu d’accord. Je ne l’avais pas vu comme ça, mais Ramzy pourrait reproduire en vrai sa manière de traverser le mur quand il essaie d’infiltrer le village. Effectivement, il ne contrôle pas ses membres. Il a un côté Bambi qui vient de naître.

Votre personnage de Monsieur Link est très premier degré…

Tout l’inverse de moi! Tu veux dire que non seulement je joue avec le corps de Ramzy, mais en plus j’ai du premier degré? C’est le personnage le plus éloigné de moi. Je l’avoue dans la dernière interview, alors que je n’ai pas arrêté de dire aux gens qu’il y avait des petits côtés de moi. Là, je te l’avoue, ce n’est pas du tout moi. Sauf peut-être le côté…. j’allais dire sympa, mais suis-je vraiment sympa?

Quand votre personnage dit "c’est de toute beauté", c’était écrit ou c’est un ajout?

J’ai vu que Thierry Lhermitte avait dit "C’est cela oui" [sa réplique du Père Noël est une ordure, NDLR] et j’ai demandé à ajouter une de mes répliques. Quand je l’ai dit à Thierry Lhermitte, il n’a eu aucune réaction, il ne l’avait jamais entendu. Il me dit qu’il a vu La Tour Montparnasse infernale et H, mais je ne le crois pas. Je pense qu’il voulait juste me flatter, parce que je n’ai pas arrêté de lui dire à quel point je faisais ses répliques. Il était obligé de faire un contre compliment.

A-t-il vu Moot-Moot?

Mais non! Déjà, les mecs qui me citent H, ce n’est pas bon signe.

Comment est né Moot-Moot?

D’une rencontre avec François Reczulski le réalisateur de Ratz (2003), dont on faisait les voix. On improvisait beaucoup. C’était déjà dessiné et on changeait pas mal les dialogues. Ça lui a donné l’idée: et si on faisait un dessin animé original, on fait les voix et il dessine derrière. Et c’est devenu Moot-Moot. J’adore cette série.

Il y avait Lagerfeld, à qui vous prêtez votre voix, dans le premier épisode. Pourquoi?

Je ne sais pas, on cherchait des guests étonnants. Pourquoi est-ce qu’il y a Séguéla dans la saison 3 de Platane? Et Mike Horn? C’est moi qui vous pose la question!

Parce que Dwayne Johnson n’était pas disponible?

Parce que je n’ai pas osé appeler Dwayne Johnson. Purée, j’avais le mail de Jim Carrey et je n’ai pas osé. J’avais une séquence qui pouvait être très drôle avec lui, mais je n’ai pas osé, alors que j’avais déjà tourné avec lui dans Pecan Pie. Est-ce que j’ai fait une erreur? Non, ça aurait été très compliqué. Je crois qu’il est devenu très compliqué.

Il peint maintenant.

Ouais, mais je préfère ses vannes. Ce n’est pas nul ce qu’il fait. Je trouverai ça cool d’avoir chez moi humoriste une peinture pas marrante de Jim Carrey.

Revenons à Moot-Moot, C’était complètement fou. Qui a validé?

Arielle Saracco, directrice de la création originale de Canal+. C’est elle qui a validé Platane, Moot-Moot. C’est une personne qui me comprend et ça devient de plus en plus rare.

Même pour vous c’est difficile?

Comment ça même pour moi!? Surtout pour moi, non? Quand je fais 150.000 entrées par film, ce n’est rien du tout. Les mecs n’ont pas forcément envie derrière de refaire un film avec moi. Si on veut continuer, il faut avoir un certain succès commercial. Je tourne en ce moment la saison 3 de Platane et je viens de lancer le développement d’une nouvelle série de très courte anticipation, Distant Reality, sur les premiers colons sur Mars.

Ramzy nous a dit que vous aimiez bien le tuer ou le faire passer pour un sale type dans les films que vous réalisez.

(rires) C’est ce que m’a dit mon monteur. Je ne m’en suis pas rendu compte. Vraiment. Dans La Tour de contrôle infernale, effectivement, je le lapide, je le lacère, je l’humilie, je le crible. Allez chercher la raison profonde (rires). Je trouvais ça hilarant ce personnage qui se vide de son sang, que se prend des flûtes de champagnes dans le dos, qui respire comme une cornemuse. Dans Platane, ça va, il ne souffre pas, c’est le mâle alpha.

Depuis Roulez Jeunesse l’été dernier, vous vous éloignez de votre personnage burlesque.

Au début, j’avais tendance à faire des vannes en queue de scène. Julien Guetta, le réalisateur, m’a tout gommé. J’ai des réflexes et j’essaye de m’en défaire dans Platane 3. J’essaye doucement de modifier mon jeu et de créer des nuances.

Comment cela se manifeste-t-il?

Dans le débit, la façon de parler. Quentin Dupieux me décrit comme l’acteur qui joue le mieux l’hésitation. C’est un cycle qu’il faut peut-être que je boucle. Ça me fait beaucoup rire de jouer ça, d’interpréter le personnage comme ça, c’est vraiment une bonne base, un appui si soudain une scène ne marche pas très bien, mais je gomme de plus en plus ces réflexes pour aller tout droit à la vanne.

C’est agréable?

Ça fait du bien de changer, de se réinventer. Il n’y a rien de plus soporifique que de refaire systématiquement la même chose. C’est ce qui nous a amené à nous séparer avec Ramzy [en 2008]: on tournait en rond. C’était très bien de se séparer pour se recréer et se redonner envie.

C’était pendant Seuls Two?

Je n’ai pas vécu Seuls Two comme Ramzy. J’ai vu qu’il avait dit que l’on n’était plus les mêmes. J’étais super heureux de faire ce film. J’ai adoré réaliser pour la première fois. J’étais très surpris qu’il me demande d’arrêter après. On ne s’est pas vus pendant tout l’été après le tournage. En septembre, on s’est revus sur une émission de télé. J’avais plein d’idées et il m’a dit qu’il allait faire le film d’Anne Depétrini [Il reste du jambon?, NDLR]. J’étais très surpris.

C’est difficile pour un duo de réaliser un film. Mais Qui a re-tué Pamela Rose a été difficile pour Kad et O.

Oui, il y a un truc d’égo. C’est là qu’on voit que l’on n’a pas exactement la même sensibilité artistique. On peut être très complices dans la vanne et puis soudain avoir une autre vision de la manière de filmer un gag. Ramzy est assez contemplatif. Moi, c’est un peu abstrait. Il serait poétique et moi absurde.

À quel moment avez-vous compris que vous tourniez en rond? Halal Police d’état?

Je sais que Ramzy aime beaucoup ce film, il aime beaucoup les personnages. Je pense que j’étais malheureux, parce que j’étais déjà un control freak. Je n’étais pas heureux de livrer un scénario à quelqu’un et de le voir réaliser un gag que je n’aurais pas réalisé de la même manière.

C’est un film complètement fou, avec des extraterrestres!

Avec Ramzy, on a le syndrome de l'extraterrestre quand on écrit. Dans Seuls Two, on avait écrit une scène où on roulait en camionnette. On s’embrouillait tellement que soudain on se retrouvait dans un espace tout blanc et que passait, dans une voiture, une plante carnivore vue dans un labo. C’était le truc de trop. L’extraterrestre, c’est le truc de trop pour les gens. Ils décrochent. J’adore, mais c’est la cerise d’absurdité de trop.

Il devait y avoir des extraterrestres dans Platane?

Non, parce que je me suis discipliné. On se censure avec Ramzy. On sait que c’est de trop. L’absurde, c’est un château de cartes. Ça tient à peu de choses pour que ça marche. Parfois, si tu poses un truc trop lourd, tout s’effondre. Je crois que l’on a encore à apprendre. J’espère que nous apprendrons toute notre vie à écrire des vannes, des gags et des films.

Vous allez faire un film avec Ramzy et Jamel?

Un late show. On aimerait beaucoup se retrouver. Jamel, je le trouve hilarant. On s’est revus. Je trouve qu’il est redevenu ce qu’il était au tout début: il y a un truc ultra pur chez lui. Et Ramzy c’est mon frère. On est liés à vie.

Jérôme Lachasse