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Cinéma

Eric Elmosnino: "Pour Nicolas Vanier, faire L'école buissonnière était vital" 

Eric Elmosnino et Valérie Karsenti dans "L'école buissonnière", en salles le 11 octobre 2017

Eric Elmosnino et Valérie Karsenti dans "L'école buissonnière", en salles le 11 octobre 2017 - Radar Films

ENTRETIEN - L'acteur français donne la réplique à François Cluzet et Valérie Karsenti dans L'école buissonnière, le nouveau film de Nicolas Vanier en salles ce mercredi 11 octobre. Confidences d'un comédien césarisé, souvent prompt à se lancer dans des projets où on ne l'attend pas.

Il fait partie du casting prestigieux qu'a réuni Nicolas Vanier pour son nouveau long-métrage, L'école buissonnière, en salles ce mercredi. Dans ce film qui plonge le public dans la Sologne des années 1930, Eric Elmosnino, 53 ans, incarne Borel et partage notamment l'affiche avec François Cluzet, Valérie Karsenti, François Berléand et le jeune Jean Scandel.

Celui que le grand public a notamment découvert dans Gainsbourg, vie héroïque en 2010 (pour lequel il décrochera le César du Meilleur acteur) multiplie désormais les rôles au cinéma (Le coeur des hommes 3, La Famille Bélier, Si j'étais un homme...), sans pour autant quitter les planches (il est actuellement dans la pièce Ramsès II au Théâtre des Bouffes Parisiens). Rencontre avec un acteur dont la vie a changé le jour où il a découvert la scène.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de participer à L'école buissonnière?

Au départ, ça m’interrogeait un peu de savoir pourquoi Nicolas Vanier était venu me chercher pour incarner ce garde-chasse un peu psychorigide, car je n’avais pas l’impression que je dégageais cette image! (rires) En même temps, le décalage, c’est intéressant parfois. Mais c’est surtout Vanier qui m'a convaincu, car on a l’impression que pour lui, c’est plus important qu’un film. Et ce n’est pas si courant. Pour lui, c’est presque vital de vouloir parler de cette histoire-là, de cette vie-là, dans ce cadre-là, parler de la Sologne au fond! Il transforme tout ça dans un film d’époque, mais il évoque en réalité de choses qui lui sont chères. Donc c’est lui qui m’a donné envie, car je ne connaissais pas ces films.

Comment vous êtes-vous approprié ce personnage auquel vous ne pensiez pas forcément correspondre?

En tant qu'acteur, quand je découvre le scénario, je regarde un peu les scènes que j’ai et je me demande si je vais être capable de les faire ou pas. Je m’interroge là-dessus, sans forcément trouver la réponse d’ailleurs. Là, c’était un peu le cas. J'avais envie d’y aller, même si j'avais du mal à me projeter dans ce garde-chasse, mais ça m’amusait de m’inscrire dans cette histoire. Au départ, j'avais un peu peur du côté figure, presque caricatural de ce garde-chasse obsessionnel dessiné à gros traits. C'était important pour moi de l’humaniser, sinon ça faisait un peu cartoon. Je voulais bien l’assumer, mais j’avais envie d’être plus subtil. Et Nicolas Vanier était preneur de toutes mes remarques, il y a eu un vrai échange.

"Le théâtre m'a permis de naître"

Pour ce film, vous avez tourné en extérieur avec des animaux et un enfant. Tous les "pièges" semblaient réunis pour compliquer la tâche des comédiens, non?

Non, on se met au service de ça justement. Ce sont les animaux qui vont décider si la prise est bonne ou pas donc il y a intérêt à être bon quand eux le sont. Niveau temps, on a eu de la chance avec des journées sublimes. Quant à Jean, on n'a eu aucun problème. Nos rôles respectifs faisaient qu'il n’y avait pas forcément besoin de créer une grande intimité entre nous. Il subissait plutôt les humeurs de mon personnage qu’autre chose. Le but du jeu pour moi, c’était de le détendre entre les prises pour ne pas qu’il fasse l’amalgame entre moi et Borel!

Est-ce vrai qu'à l'instar du jeune héros du film, l'école n'était pas votre endroit de prédilection dans votre jeunesse?

Clairement! L’école a été une période d’ennui, mais je le savais, c’est étrange. J’avais la conscience aiguë que ce temps-là ne serait pas le temps dans lequel j’allais exister. C’est bizarre. Il fallait que ça passe, mais c’était très long… J'ai même quitté prématurément l'école à 15 ans.

Dans L'école buissonnière, le jeune héros fait la rencontre de Totoche, qui va changer sa vie et sa vision des choses. Y a-t-il eu aussi quelqu'un dans votre parcours qui a eu ce rôle déterminant?

Il y a eu cette prof de théâtre quand je suis arrivé à Saint-Germain-en-Laye pour m'inscrire par hasard à un conservatoire de théâtre. Elle m’a regardé comme on ne m’avait jamais regardé. D’un coup, elle a vu que je pouvais être quelqu’un, comme si elle reconnaissait quelque chose qui pouvait exister, qui avait le droit d’exister. C’est comme si on me permettait d’un coup de vivre. Soudain, il y a eu un endroit où on m’a permis de naître. C’est fou comme sensation! J’avais 18-19 ans et je m’en souviens encore.

Vous êtes actuellement au théâtre dans la pièce Ramsès II. Vous serait-il impossible d’abandonner les planches?

Non, ce ne serait pas impossible. Mais je n’arrive pas à résister, un peu comme quelqu’un de gourmand. Si je trouve un projet intéressant, je n’arrive pas à passer à côté. C'est ce qui est arrivé quand Sébastien Thiéry m’a envoyé sa pièce. Et pourtant, jouer 300 soirs de suite la même chose, ce n’est pas simple. Mais parfois, c’est "inrefusable", je ne sais pas faire autrement. En plus, là, il y avait François Berléand, on se connaît depuis plus de 20 ans. Le fait de savoir qu’il était dans cette pièce a participé à mon envie. Au théâtre, tu retrouves quand même les gens tous les soirs. C’est un rendez-vous. Je ne dis pas qu’il faut être amoureux, mais il faut aimer partager quelque chose avec ces gens-là.

"Après Gainsbourg, vie héroïque, j'étais un peu intouchable pendant un ou deux ans" 

Le film Gainsbourg, vie héroïque et le César que vous avez obtenu pour ce rôle ont tout changé pour vous, notamment au cinéma. Que vous reste-t-il de cette aventure?

Ca a été un moment charnière. C'est arrivé à 45 ans. Je n’étais pas un acteur frustré, qui ne tourne pas, qui galère. J'avais la chance de travailler dans des beaux théâtres avec des grands metteurs en scène. Je m'étais dit que le cinéma n’était pas pour moi, que ce n'était pas grave, car j’avais mon compte ailleurs. Et puis Joann Sfar est arrivé avec son Gainsbourg. Ca faisait parti des propositions qui ne sont pas refusables, même si pleins de choses pouvaient me faisaient un peu peur. Mais j’y suis allé. Ca m'a apporté une sorte de visibilité, un gros coup de projecteur. Là, tout le monde te découvre alors que tu existais déjà. Du coup, j'en ai profité pour rentrer dans la "ronde" alors qu’avant, je n’y arrivais pas. Ce genre de choses te donne soudain un capital, que j’ai un peu dilapidé d'ailleurs.

C'est-à-dire?

Dans ce genre de moment, il faut savoir être stratégique pour faire fructifier ce capital, justement. Moi j’ai fait les choses sans vraiment réfléchir et j’ai vu. J’étais un peu intouchable pendant un ou deux ans et puis, ça s'est arrêté. C’est drôle, mais j’ai un peu de distance par rapport à ça. Et tout va bien aujourd’hui!