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Cinéma

Edmond, une comédie sur la création de Cyrano de Bergerac entre biopic et conte de Noël

Alexis Michalik adapte sa pièce à succès sur la création de Cyrano de Bergerac et confie le rôle d'Edmond Rostand à Thomas Solivérès.

Récompensé de cinq Molière en 2017, la pièce à succès Edmond d'Alexis Michalik débarque au cinéma. En salles ce mercredi 9 janvier, cette comédie retrace la difficile création de Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand, la pièce la plus jouée du théâtre français.

L'intrigue se déroule en décembre 1897. Edmond Rostand est en panne d'inspiration depuis deux ans. Ses œuvres, en alexandrins, sont démodées et n'intéressent plus personne. Désespéré, il est contre toute attente contacté par Constant Coquelin, un des grands comédiens de cette époque, qui lui commande une comédie. Il n'a que quelques semaines pour lui écrire un chef-d'œuvre...

Situé pendant les fêtes de fin d'année, Edmond est un conte de Noël, une comédie populaire optimiste idéale pour débuter l'année. "C’est le but. Pour moi, c’est un film de Noël. Edmond, c’est Love Actually, mais version 1897", lance Alexis Michalik, qui signe l'adaptation cinématographique de sa pièce.

"Il a toujours été question d’en faire un film"

Le réalisateur, qui s'est réservé le rôle de Feydeau, a toujours voulu filmer cette histoire. "Il a toujours été question d’en faire un film", confirme-t-il. Avant d'en faire une pièce, il avait écrit un scénario, qui a été refusé partout. Les financements pour en faire un long-métrage se sont débloqués lorsque la pièce a rencontré le succès.

Du théâtre, son film conserve l'urgence. La caméra bouge sans cesse, enveloppant les comédiens dans de longs plans-séquences qui permettent de retrouver l'ambiance d'un théâtre de la fin du XIXe siècle. Pour reconstituer le Théâtre de la Porte-Saint-Martin, où a triomphé Cyrano, Michalik s'est rendu en République Tchèque.

Enfermé trois semaines dans un théâtre de Pelzen, il a recréé avec sa troupe, des figurants tchèques et quelques effets spéciaux le chef-d'œuvre d'Edmond Rostand. Pour les besoins d'Edmond, Michalik a tenu à employer exclusivement des acteurs ayant fait leurs preuves sur scène:

"Je voulais créer une troupe qui soit passée par le théâtre. Le théâtre leur confère en général une certaine humilité et une certaine discipline. Ils ont la conscience du collectif”, dit le metteur en scène. “Il fallait être au taquet, suivre chaque réplique de chacun, être dans le bon rythme."

Pas du théâtre filmé

Avec ses plans-séquences, Alexis Michalik ne voulait pas "filmer le théâtre d’une manière fixe": "je voulais du rythme, de l’énergie, que ça conserve la folie de la pièce. Je ne voulais surtout pas donner une image de théâtre filmé, un peu poussiéreuse." Cette énergie correspond également à la fin du XIXe siècle, époque de la naissance de la modernité et du cinéma: "Edmond fait partie des ringards: c’est un jeune vieux. Il n’est pas dans son époque, mais c’est pour cette raison qu’il va faire un classique."

Le rythme et l’énergie recherchés par Michalik font penser au cinéma de Jean-Paul Rappeneau, auteur lui aussi en 1990 d’une célèbre adaptation de la pièce avec Gérard Depardieu. "Je n’avais pas Rappeneau en tête", précise Michalik. "Je ne faisais pas Cyrano, mais Edmond." Pour Constant Coquelin, le créateur du rôle de Cyrano, il a fait appel à Olivier Gourmet: "Il nous fallait un acteur qui sache tout jouer, qu'il ait une certaine carrure, une voix, qu’il soit une sorte d’ogre attachant, capable d’être d’une profonde gentillesse." 

Pour Edmond Rostand, Michalik a fait appel à Thomas Solivérès, qu'il a rencontré au festival d'Avignon il y a plusieurs années et déjà dirigé dans un court-métrage. Le jeune comédien vu dans Intouchables et l'année dernière dans Spirou est un vétéran de la scène qui tourne avec son spectacle Venise n'est pas en Italie. Michalik a tout de suite vu en lui son Rostand. "Alexis avait besoin de quelqu’un qui a un aspect juvénile et en même temps la maturité du métier pour pouvoir tenir le rôle dans la durée", explique l'acteur habitué jusqu'à présent aux rôles d'adolescents ou de jeunes adultes irresponsables.

"La moustache était trop fournie"

Contrairement à Olivier Gourmet, le jeune comédien n'a pas eu à porter un nez imposant. Il a cependant dû composer avec une (fausse) moustache dont la taille n'a cessé de changer au fil du tournage. "Au début du tournage, la moustache était trop fournie. On l’a affinée pour la lumière, pour les ombres sur le visage", explique Thomas Solivérès. "En réalité, c’était surtout de sa calvitie dont Rostand souffrait", renchérit Alexis Michalik. "On a épargné cela à Thomas. On lui a juste creusé les golfes."

Edmond en BD
Edmond en BD © Rue de Sèvres

Autre épreuve à laquelle Thomas Solivérès a dû se confronter: c'est à lui, et non à Olivier Gourmet, que revient l'honneur de réciter la tirade du nez. Une séquence périlleuse où Edmond Rostand est en train d'imaginer ce célèbre texte: "C'était très compliqué", se souvient-il. "Il ne fallait surtout pas sonner faux. Il fallait que ça donne l’impression que j'invente le texte sur le moment alors que l’on sait très bien ce que je vais dire."

Adapté au cinéma et en BD

Outre le film, une BD inspirée de la pièce paraît. Réalisée par Léonard Chemineau chez Rue de Sèvres, elle a bénéficié des conseils de Alexis Michalik: "Je lui ai dit qu’il fallait qu’il y ait la même énergie, le même rythme [que dans la pièce et le film]. Je lui ai dit qu’il fallait que les personnages soient constamment en mouvement, jamais assis, toujours en train de se rendre quelque part, ce qui permet de passer par des décors différents."

Seule différence entre l’ouvrage et le long-métrage: si le Rostand de Solivérès est mince, creusé, presque frêle, celui de Chemineau est joufflu et dégarni: "A l’époque, les personnes de 28 ans font plus âgés”, explique Thomas Solivérès. “Alexis voulait que ce soit un vrai jeune, pour apporter de l’empathie au personnage.” C’est aussi l’histoire d’Edmond: celle d’un "petit oiseau fébrile" angoissé par la modernité qui apprend à marcher sur ses pattes et à prendre les choses en main.

Jérôme Lachasse